Courageuses Femmes cathares du Lauragais
Le Catharisme s'est transmis surtout par les femmes. Qu'elles soient parfaites ou simples croyantes, elles sont traquées, emprisonnées, brûlées. Leur courage a permis au Pays cathare de résister longtemps à l'envahisseur bardé de fer (1209-1229) et aux persécutions inquisitoriales (1233-1335). Qui étaient-elles ?
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Les Cassés (Aude) : "La cathare au bûcher ", Le Mémorial sur le site du Fort. Crédit photo : Alain Calmettes |
C'est à la mémoire des courageuses Bonnes Femmes du Lauragais qu'une Bonne Femme est représentée au mémorial cathare des Cassés (Aude). En ces lieux périrent soixante cathares, hommes et femmes, brûlés par Simon de Montfort, le 20 mai 1211. La stèle a été érigée à l'initiative des associations "Lauragais au Cœur" et "Les Cassés 1211-2011", et inaugurée lors de la commémoration du huit-centième anniversaire du bûcher des Cassés. |
Le catharisme affirme l'égalité des sexes
Les femmes sont engagées dès le départ dans l'aventure cathare. Au concile cathare de Saint-Félix de Caraman (Lauragais), en 1167, « une grande multitude d'hommes et de femmes de l'Eglise de Toulouse et d'autres Eglises voisines se rassemblèrent là pour recevoir le consolament ». Les femmes nobles entraînent leurs maris et leurs enfants aux prêches des cathares. Elles sont les premières à se convertir. Elles ont de bonnes raisons pour cela.
Ces dames chantées par les troubadours, vivent dans un monde d'hommes, fait par les hommes. A l'époque, la suprématie maritale dans le foyer est inscrite dans la coutume et le droit canon. L'anneau nuptial offert par le mari, n'est destiné qu'à la femme. Il est le signe aux yeux de tous, de la fidélité et la soumission de la femme à l'homme.
L'amour courtois n'empêche pas que la femme noble soit accusée d'adultère par le chevalier ni d'être enfermée, répudiée, battue, voire tuée. Les femmes de l'aristocratie, dont certaines ont appris à lire, finissent par admettre que le monde n'a pas été créé par le bon Dieu, mais par le Mal. C'est ce que leur prêchent les diacres cathares.
Par ailleurs, les cathares affirment l'égalité des sexes ! Ils disent que "toutes les âmes sont bonnes et égales entre elles et que le diable seul a fait la différence dans les corps". La théologie cathare écarte le récit de la Genèse et considère comme pure affabulation le personnage d'Eve.
Blanche de Laurac, Francesca de la Hille, Garsende du Mas-Saintes Puelles, Guillelme de Fonters, Fabrissa de Mazerolles : les unes après les autres, les dames nobles reçoivent le consolament et deviennent "parfaites hérétiques".
En 1204, à Fanjeaux, c'est au tour d'Aude de Fanjeaux, Fays de Durfort, Raymonde de Saint-Germain et Esclarmonde de Foix, la sœur du puissant comte de Foix. Non seulement les dames se convertissent, mais elles ouvrent des couvents hérétiques. Blanche de Laurac lègue ses droits seigneuriaux à son fils Aymeric de Montréal, et prend l'habit noir cathare, en compagnie de la plus jeune de ses filles, Mabilla. La "matriarche cathare", dirige trois maisons de Bonnes-Femmes à Laurac, Montréal et Castelnaudary.
A Gaja la Selve, dame Fabrissa de Mazeroles est la prieure d'une communauté de femmes cathares. Sa belle-sœur Hélis lui rend visite et dîne plusieurs fois «avec elle et avec ses compagnes à la même table.»
Dans la plaine du Lauragais, au début du XIIIème siècle, le castrum de Saint-Martin Lalande, abrite dix maisons cathares dont la plupart sont tenues par des femmes.
Pour contrecarrer l'expansion des communautés cathares, Dominique le prêcheur ouvre un couvent catholique à Prouille en 1206. Il a bien compris le rôle essentiel des femmes issues de la noblesse. «Il fonda un monastère pour l'accueil de dames de la noblesse que leurs parents, par pauvreté, donnaient aux cathares à instruire et à élever». Na Cavaers, qui est co-seigneuresse de Fanjeaux, donne des terres et des vignes au monastère catholique de Prouille. Cela ne l'empêche pas d'accueillir régulièrement les diacres cathares dans son castel.
Laurac (Aude) - Etait-ce la maison de Bonnes Femmes de dame Blanche ? Il n'y a aucune trace écrite. Seule la tradition orale
nomme cette façade en ruine d'apparence médiévale, "le Mur de Blanche". Crédit photo : Alain Calmettes
Les paysannes suivent l'exemple des dames
Grâce aux femmes de l'aristocratie rurale, le catharisme fait la conquête des maisons seigneuriales qui dominent le Lauragais et se développe dans un climat de paix et de courtoisie. Dans les rues étroites des villages fortifiés du Lauragais, à l'ombre du clocher de l'Eglise romaine, tout le monde se salue, boit l'eau de la même fontaine et parle la langue d'oc.
Dans ces conditions, au tournant du XIIIème siècle, les maisons religieuses des Bonnes Femmes s'ouvrent aux femmes des notaires, des artisans et même des vilains. Les vilains, déjà accablés de redevances dues au seigneur, ne voient pas pourquoi ils paieraient, plus longtemps la dîme au clergé. D'autant que les cathares leur disent qu'on ne trouve nulle part dans les Ecritures qu'il faille donner une gerbe sur dix à l'Eglise de Rome au moment de la moisson.
Chez les paysans, comme chez les nobles, ce sont les femmes et les filles, qui se convertissent en premier. Un exemple : en 1215, à Saint-Paulet, le jeune paysan Pons Viguier, qui est parti tailler la vigne, apprend qu'en son absence, sa mère, Audiarde a reçu le consolament. Sa mère rejoint ensuite une communauté de Bonnes Femmes. Trente ans plus tard, le même Pons Viguier voit sa femme le quitter et entrer dans les ordres cathares. Face à l'inquisiteur, le tailleur de vigne déclare : « Ma femme vient de me quitter ce mois-ci, et je crois bien qu'elle s'est faite hérétique. Mais je ne sais pas où elle est, je ne l'ai pas revue ».
Dans la société médiévale, la femme devient majeure à douze ans (quatorze pour les hommes) et en général, elle épouse un mari de dix ou vingt ans plus âgé qu'elle. Les veuves, les épouses battues, répudiées, en rupture, les pucelles abandonnées par leur famille, les amoureuses déçues, trouvent un toit, une sécurité et une bonne éducation chez les Bonnes Femmes et même un métier.
Croyantes ou parfaites cathares
Jusqu'à la fin du XIIème siècle, dans le Lauragais, maintes croyantes cathares vivent en concubinage au vu et au su de tous. Guillelma Campanha est l'amie (en occitan : amasia) d'Arnaud Mestre. Autre exemple, lorsqu'un certain P. Fournier de Fanjeaux fait venir le diacre pour qu'il apporte le consolament à son père mourant, ce dernier vit avec son amie, laquelle assiste à la cérémonie.
Les cathares accusent l'Eglise romaine qui prétend consacrer l'union charnelle par le sacrement du mariage …de se conduire en proxénète. Car l'acte de génération est considéré par les cathares, comme une invention diabolique de nature à retarder la libération des âmes.
Le sort des parfaites est bien différent de celui des simples croyantes. Lorsque la croyante reçoit le consolamentum, les Bons Hommes lui font souscrire un engagement de chasteté perpétuelle. S'il arrive à une parfaite de toucher la main d'un homme, le diacre la condamne au jeûne pendant trois jours et trois nuits. Bonnes Femmes et Bons Hommes évitent tout contact en interposant le livre de l'Evangile entre elles et eux lors du baiser de paix. Au temps des persécutions, lorsqu'ils escortent une parfaite qu'ils font passer pour leur épouse, à l'auberge, les cathares partagent le même lit mais dorment habillés en ayant soin de ne jamais se toucher la peau.
Les tisserandes cathares font le bien
Les Bonnes Femmes donnent du pain à ceux qui ont faim, des vêtements à ceux qui ont froid, prodiguent des soins aux malades et blessés et assistent les familles au moment des funérailles. Bref, les parfaites cathares assument au village les œuvres de miséricorde qui ne sont plus prises en charges par le clergé romain.
Les parfaites sont habilitées à "consoler" les mourants, c'est-à-dire à conférer le consolament, qui est l'unique sacrement cathare. Elles ont par conséquent le pouvoir sacerdotal. Néanmoins, Guilhem Bélibaste, le dernier des cathares, vers 1320 précise que « les Bonnes femmes ont ce pouvoir …si toutefois aucun Bon Homme n'est présent. »
Elles visitent un mourant
Psautier de Cantorbery - France XIIIe siècle – Paris BNF |
Elles cardent, filent et tissent la laine.
Boccace XVe siècle |
Le manuscrit 609 relatif à l'enquête des inquisiteurs Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre, en 1245 et 1246, indique les endroits du Lauragais où il y a au moins un "ostal de Bonas Femnas" : Avignonet, Baraigne, Bram, Caraman, Fanjeaux, Gaja, Gourvielle, Issel, Lanta, La Pomarède, Laurac, Les Cassés, Lasbordes, Labécède, Mas-Saintes Puelles, Montferrand, Montmaur, Saint-Félix, Saint-Martin Lalande, Saint-Paul Cap-de-Joux, Saint-Paulet, Saissac, Salles-sur-l'Hers, Verdun, Villemur, Villeneuve-la Comptal, Villepinte, Villesiscle. La liste n'est pas exhaustive. Et dans ces endroits il y a souvent plusieurs "maisons".
La "maison hérétique" est placée sous l'autorité d'une supérieure, appelée en occitan "priora" (prieure). La petite communauté est formée de trois ou quatre Bonnes Femmes, plus quelques novices. Entre elles, les Bonnes Femmes s'appellent socias. Une socia est une compagne rituelle attitrée.
Après une période probatoire qui dure un an, la novice reçoit le consolament et prend l'habit noir. Comme leurs frères, les Bonnes Femmes prononcent alors les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance à la règle de Justice et Vérité. Elles pratiquent jeûnes et abstinences trois jours par semaine, font trois Carêmes par an. Les prières rituelles scandent leur vie quotidienne : des séries de Pater, d'Adoremus et de Benedicite.
Les Bonnes femmes vivent du travail de leurs mains
Leurs maisons sont de véritables maisons-ateliers. A l'oubradou (ouvroir), de l'aube au crépuscule, les tisseyras (tisserandes) filent, tissent du carbé (chanvre), du lin, et bien sûr, de la laine des moutons du Lauragais. Elles travaillent à façon et revendent leurs toiles à des marchands qui viennent jusque de Narbonne. Ceux-ci leur fournissent même du lin d'Alexandrie (nom donné à l'époque au coton). Elles achètent des aiguilles à coudre et des canels (fils de trame pour les métiers à tisser). Les tisserandes cathares développent une véritable industrie drapière : la première véritable industrie du Lauragais.
Une fillette du Mas "hérétiquée" de force
A Villeneuve [-la-Comptal], Doucia Faure, avant 1200, nouvellement mariée, quitte le domicile conjugal et rejoint la maison hérétique de Gailharda. Cette dernière emmène la jeune femme à Castelnaudary, dans la maison que dirige Blanche de Laurac. Doucia demeure une année à Castelnaudary avant de rentrer, en 1200, comme novice à Laurac, dans la maison que dirige une certaine Brunissende. Car Brunissende est spécialisée dans la formation des novices. Au bout de trois ans, Doucia Faure n'est pourtant pas ordonnée, car elle se sent, dit-elle, trop jeune pour observer les privations cathares. Les jeunes filles "consolées" trop tôt finissent par "retourner au siècle", c'est-à-dire renoncer à être des parfaites.
Dans la maison des Bonnes Femmes, il n'est pas rare de voir trottiner de-ci de-là, des gamins qui jouent entre les métiers à tisser. Au Mas-Saintes Puelles, quatre petites filles : Raymonde Gasc, Condor, Ermengarde Ay-chart, Raymonde Germa, renoncent finalement à être Bonnes Femmes. Dame Condor, déclare à l'inquisiteur qu'elle a été "hérétiquée" par force alors qu'elle n'avait pas dix ans (Ms 609).
Malgré ces échecs, on peut dire que c'est au sein des maisons de Bonnes Femmes, que s'est forgée l'âme de la résistance cathare.
La fouace et les noix des Bonnes Femmes
Les religieuses cathares sont libres d'entrer et sortir de leur maison. Elles ne sont pas recluses derrière une clôture de pierre, comme les moniales catholiques. Jean Couffinal, reçoit chez lui, à Fanjeaux, durant trois semaines, vers 1203, une Bonne Femme nommée Lombarde. Il s'agit d'une parente par alliance. Elle vit en maison cathare à Villepinte. Jean, sa femme, et leurs deux enfants, s'empressent autour de la parfaite, l'adorent, mangent à table le pain qu'elle bénit.
A la même époque, Blanche de Laurac reçoit souvent son fils, Aymeric de Laurac-Montréal, et sa parentèle, la chevalerie de Roquefort, ainsi que Bernat Mir Assézat, un jeune écuyer originaire de St-Martin Lalande. De temps en temps viennent aussi Bertrand de Saissac et même le comte de Foix. Elle leur sert son pain béni, des pommes, des noix et des anguilles grillées et des empastats (pâtés en croûte de poisson) mais pas à la même table qu'elle.
Garsende du Mas, reçoit son petit-fils : «J'avais cinq ans, déclare Bertrand de Quiders, quand je voyais ma grand-mère Garsende et ma tante Galharda, qui tenaient publiquement leur maison de parfaites au Mas-Saintes Puelles. Et je mangeais le pain, les noix et tout ce qu'elles me donnaient de bon. »
Les Bonnes femmes chantent pendant que leurs mains agiles courent sur les métiers à tisser. «Dans un contexte médiéval ordinaire, la maison cathare est le type achevé de l'établissement religieux dans le siècle.» (A. Brenon)
Laurac (Aude) – Vue de l'ancien castrum qui avait cinq maisons hérétiques, dont quatre de Bonnes Femmes.
Crédit photo : Philippe Willem
Dans le Lauragais se forment des communautés de sœurs que les dépositions devant l'Inquisition désignent d'un nom générique : "les Rougières" sont les trois filles Rougier, de Villepinte, nommées Dias, Peirone et Guillelme. On peut suivre les pérégrinations de la maison communautaire à Lasbordes où elles vivent avant la croisade, jusqu'à leur errance en Lauragais, traquées par l'Inquisition. On connaît aussi "les Audenas" et "les Brunas" au Mas-Saintes-Puelles.
Guiraude de Laurac, la pire des hérétiques
Dès 1209, Aude de Fanjeaux et ses compagnes quittent Fanjeaux en flammes et, guidées par leur diacre, Guilhabert de Castres, rejoignent Montségur. D'autres résistent. Lors des sièges des castra, les femmes cathares prennent une part active à la défense. Dame Guiraude de Laurac, fille de Blanche, est nommée par les croisés "heretica pessima", la pire des hérétiques. N'ayant pas voulu livrer les cathares de la ville de Lavaur, quand la ville est prise en 1211, Guiraude est jetée dans un puits et enfouie sous les pierres (*Voir Couleur Lauragais de septembre 2011).
Le traité de Paris de 1229 signe la défaite définitive du comte de Toulouse et des féodaux méridionaux. Désormais sans appui public, les Bonnes Femmes, comme Bons Hommes, passent dans la clandestinité. Les Bonnes Femmes sont hébergées chez les croyants cathares. Le comte de Toulouse promet deux marcs d'argent à quiconque permettra l'arrestation d'un hérétique. L'étau se resserre.
Quand le danger de l'inquisition se fait pressant, les Bonnes Femmes, se cachent dans les granges, les "jasses" (bercails), les cabanes isolées. Guillaume Huc de la Cassaigne qui poursuit les hérétiques à la demande d'un frère prêcheur, rapporte : «Nous avons trouvé une nuit trois parfaites près de la Cassaigne, dans un taillis qui était à Guillaume Gauzi. Quand elles pressentirent notre venue, elles s'enfuirent. Et comme nous n'avions pas pu les suivre et les arrêter, nous délibérâmes entre nous de ne pas les suivre, car nous risquions qu'il nous arrive du mal, et la fatigue du corps. Je crois que ce Guillaume Gauzi et ses frères les gardaient là. Je le crois parce que ledit Bernard quitta le pays, et je crois qu'il alla auprès des parfaits. Une parfaite fut alors arrêtée deux jours après au Mortier, amenée à Toulouse, et brûlée. Je crois que c'était l'une d'elles.»
On vient les ravitailler, les écouter prêcher, demander leur bénédiction et leur apporter de l'ouvrage. Vers 1235, Guillemette, épouse d'Arnaud de Clarens, chevalier des Cassés, avoue à l'inquisiteur, qu'à la Guizole, près des Cassés, dame Brune et deux autres parfaites, ses compagnes, demeurent dans un bois. Elle leur a cuit du pain deux fois et son mari le leur a apporté. Ces parfaites filent la laine à prix fait. Mais elles ne verront rien de ce salaire, car peu après le curé de Saint-Paulet les arrêtera. »
«Ma mère, Arnaude, fut hérétique, déclare Pierre Benech, de Laurac. Je lui rendis visite une fois ou deux chez Pons Faure, à Villeneuve [la-Comptal], où elle se cachait et où elle fut prise. Elle a été brûlée.»
Les croyants font leur possible pour procurer des vivres, des vêtements… voire une nouvelle socia à telle Bonne Femme esseulée. Vers 1240, Raimond Raseire, cache sa mère, dans un bois près de Cambiac. Comme elle a perdu sa socia, il lui amène sa propre soeur, qu'elle ordonne elle-même pour en faire sa nouvelle compagne.
Le zèle anti-cathare déployé par les inquisiteurs et le clergé local, provoque la révolte des populations du Lauragais et les femmes ne sont pas les dernières à s'insurger. Vers 1233, la femme de Raymond Autier, de Villepinte, arrêtée à Roquefort, dans la Montagne Noire est libérée grâce au soulèvement des femmes du village. Une autre fois, l'abbé de Sorèze envoie un agent pour arrêter deux parfaites qui séjournent dans le village. Les femmes de l'endroit rouent l'agent de l'abbé de coups de bâton, lui jettent des cailloux et libèrent les Bonnes Femmes. Et lorsque l'abbé leur reproche leur conduite, elles tournent en ridicule son agent en prétendant qu'il a pris pour des hérétiques deux braves femmes mariées.
Dame Guiraude va être lapidée par les croisés de Montfort...
Qui est la gisante du sarcophage ?
Un sarcophage a été mis au jour en 1997, lors de travaux dans l'ancienne maison des chevaliers l'Hôpital de St-Jean de Jérusalem, rue de la Dalbade, à Toulouse. On aperçoit sur le côté du sarcophage une tour crénelée qui pourrait être, soit la tour des seigneurs de Laurac, rasée après 1229, soit la Tour d'Antioche, ancien château situé sur l'actuelle commune de Payra-sur-l'Hers et dont les chevaliers étaient liés à la maison de Laurac. Il pourrait s'agir d'une illustre dame qui était tombée dans l'hérésie. On sait en effet que les Hospitaliers acceptaient de donner une sépulture chrétienne aux nobles qui avaient des liens avec l'hérésie. En attendant, d'en savoir plus, la belle endormie a été dénommée par les archéologues "la dame de Laurac".
L'énigmatique "dame de Laurac" (Toulouse, Hôtel des Hospitaliers de St-Jean de Jérusalem)
La cathare de St-Martin Lalande qui craignait le feu
La police inquisitoriale quadrille nos villages et organise des battues de nuit, à la lumière des torches, dans les forêts du Lauragais pour débusquer les hérétiques. D'après l'historienne Zoé Oldenbourg, «les femmes, soit plus actives que les hommes, soit plus imprudentes parce qu'elles se sentaient moins menacées, se faisaient, semble-t-il, prendre plus souvent.»
La jeune Raymonde Jougla, qui a été mise à la porte de la maison par son père, à Saint-Martin Lalande, vers 1242, rejoint deux Bonnes Femmes, Arnaude et sa mère, dans une cabane près de Laurac. Ensemble, elles ap-portent le consolament aux mourants. Le seigneur de Gaja-la-Selve, Bernard de Mazerolles, vient recevoir leur bénédiction. Hélas, un jour, toutes les trois sont capturées, emmenées à Toulouse et conduites au bûcher. Or, Raymonde Jougla raconte : «Elles furent brûlées à Toulouse, mais moi, devant le bûcher, par peur du feu, je me convertis à la foi catholique.» Le cas est exceptionnel. En général les Bonnes Femmes se jettent dans les flammes plutôt que d'abjurer. «En Lauragais, écrit Anne Brenon, autour de St Martin Lalande jusqu'à Laurac même, la parfaite Guilhelme de Camplong tient le maquis longtemps avec ténacité avant d'être prise. Elle est l'une des dernières grandes Parfaites.»
La dernière simple croyante cathare, Guilhelma Tournier, est brûlée à Carcassonne en 1325.
Le village de Saint Martin Lalande a été créé au début du XIIe siècle. Il n'y avait pas d'église intra muros car Saint Martin Lalande
fut aux XIIe et XIIIe siecle un haut lieu du catharisme. D'après les registres de l'inquisition, il y avait dix maisons
de parfaits cathares et la plupart des habitants assistaient aux prêches des bons hommes. Crédit photo : Couleur Média
Les cathares occitanes ont perdu le combat pour l'égalité des sexes. Pour longtemps, elles n'auront plus droit au chapitre. L'abbé de Cieaux, Arnaud Amaury, renvoie Esclarmonde de Foix à ses quenouilles. Le concile de Toulouse, en 1229, prévoit que «les femmes, veuves ou héritières, qui possèdent des places fortes ou des châteaux, ne doivent pas se marier avec des ennemis de la foi et de la paix». Jourdain de Saxe, le biographe de saint Dominique, raconte que ce dernier, sur son lit de mort, en 1221, à Bologne (Italie), recommande aux prêcheurs d'«éviter les fréquentations des femmes, spécialement des jeunes, car cette espèce est dangereuse à l'excès.»
Alain Calmettes
Président de l'Association Lauragais au Cœur
Couleur Lauragais n°142 - Mai 2012 |