Un homme à tout faire patronné par Vulcain : Le forgeron (lé faouré) |
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Il y a quelques années, le forgeron était le seul ouvrier indispensable au travail du fer. Notre Lauragais était un pays essentiellement agricole. Pour cultiver le sol, l'agriculteur avait besoin de boeufs de labour (lé parel). Dans les villages, le transport des marchandises était assuré par les rouliers grâce à leurs chevaux de trait. Afin d'obtenir de ces précieux auxiliaires un rendement maximum, il fallait protéger les pattes de ces bêtes de somme par des sabots de fer en forme de U afin d'éviter l'usure de la partie cornée. C'est ce spécialiste local qui se chargeait d'effectuer l'opération. Il ferrait aussi l'âne du meunier. Ce manuel expérimenté fabriquait des socs de charrue pour les attelages, des serrures, des grilles et des outils rustiques comme des pioches, des faucilles (fous), des faux (dalhos) et des bêches (andusacs) indispensables au travail du sol. Tous ces éléments métalliques nécessaires à la vie rurale étaient des "ferratalhos" (objets de fer). Ce prestataire de multiples services était l'âme des villages. Son atelier servait de lieu d'échange verbal, un parloir en quelque sorte où le rural s'évadait de son terroir. L'appellation faouré a donné des noms de famille comme Fauré et Faur. |
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Origine du métier de forgeron
À l’époque féodale, au Moyen Age, les Chevaliers ou seigneurs laïques maîtres des villages engageaient un maréchal à forge par contrat d’afferme. Cet artisan vassal ferrait les chevaux de selle et de trait de son suzerain. Il fabriquait dans la "forge banale" (ou seigneuriale) les armes du "Mestré" : épées, lances, armures et éperons indispensables aux tournois, aux guerres privées et aux duels ainsi que tous les ustensiles tranchants à usage domestique.
Les Moines des Abbayes qui partageaient la terre avec les Féodaux apprirent à leurs serfs "affranchis" à forger les outils nécessaires à la culture du sol : bêches, houes, socs de charrue. Au cours des siècles, dans les villages, le forgeron, ouvrier du fer, était un personnage indispensable et polyvalent. Ses prestations étaient aussi précieuses que les services du Maire et du Curé.
Ses rémunérations
Le plus souvent, le forgeron était payé en nature (céréales, bois, porc ou volailles), parfois en espèces (quelques deniers). Pour faire vivre décemment sa famille, il était obligé de cultiver quelques pièces de terre dans sa commune.
Un voisin généreux lui prêtait attelage (paire de labour) et charrue (arnés). Ses maigres arpents lui procuraient ainsi le blé, le maïs et le vin, trois produits indispensables à la vie rurale d’autrefois.
La forge
Elle était située au bas de sa maison de village, plutôt sur une place offrant un espace de stationnement pour les attelages à ferrer et les chevaux en attente.
Dans cette pièce peu éclairée par la porte et parfois un "finestrou", il régnait perpétuellement une odeur de ferraille. Les murs étaient noircis par la fumée. Sur le sol de terre battue, l’artisan s’affairait tout le long des jours ouvrables. Il interrompait sa besogne lorsqu’un client, en quête d’un service, se présentait sur le pas de la porte.
La forge comprenait un foyer que l’artisan au tablier de cuir ravivait à l’aide du grand soufflet en peau tendue sur une armature de bois. C’était "le bufét del faouré" suspendu au plafond. Cet appareil était mis en mouvement par un apprenti à l’aide d’une chaîne et de sa poignée.
Près de l’enclume, fixée au mur, une panoplie de pinces et de marteaux restait à la disposition de l’utilisateur.
La matière première : barres et rondins de fer étaient entassés dans un coin sombre de l’atelier.
C’est dans ce local que l’on colportait les nouvelles.
Le matériel Le soufflet (le bufet del faouré) : cet instrument était destiné à souffler de l'air sur le foyer pour activer la flamme. Il se composait d'une poche en cuir souple fixée entre deux plaques rigides que l'on éloignait ou rapprochait alternativement. L'air expulsé sortait à travers un conduit. |
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L’enclume : c'était une masse métallique plate et pointue qui servait à travailler au marteau le métal incandescent tenu par des pinces. |
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La trempe : ce traitement consistait à refroidir brusquement par immersion dans un cuvier une pièce de fer préalablement rougie. Le procédé augmentait la dureté du métal. |
Les différentes opérations
L’artisan du fer fabriquait toutes sortes d’outils domestiques et agricoles devant la forge qui flambait en projetant des fusées d’étincelles. Il était tributaire des trois éléments : le fer, le feu et l’eau. Ses mains agiles et ses bras forts aux manches retroussées transformaient la matière brute en couteaux, coutelas, bêches, houes, faux, faucilles, haches et pièces de charrue (rélhos ou socs), cercles de fer pour charrons et tonneliers.
Le forgeron soudait à la fusion, donnait la forme au fer par le moyen du feu et du marteau. Il se chargeait de l’aiguisage des outils. Le village s’éveillait au bruit métallique du marteau battant le fer sur l’enclume, manié vivement par l’homme aux bras nus.
C’était tôt le matin qu’il mettait dans le brasier la barre de fer qui allait devenir outil aratoire. Il fallait la rendre malléable. Lorsqu’il estimait le moment propice (du rouge au blanc), il prenait la pièce avec les pinces convenables, la posait sur la grosse enclume et la martelait afin de lui donner la forme voulue.
Il procédait ensuite au trempage dans l’auge pour fixer définitivement la structure et la dureté de la pièce.
Un ouvrier polyvalent au service de la communauté
Le maître du fer était aussi maréchal ferrant. Dans les campagnes, l’usage voulait que l’on fixe aux sabots des animaux de trait et de labour des "fers" adaptés à la forme du pied, afin de protéger la corne de l’usure, augmenter la puissance de l’animal et favoriser une meilleure adhérence au sol en corrigeant les défauts de la corne.
Sur simple vue, le maître maréchal choisissait le fer convenable. On ferrait mulets, bœufs, ânes et roussins.
Cette coutume datait du Xème siècle.
Le Maréchal ferrant - dessin Paul Sibra
Le ferrage des bœufs L’opération se déroulait devant la forge. Le maréchal, aidé de son apprenti et du meneur, introduisait l’animal souvent apeuré et récalcitrant dans l’entrave (lé trabal) faite d’un solide bâti de bois équipé de sangles pour maintenir étroitement le patient et éviter les mouvements brusques et les ruades. Il fallait tenir la patte à traiter. L’opérateur ajustait le fer sur l’onglon et enfonçait au brochoir (marteau à ferrer) par les étampures (trous) des fers les clous dans la masse cornée. |
Le ferrage des chevaux
Il se faisait à chaud. L’animal plus placide était attaché à un anneau fixé au mur. Le propriétaire et l’apprenti tenaient et flattaient l’équidé tandis que le maréchal coinçait la patte repliée entre ses cuisses. Il ôtait le fer usé avec ses tenailles, égalisait la corne du sabot au "rogne-pied" puis, il appliquait le nouveau fer rougi au feu sur la surface plane.
Une odeur de corne envahissait les lieux. Procédant comme pour le bœuf avec le brochoir, par les étampures, il enfonçait obliquement les longs clous dans le sabot.
Ainsi le voulait la tradition dans nos centres de vie communautaires du Lauragais.
Odette BEDOS
Hommages - En la mémoire du forgeron et en celle des artisans de village, "Aimez les métiers, le mien et les vôtres |
Métier vieux de plus de 3000 ans, le terme de maréchal provient de l'ancien français Marhskalk qui désignait un domestisque qui soignait les chevaux. Fidèle lectrice de Couleur Lauragais, Martine Cabanes, de Castelnaudary, rend hommage à cet animal très intelligent, proche de l'homme, ami et compagnon de travail. Il y a des années, Toi mon ami, toi le cheval, on te trouve partout. Aussi on te trouve dans les bois, les forêts, On te voit dans la mine, au fond de ce trou noir Il ne faut pas oublier les chevaux du Far West, Il y a plus de cinquante ans, dans les villes, les rues, Cheval de cirque, de spectacle, tu es le roi, Après ces maints ouvrages, sur le continent, Martine Cabanes |
Voir aussi l'article sur le métier de forgeron paru dans Couleur Lauragais n°1/avril 1998