Gens d'ici
Jean et Pierre DESPIÉRRIS sont frères et tous deux forgerons. Installés à Baziège, à plus de 70 ans, ils gardent la passion de la forge et viennent parfois encore travailler le fer pour le plaisir. Ils expliquent à "Couleur Lauragais" l'histoire de cette passion.
Chez
les Despiérris, on est forgeron de génération en génération: "Nous
venons d'une grande famille d'artisans." explique Jean
Despiérris,
" mon arrière grand-père était charron. Il fabriquait,
à la fin du siècle dernier des calèches en bois. Mais
ce sont nos grand-père et père, maréchaux-ferrants depuis
1884, qui nous ont transmis la passion de la forge. Mon père a pris
la suite de mon grand-père et est devenu maréchal-ferrand dans
l'armée."
Pour la famille Despiérris, la forge est plus qu'un travail, c'est une passion. Le grand-père et le père forgeaient encore à 85 ans et les deux frères ont eux-mêmes commencé à ferrer à partir de l'âge de 13 ans. A cette époque, la formation se fait sur le tas, à la dure : "Il nous fallait marcher droit, explique Jean Despiérris, ou le grand-père savait nous éduquer par un coup de mailloche (*) sur les doigts". Ce qui n'était au début qu'une manière de participer à l'activité familiale et de gagner sa vie est rapidement devenu une véritable passion : celle du modelage du fer, matière noble par excellence.
Les choses ont bien sûr évolué depuis le début du siècle : avant les deux guerres, l'activité était centrée autour du ferrage des bêtes et de l'entretien des machines agricoles. La forge fonctionnait alors sur commande pour façonner des charrues à traction animale capables de durer des années. Le travail de ferrage représentait aussi une part importante de l'activité : des chevaux pour les voitures aux boeufs pour le travail de la terre ou aux troupeaux ferrés avant d'être amenés aux pâturages.
À cette époque, les propriétaires amenaient les chevaux dans la journée et venaient les rechercher une fois le travail de ferrage terminé. Dehors de part et d'autre de la rue, les anneaux où les bêtes étaient attachées sont encore visibles. Le travail était important et le fournisseur en fer devait passer au moins deux fois par semaine pour ravitailler la forge. Deux fournisseurs principaux se partageaient le marché : Jean Camman à Villefranche de Lauragais et les établissements Bernard Pagès à Toulouse, entreprise qui existe encore aujourd'hui.
Après la seconde guerre mondiale, les chevaux ont quasiment disparu: on ne les utilisait plus pour travailler la terre, ni pour se déplacer. L'activité s'est alors progressivement recentrée sur la petite motoculture et la construction de pièces pour matériel agricole. Il fallut attendre la fin des années 60 pour voir peu à peu réapparaître les chevaux de selle.
À partir de 1965-1966, en effet, le développement des loisirs liés au cheval, a permis de reprendre une activité plus conséquente de maréchal-ferrant.
Aujourd'hui, l'activité de maréchalerie est essentiellement tournée vers les poneys et chevaux de courses. La forge propose aussi des activités plus classiques de soudage de pièces pour machines agricoles par exemple.
Les frères
Despiérris viennent encore à la forge pour le plaisir de voir
le fer se modeler sous leurs mains et entendre la musique du marteau sur l'enclume.
Ils ont gardé cette maîtrise du geste du forgeron : ils prennent
une pièce en forme de fer à cheval et la chauffent dans le four
à charbon. Ils posent ensuite le fer rougeoyant sur l'enclume et le
mettent en forme. Dernière opération, le perçage des
trous pour passer les clous. Les Despiérris possèdent leur marque
de fabrique : une entaille sur le devant du fer qui laissera une trace visible
sur les empreintes laissées par les sabots sur le sol. Une marque de
fabrique qui s'inscrit toujours sur les chemins du Lauragais !
Le matériel a certes évolué. Les antiques enclumes en
fer recouvertes d'une couche superficielle en acier s'écaillaient rapidement
sous les coups de marteau. Elles ont été remplacées par
des enclumes entièrement en acier. L'activité elle, est restée
la même, et rythme encore la vie de la maison. À 78 et 74 ans,
les frères Despiérris perpétuent, pour le plaisir, la
passion du fer et comptent parmi les figures locales du Lauragais.
Interview J.-M. FAGET
* Mailloche : outil utilisé pour ferrer les chevaux.
Despiérris
Frères -
12 grande rue 31450 Baziège
Couleur Lauragais N°1 - Avril 1998