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Poèmes

PROSPER ESTIEU

Un « Félibre » Occitan passionné de « Terradou »

L'audois Prosper ESTIEU (1860-1939) instituteur, journaliste et poète à l'âme exarcerbée fut un « Félibre » (poète en langue d'oc). Il s'efforça de conserver le Patrimoine occitan par le maintien de la langue ancestrale dérivée du Roman, le parler des Troubadours. Il fonda l'Escola Audenco en 1892, à Caracassonne, l'Escolo Moundino, à Toulouse et l'Escolo de Montségur en 1896. Le poète perpétua la tradition verbale des Sept Troubadours toulousains ou « Mainteneurs des Jeux Floraux » qui composèrent en mai 1323 le « Consistoire du Gay Sçavoir » pour la conservation de la langue d'oc. Il poursuivit l'oeuvre de Pierre Goudouli, « pouêto moundino » (poète toulousain 1580-1649) et de Mistral (1830-1914), fondateur du Félibrige (association poétique pour la défense de la langue d'oc). Prosper Estieu fit de Castenaudary, où il prit sa retraite en 1923, un centre félibréen très actif. Il fonda los Grilhs del Lauraguès (les grillons du Lauragais) et le Colètge d'Occitania (1927) et fut à l'origine des Nouvelles Ecoles Félibréennes (Albi, Mazamet et Carcassonne).

En 1895, Prosper Estieu écrivit un poème, intitulé « Lé Terradou ». Voici ce poème en dialecte toulousain ou « lengo moundino », cher à Pierre Goudouli :

Lé « Terradou »

Cloucat prép d'un bartas, al pè d'un bert coustou,
A mé les éls duberts sul lébant de Naourouzo,
Cats a la Moutagno Négro, eïrissant berturouso
Dins le cel azurat soun esquinal altiou.

Un gazailhan darré un arari primitiou,
Traço dé maints sillous la plano et sas oumbros.
Y a pos cap dé relaïs a las bouts ardérousos.
Canton tant dé grilhets a cado souer d'estiou!

Aïssi dé blat, dé mil, de malhols, de fabièros
E dé pibouls geants, ma sal loc dé ribièros,
A péno dé ça en là, dé rïouses dessecats.

Qué d'aoutrés angen lenc cerca dé mirabilhos
E dé lour terradou siosquen léou destacats.
Moun cor al laouraguès ten ambé dé cabilhos.

Prosper ESTIEU

Odette Bedos nous en donne la traduction, faite à l'aide du Dictionnaire de la langue toulousaine de Jean Doujat-Laffitte Reprints -1974 :

Le « Pays natal »

Couché près d'un buisson, auprès d'un vert côteau,
Je porte mon regard au Levant de Naurouze,
Sur la Montagne Noire qui dresse fièrement
Son échine altière dans le ciel azuré.

Derrière une charrue primitive, un métayer
Marque de maints sillons la plaine et ses ombrages.
Il n'y a pas de pause dans la voix des vaillants.
Il est tant de grillons chantant les soirs d'été.

Ici du blé, du maïs, de la vigne, des fêves
Et de grands peupliers, mais au lieu de rivières,
A peine, ça et là, des ruisseaux asséchés.

Que d'autres aillent plus loin rechercher des merveilles
Et vite se détachent de leur terre natale.
Moi, c'est au Lauragais que mon coeur est rivé.