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Couleur Lauragais : les journaux

Les services à domicile d'hier à d'aujourd'hui

Si le terme est récent, les services à domicile, eux, ne datent pas d'aujourd'hui… Cependant, autrefois, on ne parlait pas encore de services mais bien de métiers. En lieu et place d'un local commercial, ces travailleurs d'un jour se déplaçaient à domicile, à la campagne, de village en village et de ville en ville. Leurs services étaient très utiles et espérés par les nombreuses familles qui leur ouvraient les portes de leur domicile. Au fils des passages, des relations se nouaient et certains de ces artisans avaient, dans quelques maisons, leurs habitudes.

Les blanchisseuses se rendaient chaque semaine dans certaines maisons et travaillaient au lavoir ou au bord d’un cours d’eau.
Les blanchisseuses se rendaient chaque semaine dans certaines maisons et travaillaient au lavoir ou au bord d'un cours d'eau. crédit photo : Fotolia©Jackin
A partir des années 60, ces services ont évolué pour laisser une grande place aux services à la personne mais pas seulement. Comme nous le constaterons, le secteur est en perpétuelle mutation, tenu de s'adapter aux besoins nouveaux de notre société.

Les métiers d'hier
Les métiers itinérants étaient autrefois très nombreux, en dresser la liste exhaustive serait donc une gageure ! Ils faisaient partie intégrante de la vie de nos campagnes, dans le Lauragais comme sur l'ensemble du territoire national. D'une région à l'autre, leur nom pouvait changer selon le patois de rigueur.

Le rémouleur
Parmi les plus anciens métiers itinérants, on trouve le rémouleur dont on trouve des traces dès le XIVème siècle. Son activité consistait à se déplacer de ferme en ferme et de maison en maison pour aiguiser les couteaux, les ciseaux, les scies et tous les outils nécessitant d'être affutés. Selon l'époque et ses moyens, son équipement était plus ou moins sophistiqué. Il se déplaçait en traînant une lourde charrette, muni d'un étau, d'une enclume et d'un marteau. Puis, les plus aisés d'entre eux ont investi dans une grande roue équipée d'une meule et d'une courroie actionnée à l'aide d'une pédale. Ces gestes rapides et précis ont petit à petit disparu en raison du développement de nouveaux aciers, les fermes étant, par ailleurs, progressivement, équipées de leur propre meule.

Le taupier
Cet itinérant venait au domicile en principe une ou deux fois par an, notamment au printemps. L'urgence se faisait sentir lorsque les taupes envahissaient les lopins. Le taupier était muni de ses propres pièges qu'il installait sur les surfaces à traiter. Il gardait pour lui les peaux des animaux capturés pour les tanner et les revendre pour l'habillement.

Le chiffonnier
Métier emblématique des métiers itinérants disparus, le chiffonnier collectait toutes les choses susceptibles d'être à nouveau transformées. C'était en quelque sorte un agent de tri sélectif avant l'heure et rien ou presque n'échappait à sa collecte ! Il recueillait par exemple des plumes pour les manufactures, des vieux chiffons pour les papeteries ou encore des peaux de lapin pour les revendre aux fourreurs. Pour l'anecdote, la collecte de ces dernières se faisait essentiellement le dimanche car le lapin était plutôt un mets dominical. A Paris, le chiffonnier a longtemps bénéficié d'une reconnaissance par les autorités qui lui imposaient de porter une médaille délivrée par le Préfet de Police. Il avait en effet également à sa charge le balayage des ordures. Le métier a petit à petit disparu dans les années 70 avec la mise en place des collectes d'ordures ménagères et dans les grandes villes à la création de métiers dédiés au nettoyage des rues.

Le ferrailleur
Jusqu'à une certaine époque, il arrivait que le ferrailleur soit également chiffonnier et vice versa. Son travail consistait à collecter de la ferraille destinée à l'industrie métallurgique mais également des boîtes de conserve pour l'industrie du jouet. Depuis, le métier s'est spécialisé et le ferrailleur s'est tourné également vers la collecte de métaux plus rentables. S'il se rend toujours à domicile, il faut désormais le contacter pour cela.

Le journalier
Dans le monde paysan, le journalier se déplaçait de ferme en ferme pour proposer ses bras à la journée. Ce terme est en réalité issu du mot « journal » qui désignait la surface de terre qui pouvait être travaillée en une journée. C'est cependant également ainsi que l'on appelait les ouvriers qui travaillaient dans les manufactures selon les mêmes modalités. Au final, le terme a fini par englober tous les travailleurs occasionnels, payés à la journée. Dans les fermes, certains journaliers étaient employés régulièrement, par exemple un jour par semaine. D'autres se présentaient au moment des grands travaux agricoles comme la moisson, le dépiquage ou les vendanges.

La couturière et la brodeuse
La couturière, la brodeuse ou la lingère selon le terme usité dans la région, se rendait dans les maisons ou elle taillait et cousait les habits des hommes, des femmes et des enfants. Elle était également désignée pour raccommoder et réparer divers habits et coiffes ainsi que le linge (tabliers, chemises, combinaisons…). Parfois la couturière était assignée à des tâches de la plus haute importance comme celles de la préparation du trousseau. Avec la brodeuse, elle s'attelait à confectionner un service de table brodé aux initiales de la mariée, mais également la lingerie de la promise : des culottes, chemises de jour ou chemises longues à bretelle… Dans certaines maisons, elles confectionnaient qui plus est deux robes par an, une d'été et une d'hiver.

un sac à chemise de nuit brodé à la maison par une couturière en vue du départ de la jeune fille de la famille pour l’école ménagère.
Sac à chemise de nuit brodé à la maison par une couturière en vue du départ de la jeune fille de la famille pour l'école ménagère.

Le trousseau de la mariée était confectionné à son domicile par une brodeuse et une couturière qui s’attelaient également à préparer son nécessaire de lingerie.
Le trousseau de la mariée était confectionné à son domicile par une brodeuse et une couturière qui s'attelaient
également à préparer son nécessaire de lingerie. crédit photo : Fotolia©Jacques PALUT

La blanchisseuse
Elle se rendait dans les maisons pour entretenir le linge de maison et de la famille. Elle s'acquittait de sa tâche, qui s'avérait physiquement très pénible, au lavoir ou au bord d'un cours d'eau. Chaque semaine, elle lavait les vêtements de couleur, notamment celui des travailleurs, alors qu'elle ne lavait le « blanc » qu'une fois par mois. En pratique, la blanchisseuse savonnait le linge, le frottait et le faisait bouillir dans une lessiveuse avec de la cendre pendant une bonne heure. Puis, elle le rinçait dans le cours d'eau ou un vivier.

Le marchand de linge
Au nombre des commerçants à domicile, on comptait le marchand de linge qui vendait des draps, des torchons, des couvertures et des serviettes et se rendait dans les maisons une ou deux fois par an. Il pouvait également vendre de la petite vaisselle, des assiettes, des bols et parfois des casseroles. A domicile également, le marchand de chaises pouvait également remplir les fonctions de rempailleur pour procéder d'une année sur l'autre aux réparations qui s'imposaient.

le cordonnier dessin de Mme Bedos

Le raccomodeur dessin Mme Odette Bedos

Le cordonnier et le raccommodeur : dessin d'Odette Bedos

Le ramoneur
Présent en ville, peut-être plus qu'à la campagne, le ramoneur s'occupait de nettoyer les conduits de cheminées, un métier qui existe encore, comme chacun sait !

Les bohémiens
Deux fois par an, ils visitaient les fermes pour vendre des paniers en osier de leur fabrication. On les rémunérait avec de l'argent mais on leur donnait également quelques légumes du jardin. Dans certaines maisons, on gardait aussi spécialement pour eux les restes du jambon de l'année.

Entretien avec Lucien Ariès, petit-fils de chiffonnier

Votre grand-père était chiffonnier dans le Lauragais, en quoi consistait ce métier ?
L.Ariès : « L'entreprise de mon grand-père portait le nom d'Exploitation générale de chiffons. Il y faisait le commerce des chiffons, mais aussi de la plume, du duvet, des peaux de sauvagine (petits carnassiers) et de ferrailles diverses. Certains salariés de l'entreprise effectuaient la collecte de porte en porte, tandis que d'autres dans l'entrepôt procédaient au délicat tri des matériaux, pour préparer l'expédition et la vente vers les usines demandeuses. Souvent la collecte était effectuée par de petits chiffonniers indépendants qui travaillaient à leur compte et qui revendait le fruit de leur collecte à l'entreprise. Jusqu'au milieu du XXème siècle, on ne jetait pratiquement rien, tout était plus ou moins vendu ou revendu pour être utilisé tel quel ou recyclé. Pour ce commerce, les chiffonniers et autres ferrailleurs étaient en première ligne. Ils passaient dans la rue, de maison en maison, demandant s'il y avait quelque chose à vendre. Le pelharoc ou pelharot, chiffonnier en occitan, hélait les clients en criant : « pèl de lèbre, pèl de lapin ! »(1). C'est sur le pas de la porte que se faisaient les transactions : le prix dépendait de la qualité, du poids, mais aussi du cours du marché suivant l'offre et la demande. Le règlement se faisait en monnaie sonnante et trébuchante. »

L’entreprise faisait travailler des chiffonniers indépendants qui lui revendaient les matières collectées ; à la charge de Jean-Marie Ariès de négocier leur revente au meilleur prix aux usines intéressées par leur transformation.
L'entreprise faisait travailler des chiffonniers indépendants qui lui revendaient les matières collectées ;
à la charge de Jean-Marie Ariès de négocier leur revente au meilleur prix aux usines intéressées par leur transformation.

Quelles matières collectait-il ?
L.Ariès : « Les registres indiquent que l'entreprise collectait des matières très variées : chiffons, draps, et tricots, plumes et duvets, peaux (lapin, sauvagine), métaux (zinc, cuivre, ferrailles), paille de maïs ou encore os, corde et soie de porc. »

A quel rythme passait-il dans les maisons ?
L.Ariès : « Les chiffonniers avaient leur circuit, passaient régulièrement et recommençaient quand la tournée était finie. C'était un véritable travail de fourmi. Si l'entreprise de chiffons avait les moyens de disposer d'une charrette tirée par un cheval ou un âne, pour effectuer de grandes tournées, les chiffonniers indépendants souvent peu argentés effectuaient leur tournée en ville avec des moyens de fortune, certains avec des poussettes pour bébé à quatre roues, d'autres avec des carrioles bricolées. »

Comment était-il rémunéré ?
L.Ariès : « Les chiffonniers indépendants qui faisaient le porte à porte tiraient bénéfice de la revente de leur collecte à l'entreprise qui avait pignon sur rue. Il s'agissait pour eux d'acheter au prix le plus bas et de revendre au prix le plus élevé. Parfois par méconnaissance du produit ou du marché, il pouvait leur arriver de vendre à perte. »

Jean-Marie Ariès, né en 1851, décédé en 1906 : le chiffonier fondateur de l’entreprise familiale jusque dans les années 1930
Jean-Marie Ariès, né en 1851, décédé en 1906 : le chiffonier fondateur de l'entreprise familiale jusque dans les années 1930

Des services aux paysans aux services à la personne
Il est intéressant de constater que l'évolution des métiers itinérants puis des services à domicile est en étroite corrélation avec l'évolution de notre société. Si la plupart de ces activités ont disparu, elles ont laissé place à de nouveaux métiers ou plutôt services. En cause : des besoins sociétaux et familiaux nouveaux apparus suite à l'exode rural, au développement du travail des femmes ou tout bonnement à l'éloignement familial. En effet, certaines de ces activités sont par la suite devenues l'apanage des commerces, c'est le cas des commerces de détails, d'habillement ou encore des pressings. On constate également que les services à domicile existants sont désormais principalement des services à la personne : ménage, garde d'enfant, maintien à domicile. Pour autant, certains professionnels continuent de se déplacer pour offrir par exemple des services d'entretien extérieur, de restauration ou encore de dépannage informatique.

A chacun ses besoins
Pour la plupart des français, les services à la personne occupent désormais une place prépondérante. Ainsi, une récente enquête a démontré que pour 89 % d'entre, ils jouent un rôle important dans la vie de famille alors que 81 % jugeaient encore qu'ils offraient une bonne qualité de service aux particuliers(2). Les activités de services à la personne sont réparties en 26 catégories distinctes, de la garde d'enfants de moins de 3 ans à l'assistance informatique à domicile, en passant par l'assistance des personnes âgées dans les actes de la vie quotidienne ou encore la livraison de courses. On les classe en trois catégories : les services à la famille, les services de la vie quotidienne et les services aux personnes dépendantes. Parmi ces services, on compte également des prestations plus récentes, principalement de confort. C'est le cas par exemple de la garde d'animaux domestiques qui peut consister à promener régulièrement lesdits animaux ou à les garder au domicile de leur maître pendant son absence. Cette solution permet de maintenir un cadre connu en assurant ainsi beaucoup de sérénité à l'animal comme à son maître ! Pour information, toute personne proposant de garder et de s'occuper d'animaux à titre commercial doit déclarer son activité et obtenir une autorisation de la Direction des Services Vétérinaires (DSV) ou (DDSV) ainsi que détenir un certificat de capacité « animaux domestiques » décerné par les services de l'Etat (loi 99-5 du 06 janvier 1999). Parmi les services les plus répandus, on trouve également le ménage et le repassage. Au sein des couples actifs, cette solution permet de gagner un temps précieux sur les loisirs et autres plaisirs partagés en famille. En effet, lorsque l'on sait que le temps de ménage moyen hebdomadaire est environ de 4 heures, on envisage ce service à domicile comme une prestation en or ! Quelles que soit les prestations concernées, elles nécessitent un rapport de confiance entre l'employeur et le travailleur à domicile, qui plus est lorsqu'il s'agit par exemple de garde d'enfants, de maintien à domicile ou de gardiennage.

La garde d’animaux, un service de plus en plus demandé.
La garde d'animaux, un service de plus en plus demandé. crédit photo : Fotolia©K. Thalhofer

Un cadre avantageux
En pratique, rappelons que le particulier a deux solutions pour recourir aux activités de services à la personne : devenir particulier-employeur ou avoir recours à un prestataire (association, entreprise ou organisme à but non lucratif). Dans le premier cas, il est soumis à un ensemble d'obligations liées à son statut (immatriculation, déclaration du salarié, paiement des cotisations sociales, contrat de travail, rémunération, ...). Dans le second cas, c'est l'organisme prestataire qui emploie le salarié à domicile. Au plan fiscal, le particulier peut bénéficier, sous conditions, d'un crédit d'impôt ou d'une réduction d'impôt. Pour rappel, les principales activités concernées sont les suivantes : « garde d'enfants, soutien scolaire, préparation de repas à domicile, collecte et livraison de linge repassé, assistance aux personnes âgées ou handicapées, aide à la mobilité des personnes ayant des difficultés de déplacement, entretien de la maison et travaux ménagers, petits travaux de jardinage, prestations de petit bricolage et prestations d'assistance informatique et internet. »

Quelles tendances ?
Le secteur des services à domicile demeure en plein essor. Si les services à la personne sont majoritaires, de nouveaux services voient ou revoient le jour. C'est notamment le cas de certains garagistes qui proposent de procéder à l'entretien des véhicules à domicile. Idem concernant le pressing qui organise la collecte de linge chez les particuliers et le retourne une fois nettoyé et repassé. Comme quoi, l'histoire est bel et bien un éternel recommencement !

Isabelle Barèges

1/ Peau de lièvre, peau de lapin
2/ Sondage Ifop pour la Fédération des Services aux particuliers, avril 2017

Couleur Lauragais n°199 - Février 2018

 

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