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Histoire

Un artiste sorèzien : Auguste Metgé(1883 - 1970)

Le but de cet article n'est pas de retracer en détail la vie d'Auguste Metgé, d'autres l'ont déjà fait et bien fait, notamment H. Pevel dans la Revue du Tarn en 1971. Mais il nous semblait utile plus de 40 années après son décès, de rappeler l'œuvre de ce sorèzien de cœur, et notamment de mettre l'accent sur l'iconographie de sa vie et de ses œuvres…

Auguste Metgé dans son atelier

Une famille d'ébénistes
Auguste Metgé est né à Sorèze le 6 août 1883, il est issu d'une lignée d'ébénistes et de menuisiers bien connus à Sorèze. Son père veut lui donner une formation et une technique complète de son art, il l'inscrit aux cours de sculpture à l'Ecole des Beaux-Arts de Toulouse de 1899 à 1903 et il en sera un brillant élève. Pendant ses cours, il travaille déjà dans l'atelier familial.
Il n'obtiendra pas le «Grand prix de sculpture» qui clôture les études aux Beaux-Arts, mais l'œuvre qui lui sera imposée «Homère chez les potiers» sera classée troisième ou quatrième… Les commentaires de la presse à l'époque seront plus qu'élogieuses envers son travail artistique.

Ses études terminées (alors qu'il aurait pu faire carrière dans la grande ville, s'y imposer et acquérir rapidement une grosse réputation), il préfèrera revenir à Sorèze pour garder sa personnalité (il estimait en effet que le contact avec d'autres artistes aurait pu empêcher son art de se développer librement).

Fig. 2. Hôpitaux complémentaires n°25 et n°12 : Prisonniers allemands blessés. (Ers. C. Photo). Archives Michel Dauzat.
Auguste Metgé "sa mère" pastel 1905

Ebéniste mais aussi sculpteur
Auguste Metgé est un ébéniste restaurateur et aussi un créateur émérite. Il travaille dans son atelier sorèzien appelé le «Vert-Vert». Il est toujours habillé d'une grande blouse de travail qui est en quelque sorte son «uniforme», symbole de sa modestie et de sa haute conscience professionnelle.
Il sculpte et fait de la peinture. En 1910 (mais aussi d'autres années), il expose au salon de Paris. Il sera Directeur d'un congrès artistique organisé à Sorèze.
A la mort de son père, Auguste Metgé prend la direction de l'atelier d'ébénisterie, il devient patron. Il restera d'une grande simplicité, ses clients feront sa renommée, et l'atelier grandira. De nouveaux ouvriers viendront compléter l'équipe. Il assimilera rapidement les tendances nouvelles avec bon goût.
Pas de grande publicité, ni de tapage … sa renommée sera faite par ceux qui le connaissent bien ; le «bouche à oreille» va fonctionner.
Si le meuble d'art est sa principale activité, il n'abandonne pas la sculpture apprise aux Beaux-arts. Des œuvres sortiront de son atelier, sculptées à la gouge ou pétries à la glaise. Des moules permettront la création d'œuvres en bronze (exemple le buste de Jean-Joseph Roquefort).

Souvenirs de guerre
Pendant la première guerre mondiale, il sera affecté au 42ème colonial, et sera caporal puis sergent. Après avoir vu de nombreux collègues tomber au feu, il sera lui-même blessé le 4 mars 1915, lors de la bataille de Verdun à Vauquois. Il n'en parlait guère. Toutefois, quand on l'en priait, il évoquait, par bribes, quelques souvenirs.
Nous citerons le paragraphe d'Henri Pevel paru dans la « Revue du Tarn », qui a relaté les souvenirs de guerre d'Auguste Metgé :
«Ils étaient atroces. Français et Allemands, terrés dans les tranchées, des trous plutôt, creusés sommairement dans ce qui avait été les caves des maisons détruites par les bombardements n'étaient séparés que par la largeur de la rue. L'ordre d'attaque arriva. Il fallait sortir du trou et se jeter en avant, parmi les éclatements d'obus, sous la fusillade terriblement meurtrière que dirigeaient ceux d'en face à quelques mètres à peine. « Le lieutenant bondit le premier, expliquait Auguste Metge. Je le suivais. Je sentis quelque chose sur l'épaule : c'était la cervelle du lieutenant. Je ne sais pas comment j'ai fait. Je me suis retrouvé dans le trou de l'autre côté, tout seul. Je ne pouvais pas lever la tête : ça tirait de tous les côtés. Je ne voyais personne. Ça a duré je ne sais combien. A un moment, j'ai essayé de lever un peu, un tout petit peu la tête. C'est alors... ». C'est alors qu'il avait reçu une balle qui lui fit une longue estafilade sur le dessus du crâne. Impossible d'être évacué. Il dut attendre des heures avant de pouvoir se glisser de trou d'obus en trou d'obus et rejoindre à pied, seul et le crâne en sang, le poste de secours qui se trouvait à cinq kilomètres de là.

Retour de guerre
Après la guerre de 1914-1918, marqué par cette guerre, il réalisera les monuments aux morts de Sorèze et Durfort, un christ à l'abbaye d'En Calcat, une vierge à l'abbaye Sainte-Scholastique, on lui devra notamment le buste de Jean Joseph Roquefort dans le square du même nom à Revel, des bustes (notamment l'œuvre «Bacchus enfant mangeant une grappe de raisins» qu'il acheva juste avant sa mort), des bas reliefs…
Il considérera son activité de sculpteur, comme une activité annexe, pour lui, le travail d'ébéniste était aussi noble que la sculpture, il aimait son travail. Il refusait d'établir une hiérarchie entre les arts, pour lui un meuble bien fait était aussi une œuvre d'art…

Fig. 3. Hôpital auxiliaire n°12 de la Croix Rouge, vue générale  Personnel soignant et blessés, pavillon de la Croix-Rouge, gare de Castelnaudary  (Breffeil Editeur Castelnaudary). Archives Michel Dauzat.
Monument aux morts de Sorèze : ce monument a une particularité ; en effet l'artiste a voulu représenter les personnages
d'après photo… les représentations des soldats correspondent donc à des visages de combattants sorèziens.
Une copie existe à la mairie de Sorèze (salle d'honneur)
- crédit photo : Jean-Paul Calvet (2009)

Monument aux morts à Durfort
Monument aux morts à Durfort

Chez lui, point de mobilier tapageur. Auguste Metgé était simple, une cheminée rustique chauffait son intérieur, mais il disait qu'il se chauffait avec du bois valant une fortune ; ne brûlait-il pas en effet les restes de bois précieux ou exotiques de l'atelier …
Le journal « l'Illustration » s'en fera l'écho, en publiant une douzaine de monuments, il signalera celui de Sorèze situé sur la «placette du Ravelin». L'originalité de la conception, la profondeur et la sincérité de l'inspiration, l'habileté de l'exécution seront décrites en détail.

«Hiver comme été, coiffé d'un béret basque et les pieds dans de robustes chaussures à tige montante, invariablement il était vêtu d'une blouse de toile écrue, soigneusement boutonnée par devant, comme une longue lévite. C'était une des figures les plus singulières de Sorèze et qui s'harmonisait à merveille avec les ruelles médiévales et les maisons bossues aux poutres sculptées. Il évoquait un Nicolas Flamel ou quelque alchimiste de la Renaissance.» d'après H. Pevel.

Auguste Metgé dans son atelier - Archives Société d’Histoire de Revel Saint Ferréol
Auguste Metgé dans son atelier - Archives Société d'Histoire de Revel Saint Ferréol

La reconnaissance
Il sera décoré en 1932 par M. Mistler (à l'époque Secrétaire d'Etat aux Beaux-arts), de la Légion d'Honneur. Toujours modeste, il n'osera l'arborer et on ne le verra jamais la porter.
Il fut Chevalier du Mérite Artisanal. Il enseigna aussi le dessin au lycée de Revel…
Il sera membre du jury du Meilleur Ouvrier de France. Lorsqu'on parlait d'Auguste Metgé on disait «Monsieur» Metgé, démontrant ainsi tout le respect qu'on lui attachait.
Fort de sa compétence reconnue à l'extérieur de Sorèze, il sera appelé à Toulouse, Montpellier, Marseille, Lille et Paris pour que l'on profite de ses connaissances. A Paris, notamment, il travaillera avec Jansen (célèbre décorateur), mais il n'en éprouvera aucune vanité.
Par la presse le 10 août 1929, on apprend sa démission de l'école professionnelle du collège de Revel dans lequel il était professeur (en même temps que la démission de M. Lagarrigue, autre peintre bien connu à Revel). La haute compétence est signalée dans cet article pour M. Metgé et M. Lagarrigue, l'auteur signale qu'ils ont démissionné pour avoir été victimes de vexations de la part des édiles revélois. Leur départ est regretté par les élèves…

La tradition se perpétue
A 87 ans, Auguste Metgé travaille encore dans son atelier, et transmet son savoir à ses descendants. Au fond d'une ruelle du «Vieux Sorèze» se situe une vieille bâtisse à la façade décrépie, un atelier d'une apparente pauvreté qui aurait pu déconcerter plus d'un visiteur, c'est le lieu de création du maître. Auguste Metgé n'aimait pas «paraître», il «était». De son vieil atelier sortaient des «trésors».
Au cour de ce XXème siècle, la demande évolue, le meuble aussi, les formes traditionnelles du meuble d'art deviennent des formes épurées. Cette conception esthétique n'est pas acceptée par Auguste Metgé qui y préfère le respect de la tradition. Il refusait l'art moderne, restant fidèle au meuble d'art, dans une sorte d'académisme forcené. N'avait-il pas dit «Des Picasso, moi j'en ferais dix dans la journée». Pourtant, ses descendants, son gendre, arriveront à faire nuancer son jugement.

Buste de Jean Joseph Roquefort dans le square du même nom à Revel.
Buste de Jean Joseph Roquefort
dans le square du même nom à Revel.
crédit photos : Jean-Paul Calvet (2009)
L’œuvre en plâtre d’Auguste Metgé, réalisée en 1909, a permis de confectionner le « moule négatif » pour faire le buste en bronze de Jean Joseph Roquefort. François Prom, arrière petit-fils d’Auguste Metgé pose devant le buste
L'œuvre en plâtre d'Auguste Metgé, réalisée en 1909, a permis
de confectionner le « moule négatif » pour faire le buste en bronze
de Jean Joseph Roquefort. François Prom, arrière petit-fils
d'Auguste Metgé pose devant le buste

En 1970, à l'âge de 87 ans, Auguste Metgé s'éteindra dans son sommeil. La veille avait été une journée comme les autres … Il avait dessiné, distribué le travail, plaisanté avec les ouvriers. Le matin de bonne heure, comme chaque jour, il avait rendu visite à sa femme au petit cimetière.
Ce matin là, il l'avait rejointe pour l'éternité…

La tradition professionnelle et familiale se perpétue de nos jours par son gendre et ses petits enfants du nom de Prom à Sorèze.

Jean-Paul Calvet
avec la collaboration de la famille Prom

Références bibliographiques :
- Portal Ch. - 1971 – Dict. Art. Tarn (Albi, 1925)
- Pevel H. - in Revue du Tarn , n°63, 1971.
- Article de presse de La Dépêche du Midi du 10 août 1929 Fédération des Sociétés Intellectuelles du Tarn
- Les Tarnais : dictionnaire biographique sous la direction de Maurice Greslé-Bouignol
- Fédération des Sociétés Intellectuelles du Tarn - Les Tarnais
- Dictionnaire biographique sous la direction de Maurice Greslé-Bouignol
- Jean-Paul Calvet. 2010. "Un artiste sorézien: Auguste Metge (1883 – 1970)"
- Les Cahiers de l'Histoire de Revel (publié par la Société d'Histoire de Revel Saint-Ferréol), n°15, pp.85 - 92.

Auguste Metgé dans son atelier - Archives Société d’Histoire de Revel Saint Ferréol
Auguste Metgé dans son atelier - Archives Société d'Histoire de Revel Saint Ferréol



Couleur Lauragais n°181 - Avril 2016