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Histoire

Les hôpitaux militaires à Castelnaudary : un aspect méconnu de la Grande Guerre

En ces années du centenaire de la 1ère Guerre Mondiale, Michel Dauzat, Président du Centre Lauragais d'Etudes Scientifiques, évoque ici le rôle méconnu de la contribution sanitaire de la ville de Castelnaudary.
Dès le début de la 1ère Guerre Mondiale, le nombre important de blessés impose la création de nouvelles structures hospitalières capables de les accueillir. Les hôpitaux civils existants deviennent des hôpitaux mixtes et reçoivent à la fois des civils et des militaires.


aiguille oubliée

Fig. 1. Castelnaudary, hôpital mixte, vue générale (ci-dessus),
Castelnaudary, hôpital complémentaire n° 12, vue générale (ci-dessous)
(Breffeil éditeur, C Ramon, L'Aude illustrée, Editeur Grand Bazar Castelnaudary).
Archives Michel Dauzat.

Castelnaudary, hôpital complémentaire n° 12, vue générale

Fig. 1. infirmerie, bloc opératoire (Breffeil éditeur, C Ramon, L’Aude illustrée, Editeur Grand Bazar Castelnaudary). Archives Michel Dauzat.

Fig. 1. infirmerie (ci-dessus), bloc opératoire (ci-dessous)
(Breffeil éditeur, C Ramon, L'Aude illustrée, Editeur Grand Bazar Castelnaudary).
Archives Michel Dauzat.

bloc opératoire

Tel est le cas de Castelnaudary, où l'hôpital civil (actuel Centre Hospitalier Jean-Pierre Cassabel), devient hôpital mixte (fig. 1). Mais leur capacité d'accueil devient rapidement insuffisante. Des hôpitaux temporaires sont créés dans tous les bâtiments disponibles : hôpitaux complémentaires (HC) qui dépendent directement du Service de Santé Militaire, hôpitaux auxiliaires (HA), gérés par des sociétés d'assistance de la Croix-Rouge et des hôpitaux bénévoles (HC bis), gérés par des bénévoles (collectivités locales, associations...).

Les bâtiments - A Castelnaudary, dès le 16 août 1914, un hôpital complémentaire (HC n°25) est ouvert dans les locaux de la caserne Lapasset (actuel Espace Jean Tufféry, fig. 2). Il a une capacité de 355 lits destinés aux prisonniers de guerre, majoritairement allemands. Il fonctionnera jusqu'au mois d'octobre 1916.

Le 23 août 1914, un hôpital complémentaire (HC n°12) ouvre dans les locaux de la caserne Saint-François, rue des Potiers, (actuel Lycée Andréossy, fig. 1). Il est doté de 260 lits et recevra 9489 malades jusqu'au 15 mars 1919. Un hôpital auxiliaire (HA n°12), est ouvert par la Croix Rouge, 2 place Montmorency (ancien Petit séminaire, fig. 3). D'une capacité de 34 lits, il fonctionnera du 10 septembre 1914 au 21 décembre 1917. Il est géré par la Société de Secours aux Blessés Militaires (SSBM), organisation à compétence hospitalière, affiliée à la Croix Rouge.

Tous ces hôpitaux dépendant de la 16ème région militaire de Montpellier sont dotés d'un personnel soignant militaire, à l'exception de l'hôpital mixte et celui de la Croix Rouge.

Qu'en reste-il aujourd'hui dans notre mémoire ? - Presque rien, mis à part les bâtiments (ou les parties de bâtiments) ayant abrité ces divers hôpitaux, encore visibles. J'ai choisi de rendre hommage aux blessés français et étrangers soignés à Castelnaudary durant l'année 1915. Certains y sont malheureusement décédés.

En 1915, 34 militaires soignés dans les hôpitaux militaires de Castelnaudary, sont décédés dans notre ville, loin des combats. Ces 34 décès se décomposent comme suit : 21 soldats français, 12 soldats allemands et 1 soldat autrichien.



Décès 1914 1915 1916 1917 1918 1919 1920 Total
Français 9 21 7 9 30 5 1 82
Allemands 41 12 2         55
Autrichiens   1 2         3
Serbes       7 1     8
Russe         1     1
Total 50 34 11 16 32 5 1 149

Fig. 2. Hôpitaux complémentaires n°25 et n°12 : Prisonniers allemands blessés. (Ers. C. Photo). Archives Michel Dauzat.
Fig. 2. Hôpitaux complémentaires n°25 et n°12 : Prisonniers allemands blessés.
(Ers. C. Photo). Archives Michel Dauzat.

Fig. 3. Hôpital auxiliaire n°12 de la Croix Rouge, vue générale  Personnel soignant et blessés, pavillon de la Croix-Rouge, gare de Castelnaudary  (Breffeil Editeur Castelnaudary). Archives Michel Dauzat.

Fig. 3. Hôpital auxiliaire n°12 de la Croix Rouge, vue générale (ci-dessus)
Personnel soignant et blessés, pavillon de la Croix-Rouge, gare de Castelnaudary (ci-dessous)
(Breffeil Editeur Castelnaudary). Archives Michel Dauzat.

personnel soignant et blessés

pavillon Croix Rouge

Je n'en citerai que deux, ennemis hier, et tous deux décédés dans notre ville auxquels je me permets de rendre hommage :
Karl Glatz, soldat autrichien, acte de décès n° 105, registre des décès 1915, conservé aux archives municipales de Castelnaudary :
«Le 30 04 1915 à dix heures du matin
Karl Glatz, Soldat de nationalité autrichienne du 65ème régiment d'infanterie, 9ème Cie, immatriculé sous le n° 259
Né le 20 07 1883 à Vienne (Autriche)
Fils de ? Et de ? (les prénoms et noms de ses père et mère ne nous sont pas connus)
Est Décédé à l'hôpital temporaire n° 25 (caserne Lapasset),
Dressé le 30 04 à 4 heures du soir
Sur la déclaration de Moutard Martin Henri, 33 ans et Jean Couderc, 57 ans agent de police domiciliés à Castelnaudary qui lecture faite ont signé avec nous François Sibade adjoint, Officier de l'Etat Civil par délégation du Maire de Castelnaudary.»

«Le 12 juillet 1915 à 14 heures, alors qu'il allait fêter ses 20 ans,
Avenel Maurice Eugène, appartenant au 3ème Régiment du Génie, 1er Bataillon, 1ère Compagnie.
N° de Matricule au corps 11070, classe 1915.
N° de matricule 2187 au recrutement du Havre (département de la Seine Maritime 76)
Né le 25 juillet 1895 au Havre.
Fils de Gérard Silas Avenel et de Marie Zélina Mercier.
Est décédé à l'hôpital complémentaire n° 12 Saint François de Castelnaudary1, des suites de ses blessures de guerre2. Cet acte de décès ainsi que sa fiche Base des Morts pour la France, portent la mention Mort pour la France (fig. 4).»


Au moment de son incorporation, le 18 décembre 1914, il exerçait la profession de charpentier en navires et était domicilié 150, Rue d'Etretat au Havre. Sa fiche matricule3 (fig. 5) nous renseigne également sur son aspect physique : cheveux et yeux bruns, front haut, menton moyen, visage long, taille 1.64 m, niveau d'instruction 34.

Fig. 5. Extrait, Etat signalétique des services (Fiche Matricule) Avenel Maurice Eugène. Archives Départementales de Seine Maritime.
Fig. 4. Ministère de la Défense, Mémoire des Hommes, Base des Morts pour la France de la 1ère Guerre Mondiale,
fiche Avenel Maurice Eugène, département 76-Seine Maritime.


Fig. 4. Ministère de la Défense, Mémoire des Hommes, Base des Morts pour la France de la 1ère Guerre Mondiale, fiche Avenel Maurice Eugène, département 76-Seine Maritime.
Fig. 5. Extrait, Etat signalétique des services (Fiche Matricule) Avenel Maurice Eugène.
Archives Départementales de Seine Maritime.

En avril 1956, sa famille a été contactée, par la ville de Castelnaudary sans succès (famille inconnue), pour donner son accord au transfert de son corps du carré militaire situé au Nord Est du cimetière de l'Est au Mémorial ossuaire du Souvenir Français. Depuis 1957 et la construction du Mémorial ossuaire du Souvenir français au cimetière de l'Est, sa dépouille repose ici aux côtés de ses 12 autres camarades décédés en 1915 dans notre ville. Sa mémoire est également honorée, par sa ville natale du Havre. Son nom figure parmi les 6637 noms inscrits sur le Monument aux Morts de cette commune de Seine Maritime. Ces hôpitaux temporaires et auxiliaires fonctionneront durant toute la guerre.

Le Centre Lauragais d'Etudes Scientifiques a réalisé pour commémorer le centenaire du 1er conflit mondial, sur la base de mes recherches personnelles5, trois panneaux intitulés : «Les hôpitaux militaires à Castelnaudary : Un aspect méconnu de la Grande Guerre».

Michel Dauzat,
Président du Centre Lauragais d'Etudes Scientifiques

1/ Actuel Lycée François Andréossy 1, Rue Saint-François 11400 Castelnaudary.
2/ Acte de décès n° 164, registre des décès de 1915, conservé aux Archives Municipales de Castelnaudary et fiche Base des Morts pour la France de la 1ère Guerre Mondiale conservée au Ministère de la Défense.
3/ Conservée aux Archives Départementales de Seine Maritime.
4/ Le niveau d'instruction 3 correspond à savoir lire, écrire et compter.
5/ Je remercie au passage, Mmes Françoise Bousquet et Claude Franc, Archiviste et Documentaliste d'avoir mis à ma disposition les archives conservées dans cette ville.



Couleur Lauragais n°180 - Mars 2016