Le foie gras, star des fêtes de fin d'année Chouchou de nos papilles à l'approche des fêtes, le foie gras est issu d'une tradition séculaire héritée des romains. Dans le Lauragais, il demeure un élément fort de l'identité locale et de sa gastronomie. Mais que sait-on vraiment des quelques grammes de plaisir que nous nous apprêtons à déguster ? Pour ne pas caler sur le sujet le soir du réveillon, Couleur Lauragais vous offre quelques détours dans la campagne lauragaise. Origine, production, distribution, gastronomie, vous saurez tout ou presque sur ce mets d'exception. |
Le foie gras trouve ses origines en Egypte au IIIème millénaire avant J.C. La tradition, qui est également tombée en désuétude à certaines périodes de l'histoire, est parvenue jusqu'à nous. Elle est plus que jamais vivante dans le Lauragais. crédit photo : Couleur Média |
Une tradition aux origines lointaines
Il faut remonter au IIIème millénaire avant J.C et faire halte en Egypte pour revenir aux origines supposées du foie gras, un long voyage dans le temps et dans l'espace… Les Egyptiens y découvrent des oies sauvages en pleine migration, venues se réfugier dans les marais du delta du Nil. Leur foie est gras et savoureux, et ils ne tardent pas à comprendre que cela résulte d'un phénomène naturel chez l'animal : l'oie se suralimente pour faire face aux longs trajets migratoires. Dès lors, les Egyptiens reproduiront le geste comme en témoignent certains tombeaux décorés des fresques faisant état de l'engraissement d'oies par des esclaves.
Plus tard, en d'autres lieux, le poète romain Horace (100 avant J.C) fera également référence à ce mets délicat issu d'oies engraissées aux figues, que l'on faisait notamment cuire dans du lait et du miel. Mais l'Empire Romain emportera cette tradition millénaire dans sa chute. Au Moyen-âge, on retrouve le foie gras dans un traité d'agronomie byzantin du Xème siècle qui fait état de l'élevage des oies et des canards et de la production de « grands foies ». Certains spécialistes avancent que ce serait Christophe Colomb qui aurait, indirectement, relancé l'élevage des palmipèdes en ramenant dans ses cales cette nouvelle céréale qu'est le maïs. En Europe, au XVIème siècle, on rapporte que l'élevage d'oies et de canards et, ce faisant, la production de foie gras, furent développés par les juifs d'Europe Centrale à qui le porc était interdit. En France, il faudra attendre le XVIIIème siècle pour que le foie-gras acquière sa notoriété actuelle grâce à une recette de pâté en croûte affectionné par Louis XVI, qui, n'en déplaise au Sud-Ouest, provenait d'Alsace… Depuis, la tradition s'est perpétuée dans le Béarn et partout dans le Sud-Ouest, notamment dans le Lauragais, également terre d'élevage et détentrice de précieux savoir-faire.
Le foie gras : à l'origine du foie ?
L'étymologie du mot nous permet de mesurer l'importance de la précieuse denrée pour la langue française ! Nous savons que les romains engraissaient les oies de figues et c'est de ce même mot qu'est issu le mot "foie". Quant à l'expression "foie gras", parvenue jusqu'à nous, on la devrait au Conte de Buffon, naturaliste du XVIIIème siècle.
Tout savoir sur le gavage
• Les canards à gaver - Les producteurs privilégient trois espèces de canards : le canard de Barbarie, une espèce importée d'Amérique Centrale, le Pékin, une espèce commune très minoritaire, et enfin, le canard mulard ou "canard gras" qui provient du croisement entre une cane Pékin et un mâle Barbarie. C'est l'espèce la plus courante, elle représentait, en 2002, 97 % des canetons mis en place pour la production de foie gras(1).
• Les techniques de gavage - Les canetons destinés au gavage sont élevés en plein air à partir de 4 semaines. Le gavage peut débuter à l'âge adulte, c'est-à-dire, au minimum lors de leur treizième semaine. La période d'engraissement ne représente que 12 ou 13 jours dans la vie du canard, à raison de deux séances de gavage par jour, soit environ 9 kg de maïs ingérés sur la période. Le foie gras de canard pèse environ 500 g contre 800 g pour celui d'oie.
• Maïs blanc ou jaune : quelles différences sur le foie ? - Le gavage s'effectue à partir de maïs en raison notamment de la richesse de la céréale en amidon (75 %), source de glucides. Administré en grains entiers ou broyés, le maïs est issu de variétés de maïs jaune ou blanc qui donneront certaines particularités aux foies. Les maïs blancs confèrent aux foies une teinte plus pâle, et la graisse devient moins visible.
90 % de la vie des palmipèdes se déroule en plein air, la période d'engraissement ne représentant
que 12 ou 13 jours dans la vie du canard. crédit photo : fotolia©dame_grenache
Canards agroforestiers : quesako ? 90 % de la vie des palmipèdes se déroule en plein air et certains producteurs privilégient l'accès à des parcours herbeux et ombragés. En effet, la présence d'arbres favorise la consommation d'aliments sur le parcours : insectes, fruits, herbe... qui peut se traduire par un gain de poids de 5 %. L'agroforesterie a donc le vent en poupe dans les élevages, également pour des raisons environnementales. La présence d'arbres va permettre de recycler une partie des effluents d'élevage et accompagner la croissance de certains fruits à coque, notamment les noix. |
Apprécier la qualité d'un foie gras
A la cuisson, un foie frais ne devra pas trop réduire, c'est là le signe d'une excellente qualité. En conserve, le foie gras devra autant que possible présenter une couleur homogène, exempte de graisse, de tâches rouges ou de veines. Il devra également avoir une bonne tenue et une texture équilibrée en bouche, à la fois fondante, granuleuse et grasse.
Où acheter son foie gras ?
Pour acheter un bon foie gras, il faut savoir frapper à la bonne porte. Aujourd'hui trois circuits se distinguent : les marchés au gras, la vente directe et les commerçants.
• La tradition des marchés au gras - Longtemps, le commerce de foie gras s'est fait sur les petits marchés locaux avant que des manifestations ne lui soient entièrement consacrées. C'est ainsi que sont nés les marchés au gras qui ont vu en quelques décennies leur public changer et s'élargir même si bon nombre des pratiques demeurent les mêmes.
Les marchés au gras connaissent un succès constant. Hier peuplés de professionnels, ils accueillent aujourd'hui
des particuliers toujours plus nombreux. Si certaines pratiques ont évolué, la convivialité demeure la même.
Entretien avec Robert Naudinat, Président du comité des foires de Belpech
Pouvez-vous revenir sur l'origine des marchés au gras ?
R.Naudinat : "Dans les années 60, les oies et les canards étaient vendus sur les marchés, le lundi matin à Castelnaudary, à Mazères le jeudi, à Villefranche de Lauragais le vendredi et à Revel le samedi. Les producteurs présents étaient des petits éleveurs, venus vendre 8 à 10 foies frais en moyenne. A cette époque, le foie gras se cuisait et se conservait dans des pots en grès. On en mangeait le jour du tue-cochon avec un saucisson de l'année précédente. En dehors de cette occasion, on en consommait surtout à Noël et à l'occasion des fêtes de famille, mariages, baptêmes et communions. Lorsque la demande a été plus importante, que le marché s'est structuré, l'offre s'est développée et avec elle la nécessité de créer des lieux dédiés au négoce du foie gras. Ces marchés au gras battent aujourd'hui leur plein de fin Novembre jusqu'aux fêtes de fin d'année en accueillant des visiteurs toujours plus nombreux."
Que trouve-t-on sur les étals ?
R.Naudinat : "A l'époque, on trouvait surtout du foie d'oie, plus fin mais tellement difficile à produire. C'est un travail très délicat qui explique que la production de foie gras de canards lui ait petit à petit damé le pion. La période de gavage est environ de 18 jours, trois fois par jour pour les oies contre 12 jours en moyenne pour le canard, deux fois par jour. La production de foie d'oie n'a pas disparu pour autant mais elle est de plus en plus rare et se transmet de génération en génération. Le foie gras de canard est partout largement majoritaire."
Combien écoule-t-on de marchandises sur les foires au gras ?
R.Naudinat : "Sur la saison, les plus grosses foires écoulent environ 200 canards gras et 1 tonne de foie gras. Les visiteurs affluent nombreux. 3000 à 4000 personnes fréquentent ces marchés, en provenance du sud-ouest mais pas seulement : de la Côte d'Azur ou de Catalogne également. Ce sont des événements courus qui offrent aussi un prétexte de séjour dans le Lauragais."
Comment se déroule un marché-type ?
R.Naudinat : "Les portes sont ouvertes à 5 heures du matin et les premiers producteurs s'installent. Certains arrivent le pas pressé car il ne faut pas oublier qu'il faut gaver avant de se rendre au marché. Puis je dresse un tableau mentionnant le nom de chacun et son emplacement, ce qui permet aux clients fidèles de les trouver rapidement. La négociation se fait à partir du prix du marché sur la base du tarif fixé par le producteur. A l'approche de Noël, les prix grimpent mais le kg de foie gras se négocie en moyenne entre 45 et 55 €. Les acheteurs peuvent bénéficier d'un service de découpe gratuite sur place. A midi, la foire est finie et la marchandise est entièrement écoulée. Certaines foires organisent des concours pour décerner des prix aux producteurs : le concours de la conserve de foie de canard et d'oie, le concours du plus beau foie mi-cuit sous vide, ou encore du plus beau foie frais. C'est une façon de distinguer les producteurs, de valoriser leur savoir-faire et d'animer les foires."
En quoi les marchés au gras ont-ils changé au fil du temps ?
R.Naudinat : "Aujourd'hui, la production est plus importante et les producteurs moins nombreux. La Direction des Services Vétérinaires nous impose par ailleurs certaines normes d'hygiène comme l'usage de vitrines réfrigérées ou de plaques réfrigérées placées sur les tables. Les producteurs sont équipés de camions réfrigérés qui leur permettent de garantir la fraîcheur des produits et l'abattage se fait soit dans un abattoir collectif, soit chez le producteur s'il est équipé d'un laboratoire d'abattage et de découpe. Les choses ont changé mais la tradition du foie gras perdure et c'est cela qui compte."
• Directement chez le producteur - Toute l'année, de nombreuses exploitations ouvrent leurs portes aux visiteurs et offrent un service de vente directe à la ferme. C'est l'occasion d'échanges avec les producteurs afin de mieux connaître leur environnement et leurs savoir-faire.
• Chez son commerçant - Largement démocratisé, le foie gras se trouve aujourd'hui sur les étals de tous les commerces de bouche.
"Mon marché au gras dans les années 60"
"Les jours de marché, c'était à moi qu'incombait la tâche d'aller vendre la production familiale. Comme c'était souvent le cas lorsque plusieurs générations cohabitaient encore sur une même exploitation, c'étaient aux aînés à investir les allées des foires au gras. Je partais avec environ 10 kg par semaine. A l'époque, nous disposions les foies frais dans des corbeilles en osier sur un linge blanc. Ils étaient alignés, jamais entassés et on les recouvrait précautionneusement d'un autre linge blanc. Arrivés sur place, nous nous installions sous la halle équipée d'étroites tables alignées sur toute sa longueur puis nous exposions notre marchandise. Il n'y avait pas de place attitrée. Nous attendions ensuite le coup de sifflet qui lançait officiellement la foire, avant cela, les visiteurs étaient autorisés à regarder mais pas acheter. Les prix dépendaient de l'offre et de la demande du jour, auparavant nous consultions la mercuriale des ventes pour nous informer du cours du foie gras. Les acheteurs étaient avant tout des professionnels, à savoir des conserveries, il y avait également des restaurateurs mais la foire n'était que très peu fréquentée par les particuliers. Nous écoulions autant que possible la production en bande, c'est-à-dire auprès d'un seul acheteur, qui, souvent, avait ses habitudes. Une fois le marché conclu (la marge de négociation était à l'époque de 2 à 3 francs selon l'humeur du jour !), nous allions à la pesée, le lot était alors pesé et l'affaire définitivement faite. J'aimais l'effervescence qui régnait sous la halle, j'y retrouvais les habitués avec plaisir, mais une fois la foire terminée, d'autres tâches nous attendaient et il nous fallait vite regagner nos pénates.", Marie-Thérèse, 91 ans.
Servir le foie gras
A mets exceptionnel, accessoires exceptionnels. La cuisson s'opère dans des terrines à foie gras en céramique (surface émaillée), en porcelaine ou en grès. Pour déguster le foie gras, il existe des services complets composés d'un plat à foie gras, d'un sous plat pour la glace, d'une spatule, d'un plat à pain grillé, de petites assiettes de dégustation, le tout à l'effigie de notre palmipède préféré ! Les puristes se dirigeront vers une planche de dégustation équipée d'un fil à découper, un couteau à foie gras, caractéristique en raison de sa lame évidée et particulièrement effilée, ou encore une lyre à foie gras avec fil en inox.
Le foie gras dans l'assiette
Dans les familles du Lauragais, les recettes de foie gras se transmettent de génération en génération. Certaines requièrent un certain savoir-faire mais la plupart demeurent accessibles à tous.
• La conserve de foie gras
Dénerver le foie gras. Saler et poivrer à votre convenance (environ 12 g de sel et 3 g de poivre par kg de foie). Placer le foie dans des bocaux en verre en prenant soin de ne pas les remplir à ras bord. Faire stériliser pendant 1 heure dans un stérilisateur.
• La terrine de foie gras
Mélanger 12 g de sel par kg de foie, du poivre, du paprika, un mélange "4 épices", assaisonner le foie et le ranger dans une terrine. Arroser le foie d'un vin blanc liquoreux. Placer le couvercle et préparer une pâte à partir d'eau et de farine, fermer le couvercle avec la pâte. Faire cuire au bain-marie pendant 90 minutes à 160 ° (thermostat 4).
• Le foie gras poêlé
Beurrer la poêle et faire revenir les escalopes de foie gras 2 à 3 minutes sur chaque face. Servir nature, simplement assaisonné de sel et poivre ou accompagné de raisins ou de pommes préalablement sautées au beurre.
• Le foie gras au torchon
Eliminer les filaments du foie froid et séparer les lobes. Assaisonner (sel et poivre), placer dans une terrine, verser 15 cl de vin blanc moelleux, couvrir et mettre 12 h au réfrigérateur. Porter à ébullition 1 litre de bouillon de volaille (2 cubes) et la marinade issue de la terrine. Poser le foie sur un torchon, rouler serré et ficeler. Déposer dans une cocotte, recouvrir de la préparation et pocher entre 20 et 30 minutes à une température de 70°C maximum. Egoutter le foie gras, laisser refroidir, resserrer le torchon et remettre au réfrigérateur 24 heures. Pour faciliter sa découpe à l'assiette, utiliser un coupeau trempé dans l'eau chaude.
Le foie-gras au torchon permet de varier les plaisirs. Il demande un peu de technique
mais crée à coup sûr la surprise dans l'assiette. crédit photo : Couleur Média
• Omelette au foie gras
Détailler en cubes de 2 à 3 cm de côté, selon la gourmandise, 200 à 400 g de foie gras mi-cuit préalablement mis au réfrigérateur. Disposer sur un plateau frotté à l'ail et poivrer. Pour 6 personnes, préparer 2 omelettes de 9 œufs chacune en agitant seulement la queue de la poêle. Saler et disposer sur la moitié des cubes de foie gras. Laisser chauffer légèrement et finaliser l'omelette en la refermant sur les cubes. Servir chaud.
• Pâtes fraîches au foie gras
Faire cuire 250 g de pâtes fraîches. Egoutter, verser 10 cl de crème fleurette et faire cuire doucement en ajoutant du sel, du poivre et de la muscade. Poêler de fines escalopes de foie gras 1 mn de chaque côté. Dispo-ser les pâtes dans chaque assiette et poser l'escalope de foie poêlée dessus.
• Foie gras et cuisine moléculaire
N'en déplaise aux plus conservateurs, le foie gras a depuis longtemps fait son entrée dans l'ère de la cuisine moléculaire. On le retrouve sous la forme de mousse, de billes, de panna cotta dans le cadre de recettes aussi surprenantes que raffinées.
Confits, magrets et autres spécialités à base de canard garnissent régulièrement les tables dans le Lauragais,
à la maison comme chez les restaurateurs. crédit photo : fotolia©ODG
Les tournedos Rossini, du nom du compositeur du Barbier de Séville, est composé d'un médaillon de bœuf
sur lequel on dépose une escalope de foie gras poêlé, le tout délicatement arrosé de sauce Madère.
Un joyau de la gastronomie à v servir à la minute ! crédit photo : fotolia©kei u
Dans le Sud-Ouest, on le sait bien : tout est bon dans le canard ! Magrets, confits, rillettes, cous farcis, cassoulet font depuis toujours partie du patrimoine gastronomique du Lauragais. Les professionnels rivalisent de gourmandise pour faire du foie gras et des préparations à base de canard les stars des fêtes de fin d'année et les incontournables des moments de convivialité partagés autour d'une bonne table.
Isabelle Barèges
1/ Comité Interprofessionnel du Foie Gras (CIFOG)