Lauragais en fête : une tradition qui a tout bon
|
Partout en France, l'engouement pour les fêtes et manifestations locales demeure intact. Malgré le temps qui passe, on garde un attachement particulier à l'égard de ces événements sachant rassembler la population locale et séduire les touristes de passage. Le Lauragais ne fait pas exception et cette terre, plus qu'aucune autre, vibre tout au long de l'année au rythme des manifestations. L'été, lorsque la saison bat son plein, il ne se passe pas une semaine sans que nous soyons invités à partager ces moments de convivialité. Afin d'expliquer ce succès, Couleur Lauragais a souhaité savoir qui se cache derrière ces manifestations et mieux connaître leur mode d'organisation. Rencontre avec tous ceux et toutes celles qui cultivent le goût du vivre ensemble. |
Point d'orgue de la fête, le feu d'artifice est l'occasion de retrouver
son âme d'enfant. Au son des « oh ! » et des « ah ! » d'admiration,
la magie opère. crédit photo : Couleur Média |
Fêtes éternelles
Au premier rang des fêtes en Lauragais, on trouve les fêtes votives (« pour acquitter un vœu »). Organisées en hommage au saint patron de la commune c'est la traditionnelle fête de village. Elles se célèbrent en général le jour de la fête du saint patron mais certaines communes les ont délibérément avancées ou reculées dans le temps pour bénéficier de la clémence de la période estivale. Célébrées sur 2 à 5 jours, elles s'organisent autour d'un programme varié. Les lotos, concours de pétanque, de belote ou de pêche succèdent aux tournois sportifs ou aux danses traditionnelles en journée pour laisser la place, en soirée, à des animations musicales : concert, disco mobile ou bal musette. Le programme de la manifestation inclut également un repas, en Lauragais il s'agit traditionnellement des "montjetades", cependant les cassoulets, "magretades", repas moules-frites, paellas ou aligots trouvent également leur public ! Depuis quelques années, les animations tendent à se diversifier pour rendre ces manifestations toujours plus attractives. Au nombre des animations au goût du jour, on trouve : les vide-greniers ou encore les soirées zumba ou country. Au programme des fêtes votives, on trouve encore souvent la célébration d'une messe dans l'église de la commune suivie d'un dépôt de gerbe au Monument aux Morts, ou encore le traditionnel feu d'artifice qui n'en finit pas de ravir les plus jeunes alors que les anciens révisent inlassablement le palmarès des plus beaux feux des fêtes du village. Peu de communes organisent encore cependant la traditionnelle retraite aux flambeaux qui trouverait son origine dans une tradition républicaine ayant pour objectif de commémorer la prise de la Bastille. A cette occasion, les enfants et la population suivaient à la nuit tombée un parcours dans la commune munis de lampions.
Durant l'été, les fêtes nationales sont également l'occasion de réunir la population. Dans la tradition républicaine, la fête du 14 juillet est notamment célébrée avec un bal populaire et clôturée par un feu d'artifice. Dans la tradition chrétienne, on continue de fêter l'Assomption et de nombreuses villes profitent de ce temps fort de l'été pour organiser les traditionnelles fêtes du 15 août.
D'autres manifestations sont davantage axées sur des éléments de la culture locale, c'est le cas de la fête du Cassoulet à Castelnaudary, de la fête de la Cocagne, ou encore de la fête du Pré de la Fadaise, fête champêtre reconnue comme l'une des plus anciennes de France (13ème siècle). On compte par ailleurs de nombreuses fêtes médiévales mettant plus particulièrement l'accent sur l'histoire du village ou du territoire. Ces événements attirent aussi bien la population locale que les touristes de passage en Lauragais car elles permettent de mieux appréhender l'histoire locale.
Enfin, si la musique est célébrée tout au long de l'année, elle vibre tout l'été autour de manifestations au rayonnement régional, voire interrégional comme Jazz sur son 31, Convivencia, festival itinérant sur le Canal des Deux mers, le festival Déodat de Séverac à Saint-Félix Lauragais ou encore le Festival Musique des Lumières qui se tient sur le site prestigieux de l'abbaye-école de Sorèze.
Fêtes agricoles : un hommage aux savoir-faire locaux
Le Lauragais est indubitablement une terre agricole qui justifie l'organisation par les agriculteurs de nombreuses manifestations tout au long de l'année. Parmi les animations proposées, on trouve les concours de labour, des labours à l'ancienne avec des bœufs, ou encore les concours de chiens de troupeau. Il s'agit de valoriser les savoir-faire et les productions locales tout en transmettant la mémoire d'une terre historiquement agricole.
Francis Cucurou, Président du Comité des Fêtes de Beauville
CL : Dans quel état d'esprit travaille le Comité des Fêtes d'un petit village de 150 habitants ?
F.Cucurou : "De la façon la plus conviviale possible. Chaque projet fait l'objet de discussions, si des divergences s'expriment, nous parvenons toujours à un compromis. Il ne s'agit pas d'un échange formel, on ne procède pas à un vote. Le Comité est composé de 40 membres au total, dont 15 sont membres du Bureau. Nous nous réunissons environ une fois tous les deux mois puis 15 jours avant chaque manifestation. En février ou mars, nous tenons notre Assemblée Générale annuelle rendant compte de nos activités notamment à travers un rapport moral et financier. Si la Mairie à la charge des fêtes "républicaines" comme le 14 juillet, et des manifestations relevant de l'action sociale, comme l'Arbre de Noël ou les événements dédiés aux personnes âgées, c'est le Comité des Fêtes qui définit le programme d'animations de la commune en début d'année et est chargé de sa mise en œuvre. C'est un vrai travail d'équipe !"
CL : Les jeunes s'impliquent-ils également ?
F.Cucurou : "Oui, les plus jeunes membres du Comité des fêtes ont 15 et 16 ans. C'est très important pour nous car ils représentent l'avenir et la continuité de nos traditions. Nous les encourageons donc régulièrement à nous rejoindre."
CL : Combien de temps vous faut-il pour organiser la fête et quelles en sont les grandes étapes ?
F.Cucurou : "Nous sommes à pied d'oeuvre un mois et demi avant la manifestation et réunissons une quinzaine de personnes pour ranger une fois les festivités terminées. Côté administratif, nous devons notamment prévoir les contrats qui seront signés avec les groupes et faire une demande d'autorisation à la SACEM, organisation auprès de laquelle nous nous acquittons d'une redevance pour les œuvres musicales diffusées. Il nous faut aussi procéder aux achats nécessaires pour préparer notre montjetade, sans négliger la communication, essentielle pour attirer du monde. Ensuite, nous installons tous les équipements temporaires dont le podium et le chapiteau. Le jour J nous formons des équipes pour préparer le repas, s'occuper de la buvette, placer les gens, faire le service, gérer les animations pour les enfants..."
CL : Pourquoi proposer une montjetade ?
F.Cucurou : "C'est une tradition depuis plus de 30 ans et nous y tenons beaucoup ! Nous la préparons nous-mêmes, une équipe d'une dizaine de filles la concoctent tous les ans pour le plaisir de tous. J'espère que nous parviendrons à transmettre le goût de ce repas traditionnel aux plus jeunes."
CL : De manière générale quelles sont les éventuelles difficultés rencontrées ?
F.Cucurou : "D'abord parvenir à fédérer tout le monde pour que tout soit fin prêt le jour J et ensuite, faire venir les gens jusqu'à nous. Les fêtes locales sont concurrencées par de nombreuses autres distractions, pourtant elles sont essentielles à la vie d'un village. Cette tradition locale et festive participe à l'âme de la commune, c'est important de se retrouver pour continuer à partager notre culture et avant tout de très bons moments !"
A Issel, les Médiévales mobilisent chaque année des bénévoles toujours plus nombreux de 7 à 77 ans et plus !
Chacun d'entre eux apporte sa petite pierre à l'édifice pour faire de chaque édition un moment de convivialité
et de partage intergénérationnel. Crédit photo : ARCSI Issel
La montjetade : un repas de fête du Lauragais
Impossible de passer à côté de ce plat traditionnel mettant à l'honneur la montjetade, comprenez le haricot en occitan. De nombreuses fêtes de village optent pour cette gourmandise locale sachant régaler les petits comme les grands gastronomes. Les haricots blancs secs de la variété « coco » sont mis à tremper puis cuisinés dans de la graisse de canard avec des carottes, de l'ail, des tomates, de l'oignon et de la viande. Au départ, il s'agissait des restes de viande mais aujourd'hui, on le cuisine avec du mouton, du saucisson de couenne, des travers de porc, un fond de jambon, complétés en fin de cuisson de confit. Le tout est recouvert d'eau et mijote au minimum 3 heures pour offrir un plat riche et gourmand. Bon appétit ! |
Guy Bressoles, Président des Gais Boulistes Villefranchois
CL : Quels types de manifestations organise votre association ?
G.Bressoles : "Nous organisons des compétitions tout au long de l'année mais deux d'entre elles sont incontournables : le challenge Gustave Baget qui se déroule en janvier sur trois dimanche et une autre octobre. La première qui réunit 32 quadrettes, c'est-à-dire 32 équipes de 4 joueurs, attire des joueurs au-delà des frontières du Lauragais, de l'Aude, de la Haute-Garonne et du Tarn notamment. La seconde, qui se déroule sur 2 dimanche, oppose 24 quadrettes sur le boulodrome de Villefranche de Lauragais. Nous avons la chance d'avoir un très bel équipement, très fonctionnel mais déplorons le manque de jeunes. Nous espérons bien inverser la tendance dans l'avenir."
CL : D'où vous vient la passion des boules ?
G.Bressoles : "J'ai commencé à jouer à l'âge de 12 ans, mon père était lui-même bouliste et il jouait à l'époque au sein d'une équipe de 10 joueurs. Dès notre arrivée à Villefranche de Lauragais en 1948, j'ai rejoint les Gais Boulistes avec lesquels j'ai participé à des compétitions partout en France. Je suis devenu Président de l'association en 1975 et nous pouvons nous féliciter de nos bons résultats au plan départemental mais également en national : 4 jeunes boulistes ont reçu la Coupe de France en 1992. Depuis mes 12 ans, la même passion m'anime !"
CL : En dehors des compétitions, votre association demeure active, de quelle manière ?
G.Bressoles : "A travers l'organisation d'un loto en janvier qui mobilise le travail de 30 bénévoles et parvient à réunir environ 600 personnes ; puis notre vide-grenier en octobre qui propose près de 200 emplacements. Ces événements qui requièrent la mobilisation de tous sont essentiels à l'association, ce sont elles qui nous permettent d'acheter des tenues et les coupes et Prix remis à l'occasion des rencontres sportives."
Dans le Lauragais, la pétanque et les boules occupent une place particulière dans le cœur des habitants.
Pas une fête ne se déroule sans qu'une partie ne s'improvise. Par ailleurs, de véritables compétitions dédiées aux amateurs
sont organisées tout au long de l'année comme ci-dessus à Villefranche-de-Lauragais. Crédit photo : Guy Allières
Mr Boutonnier, Président du Comité des Fêtes de Puylaurens
CL : Pourquoi choisir d'organiser chaque année une fête foraine ?
M.Boutonnier : "C'est une tradition de très longue date, notre ville a toujours organisé de grandes fêtes qui se déroulent sur 4 jours. Environ 40 métiers (c'est ainsi que sont appelés les stands forains) sont présents principalement pour les enfants et les adolescents avec de grands classiques tels que les tirs à la carabine, les autos taponneuses, la pêche aux canards … Il y a également de nombreux stands offrant des gourmandises salées comme sucrées."
CL : Sur quels critères les choisissez-vous ?
M.Boutonnier : "Il faut savoir que nous ne sélectionnons pas les métiers présents, ils reviennent d'une année sur l'autre en sollicitant le même emplacement et lorsque l'un d'entre eux ne peut venir, il se fait remplacer. Le droit de place qu'ils acquittent revient à la Mairie."
CL : Comment parvenez-vous à attirer un public jeune ?
M.Boutonnier : "Nous avons choisi de proposer chaque jour une animation pour les jeunes et une pour les moins jeunes. Même au sein du Comité des Fêtes, nous tenons à ce qu'il y ait une parité, cette ouverture est garante du succès de la fête qui demande beaucoup de travail. Il faut savoir que nous commençons à organiser l'événement un an à l'avance avec la recherche des animations, notamment musicales. Cette année, les jeunes agriculteurs ont souhaité organiser un concours départemental de labour, le Comité des Fêtes demeure ouvert à toutes les nouvelles suggestions, c'est important."
La musique réunit les gens - Mr Fontorbes, musicien dans la banda des Caramagnols
"Avec ma banda, je participe à environ 30 fêtes par an. Nous sommes près de 20 musiciens : trompette, clarinette, saxophone, grosse caisse, batterie, tambourin, soubassophone … Je joue pour ma part du tuba depuis 15 ans, auparavant du clairon. Nous nous retrouvons chaque semaine pour répéter. Ces 2 heures passées ensemble sont des moments de convivialité mais nous travaillons également notre répertoire : des musiques basques traditionnelles comme Paquito, Xabia, Altza Gasteak et des chansons de variété. J'ai beaucoup de plaisir à animer des fêtes de village, on essaie de faire participer les gens, de les faire danser, de mettre de la bonne humeur pour qu'ils oublient, le temps de la fête, leur tracas du quotidien. Le temps passe mais ces fêtes sont toujours l'occasion de se retrouver, de faire connaissance avec les nouveaux arrivants et de faire le plein de bonne humeur sur des airs de bandas !"
Les bandas mettent toujours beaucoup d'ambiance dans les fêtes locales.
Leur répertoire festif enchante les jeunes comme les moins jeunes. Crédit photo : Les Caramagnols
Martine Thurios, organisatrice des Médiévales à Issel
CL : Comment la tradition des Médiévales s'est-elle installée à Issel ?
M.Thurios : "Monsieur le Maire souhaitait lancer un marché de potiers, j'ai présenté l'idée au Conseil d'Administration de l'association ARCSI Issel qui a été littéralement emballé ! Les idées ont fusé de toutes parts, et dans le temps nous avons arrêté le principe des Médiévales remettant à l'honneur les métiers anciens."
CL : Comment s'organise une telle manifestation ?
M.Thurios : "Il a d'abord fallu définir une réglementation puis nouer des contacts avec les artisans susceptibles d'être intéressés par la manifestation. La première édition a mobilisé une trentaine de bénévoles, au rythme d'une réunion par mois pendant 8 mois. Aujourd'hui, le nombre de ces bénévoles a doublé en venant renforcer le groupe de départ. Toute la population locale est représentée, des adolescents jusqu'au 3ème, voire 4ème âge !"
CL : Qui fabrique les costumes de la fête ?
M.Thurios : "Principalement les mamans et les mamies. Un atelier couture a été créé dans le but de venir en aide à tous ceux qui souhaitent se lancer. Ses animatrices ont sélectionné des modèles de robes, de casaques, de fanions et ouvrent les portes de l'atelier une fois par semaine de janvier à fin avril. Sur le même principe, un atelier vitraux a été créé à l'occasion de la première édition pour décorer les fenêtres des habitations. Ses participants ont travaillé ensuite à la confection de panneaux indicateurs destinés à cacher ceux du village et à orienter les visiteurs au sein de la manifestation."
CL : Qu'est-ce que cette fête apporte au village ?
M.Thurios : "Beaucoup de choses inestimables ! Il faut savoir que ces ateliers ont été proposés spontanément par la population ; à travers cette initiative, il se crée donc du lien social. Les gens se rencontrent, se découvrent, toutes générations confondues, autour d'un événement qui les rassemble. L'ambiance est bon enfant, familiale, il y a un réel engouement et beaucoup de plaisir à partager cela tous ensemble. Mais l'événement attire des visiteurs au-delà même des frontières du Lauragais, tout cela est très positif !"
Chaque année, un chœur de bénévoles organise un concert en occitan donnant le «la» à la manifestation.
Chaque costume demande des semaines voire des mois de préparation. Crédit photo : ARCSI Issel
Un vrai moment de partage - Cathy Fernande, saxophoniste au sein de L'orchestre d'Harmonie du Lauragais
"Originaire du nord de la France, j'ai commencé la musique à 10 ans et intégré mon premier orchestre d'harmonie trois ans après. Aujourd'hui âgée de 46 ans, on peut dire que cela fait partie de ma vie et de ma culture ! C'était une vraie tradition dans mon département d'origine où les cours de musique étaient dispensés gratuitement à l'école. Ici, dans le Lauragais, ce sont les fêtes de village qui sont inscrites dans le patrimoine génétique des habitants ! A chaque manifestation, on sent le réel engouement de la population locale pour ces rendez-vous festifs. Avec mon orchestre, nous nous produisons sur une vingtaine de manifestations par an : les fêtes de village mais également les commémorations du 8 mai, du 14 juillet ou du 15 août. Nous sommes sollicités pour animer la messe, puis la cérémonie commémorative et enfin l'apéritif concert offert aux habitants. Nous nous réunissons une fois par semaine pour un minimum de 2 heures de répétition. Ce type de formation composée de près de 50 musiciens a un répertoire très riche qui va du classique, à la variété en passant par le jazz et encore bien d'autres genres musicaux. C'est ce qui fait notre spécificité mais nous nous adaptons à tous les événements et lorsqu'il s'agit d'animer un événement local, nous misons sur des airs festifs sachant rassembler la population. Il s'agit toujours de moments de convivialité très appréciés, les gens sont heureux et nous de même !"
Cathy Fernande, saxophoniste, ci-dessus en plein solo lors d'une représentation locale.
Crédit photo : Orchestre d'Harmonie du Lauragais
Vous l'aurez compris, ces manifestations ne seraient pas possibles sans la mobilisation de nombreux bénévoles qui s'impliquent pendant de longs mois de préparation pour offrir des fêtes réussies. Au final, ces événements font battre le cœur de tout le territoire du Lauragais tout l'été mais également tout le long de l'année pour le plus grand bonheur des petits comme des grands.
Isabelle Barèges