Parentalité : vers un nouvel équilibre
C'est un fait, la majorité des pères sont plus impliqués auprès de leurs enfants même lorsqu'il s'agit d'accomplir des tâches quotidiennes autrefois réservées aux mères. Cette nouvelle clé de répartition s'explique notamment par l'augmentation du nombre de femmes actives, mais pas seulement. Pour ces pères d'un nouveau genre, cette implication est essentielle à leur épanouissement. On voit donc s'effacer peu à peu la figure du patriarche au profit d'une autorité et d'une éducation partagée.
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Les évolutions récentes de la structure familiale semblent avoir rapproché
les enfants et leur père. La proximité est évidente dès les premiers mois
de bébé et la complicité va grandissante.. Crédit photo : fotolia©fotowerk |
Pour autant, seuls 45% des nouveaux pères prennent un congé paternité à la naissance de leur enfant, et le congé parental au masculin demeure un fait rare (3% en 2012). Notre dossier étayé de nombreux témoignages devrait nous permettre de faire un point sur l'une des évolutions sociétales les plus marquantes du 21ème siècle. |
Devenir parent
Si la femme devient mère par un processus biologique, devenir père procède d'un autre parcours, plus symbolique. Pendant la grossesse, c'est la future mère qui constate ou ressent jour après jour certaines évolutions. Même si cet événement est vécu à l'intérieur du couple comme la concrétisation d'un projet commun, cette période implique davantage de changements chez la future maman. Une fois le bébé né, chacun deviendra parent à son rythme et c'est bien cette notion de parentalité qui prime pour beaucoup. C'est le cas de Patrick, père de deux enfants : "Pour moi le couple est une équipe. Avec ma compagne, on se pose des questions ensemble sur la façon dont gérer les choses, les premières colères par exemple. Je crois qu'il faut davantage s'interroger sur le rôle des parents, plus que sur celui du père ou de la mère" explique-t-il. Ce sentiment est très répandu chez les parents d'aujourd'hui, alors, père ou mère, quand se sent-on parent ?
Devenir père
"Cela se fait dans le temps, les trois premiers mois, du fait de l'allaitement, il y a une grande proximité avec la mère, même si je me suis senti impliqué tout de suite parce que j'avais ma place. Je suis passé par plusieurs étapes et au niveau émotionnel, c'est allé crescendo. Je suis curieux de savoir si le cheminement sera le même avec mon second enfant". Sébastien, un enfant de 2 ans
"Ce n'est pas au moment de l'annonce en tous cas car rien ne change pour nous : les matchs de rugby entre copains, les restaurants avec la future maman même si elle se trouve trop grosse ! Bien sûr, on jette un regard amusé sur toutes les nouvelles lectures qui traînent sur la table de nuit : « Comment être de bons parents ? », « Les premiers mois de bébé ». Bref, on n'est pas encore dans la peau du papa. Puis arrive le jour où votre compagne vous annonce tranquillement qu'elle a perdu les eaux, et nous on trouve rien de mieux à faire que de perdre notre sang froid ! Quelques longues heures plus tard et après s'être dit un millier de fois que l'on aurait peut-être dû les lire ces livres, il arrive et en le regardant pour la première fois, on se dit : "C'est mon enfant, je suis son père". Depuis, je n'ai toujours pas lu ces livres, j'improvise et c'est très bien !". Frédéric, un enfant de 2 ans
"Quand on s'est débarrassé de ses idées toutes faites et qu'on a suffisamment confiance en soi pour se laisser guider par sa compagne". Thierry, un enfant de 2 ans
"On devient père au moment de la naissance, puis graduellement avec le temps de plus en plus fort". Stefan, deux enfants de 8 et 10 ans
Et mère ?
"Quand on tombe enceinte car déjà, in utero, on doit prendre soin de la petite vie qui grandit en nous, cependant, le vrai rôle de maman débute à la naissance". Marie-Sophie, un enfant de 7 ans
"A la naissance du bébé". Stéphanie, deux enfants de 10 ans et 8 ans
"Au fil des premiers mois de la vie de l'enfant". Carole, deux enfants de 10 ans et 8 ans
"Quand on réalise qu'un être humain va totalement dépendre de soi et passera avant tout et tout le monde". Frédérique, deux enfants de 2 et 4 ans
"On devient mère d'abord par projection tout au long de la grossesse puis indéniablement le jour de la naissance de son bébé". Fabienne, 2 enfants de 14 et 15 ans
Partage des tâches : l'état des lieux
N'en déplaise aux maris modèles, les journées de l'homme et de la femme au sein d'un couple ne font toujours pas état d'une parfaite égalité. Les hommes consacrent 2h41 par jour aux tâches domestiques contre 4h33 pour les femmes. Le temps de travail est évalué à 6h09 pour les hommes et à 5h10 pour les femmes. En conséquence, les hommes disposent de plus de temps libre : 4h53 contre 3h39 pour les femmes. Face, à ces chiffres, nous avons souhaité donner la parole à des parents afin qu'il nous livrent leur point de vue sur la délicate question du partage des tâches.
"Pour les pères, le partage des tâches dites ingrates est allé de pair avec le partage des moments de tendresse, beaucoup plus nombreux qu'auparavant il me semble. Cependant, mon mari reconnaît avoir moins de patience que moi dans les moments de crise et d'intérêt pour la routine du quotidien, les bains, repas...". Frédérique
"C'est vrai, les nouveaux pères changent aussi les couches et donnent le biberon, mais, en ce qui me concerne, c'est toujours moi qui me suis levée la nuit ! Notre mode de fonctionnement demeure traditionnel : mon mari incarne l'autorité, moi, j'arrondis les angles". Stéphanie
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N'en déplaise aux plus modernes des maris, les tâches ménagères
demeurent l'apanage des femmes qui y consacrent 4h33 par jour
contre 2h41 pour ces messieurs. crédit photo : fotolia©Puchalt
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"Le partage des tâches, c'est une réalité pour les hommes de ma génération et c'est normal. Après, à chacun son dada, moi c'est la vaisselle, ma compagne la cuisine et pour mes autres tâches comme pour s'occuper de notre fils, on partage !". Frédéric
"Le partage des tâches est normal et indispensable si l'on veut que son couple dure. Il faut tout de même avouer un léger surplus de travail pour madame !". Thierry |
Entretien avec Carine, maman d'une petite fille de 3 ans et demi
CL : Comment percevez-vous le rôle de votre époux auprès de vos enfants ?
C. : "Nous ne nous sommes pas posés la question de savoir qui allait faire quoi. Ça a été très naturel pour mon mari et il s'est impliqué tout de suite : nous donnions le biberon à tour de rôle, il continue à lui donner le bain, je m'occupe davantage des repas ".
CL : Quelle est l'évolution par rapport à vos propres parents ?
C. : "J'ai plus de souvenirs avec ma mère dans le quotidien, plus de proximité aussi. Mon père était moins impliqué que ne l'est mon mari. En revanche, il est très proche de sa petite-fille, il a donc évolué une fois grand-père".
CL : Certains domaines demeurent-ils "réservés" à la maman ?
C. : "Pas vraiment, je suis soucieuse des repas et c'est plutôt moi qui les planifie la semaine afin qu'ils soient équilibrés. En revanche, le week-end et lorsque nous recevons, c'est mon mari, qui aime aussi cuisiner, qui régale !".
CL : Que pensez-vous de ce modèle ?
C. : "Pour la maman, c'est vraiment rassurant, on sait qu'on peut compter sur l'autre en toutes circonstances et pour l'enfant, je trouve ça formidable. Ma fille est très complice avec son père, ça ne peut apporter que des choses positives !".
Congé paternité : un dispositif plus ouvert
Depuis le 1er janvier 2013, le nouveau "congé de paternité et d'accueil de l'enfant" peut être pris par "la personne vivant maritalement avec la mère ou liée à elle par un Pacs indépendamment de son lien de filiation avec l'enfant". (art. L. 1225-35 du Code du Travail). Les mêmes droits sont donc octroyés au père et à la personne vivant avec la mère au moment de la naissance. Le nouveau dispositif est également ouvert aux couples du même sexe.
Voilà pour les changements, sinon le congé de paternité est donc toujours accordé pour une période de 11 jours consécutifs ou de 18 jours en cas de naissances multiples. Pour le salarié comme pour le chef d'entreprise, il ouvre droit à une indemnité journalière. Pour le salarié, elle est égale au gain journalier net de base, déterminé à partir des salaires perçus au cours des derniers mois précédant l'interruption de travail. Son montant est de 9,09 € à 81,49 € par jour maximum. Pour le travailleur indépendant, l'indemnité est forfaitaire, plafonnée à 49,82€ par jour.
A l'arrivée d'un deuxième enfant, l'équilibre savamment construit à trois est quelque peu bousculé
et le père d'autant plus sollicité pendant la grossesse. crédit photo : fotolia©Yanlev
Ca, je ne le partage pas !
On a beau prôner le partage des tâches et la parité, il existe des moments que chaque parent aime vivre seul avec ses enfants. S'ils évoluent en fonction de l'âge de l'enfant, certains petits rituels demeurent immuables.
"Ce sont de petits moments privilégiés comme jouer de la musique et faire des gâteaux". Stéphanie
"Maman au foyer, je profite de mon fils en tête à tête au moment des repas car mon mari est souvent en déplacement, y compris le midi car il ne mange pas à la cantine". Marie-Sophie
"Shopping et footing, des moments rien qu'à nous !". Fabienne
"Le soir au coucher, après l'histoire, je me réserve le dernier baiser. On parle du lendemain ou on revient sur certains événements de la journée, c'est notre moment". Carole
"Le bain, c'est notre moment et notre terrain de jeu depuis que ma fille est née ! Une petite parenthèse après ma journée de travail et chaque jour un bon moment pour tous les deux". Sébastien
Congé parental d'éducation : quelles solutions pour l'avenir ?
Le dispositif actuel - Le congé parental consiste en une interruption totale ou partielle de son activité professionnelle et concerne environ 550 000 foyers français. On constate que le congé parental est pris, à ce jour, à 97% par les mères et à 3% seulement par les pères. Dans ce cas, ce choix est principalement motivé par le niveau de revenu, c'est-à-dire que les bénéficiaires masculins ont des salaires inférieurs à leurs conjointes. En cas de naissance ou d'adoption d'un enfant de moins de 3 ans, la durée du congé parental est d'un an reconductible 2 fois pour cesser au plus tard au 3ème anniversaire de l'enfant. Le dispositif, ouvert à tous les salariés ayant au moins un an d'ancienneté dans l'entreprise, se met en place à l'issue du congé maternité ou d'adoption. Pendant cette période, le salarié n'est pas rémunéré par son employeur, il peut solliciter une aide de la CAF dont les montants actualisés sont consultables sur le site www.caf.fr :
- le Complément de libre choix d'activité (CLCA) : jusqu'à deux enfants. L'allocation, qui s'élève à 566,01 € pour les foyers ne percevant pas l'allocation de base de la Paje et à 383,59 € pour les autres, est perçue pendant un délai maximum de 6 mois. Pour les non bénéficiaires de l'allocation de base, en cas de temps partiel à 50%, ce montant est réduit à 430,40 € et à 325,47 € lorsque le temps de travail est compris entre 50% et 80%. A partir de deux enfants, l'allocation est perçue jusqu'au 3ème anniversaire de l'enfant le plus jeune.
- le complément optionnel de libre choix d'activité (COLCA) : à compter de trois enfants. L'allocation perçue pour une durée maximale d'un an s'élève à 626,99 € en cas de perception de l'allocation de base de la Paje et à 809,42 € en son absence.
Un projet de loi basé sur la parité
Une interruption de l'activité professionnelle est considérée comme un frein pour l'évolution et l'emploi des femmes, c'est dans ces termes que le projet de loi sur les "Droits des femmes" devrait prochainement relancer le débat. En effet, le gouvernement entend modifier ce dispositif afin qu'il soit plus incitatif pour les pères. Il s'agirait de réduire à deux ans et demi le temps du congé parental et d'instaurer une période complémentaire de six mois réservée au conjoint. Etant donné que le dispositif est sollicité à 97% par les femmes, cela reviendrait à la réserver aux pères. Pour miser sur davantage de parité, les couples bénéficieraient dans ce cas d'une indemnisation plus élevée qui reste à définir. De même, alors que le Complément de libre choix d'activité est actuellement limité à 6 mois, le projet de loi propose de le proroger de 6 mois à condition que ce congé complémentaire soit pris par le père. Si elles sont votées, ces modifications entreront en vigueur le 1er janvier 2014. Affaire à suivre.
Entré en application le 1er janvier 2002, le congé paternité est pris par 45% des nouveaux pères seulement.
Peut-être faudra-t-il encore quelques années pour faire évoluer les mentalités. crédit photo : fotolia©Khunaspix
Et chez nos voisins ?
En Europe, ce sont les pays du nord qui sont les plus exemplaires en matière de la parité, ce sont également eux qui totalisent les taux d'activité féminins les plus élevés au monde. Le congé parental suédois est de 480 jours, 60 d'entre eux sont pris par la mère, 60 par le père et les 360 restants sont partagés librement. Au niveau budgétaire, l'allocation est fortement incitative puisque les 390 premiers jours sont indemnisés à hauteur de 80% du salaire de référence. Autre exemple : en Islande, le congé parental est de 9 mois, 3 mois pour le père, 3 mois pour la mère et 3 mois à partager. Plus proche de nous, au Portugal, un nouveau dispositif plus court remporte un certain succès auprès des pères (25% de bénéficiaires). Il s'appuie sur un congé parental initial de 6 mois rémunéré à 83% du salaire et un congé parental de 6 mois partagé entre les deux parents indemnisé à 100%. A l'inverse, l'Irlande fait figure de mauvais élève puisque l'Ile d'Emeraude n'a toujours pas instauré de congé paternité.
Le congé parental se décline à 97% au féminin. Un projet de loi sera prochainement débattu pour instaurer
davantage de parité en s'inspirant à ce titre du modèle suédois mais également de nos voisins allemands
à travers une incitation financière. crédit photo : fotolia©Fotowerk
Père au foyer
Devenir père ou mère au foyer, c'est un choix personnel mais également économique. Le coût de garde et le manque de structures d'accueil des enfants de moins trois ans posent sérieusement la question. Si les mères au foyer demeurent majoritaires, les pères sont de plus en plus nombreux à sauter le pas. Evolution des mentalités, solution temporaire, épanouissement personnel, plusieurs facteurs conduisent à cette augmentation et c'est eux qui en parlent le mieux.
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Père ou mère, chacun a des moments privilégiés
avec ses enfants. Quand certains affectionnent l'heure
du bain, d'autres ne se passeraient sous aucun prétexte
de l'histoire du soir ! crédit photo : fotolia©Ilike |
Le modèle traditionnel consistant pour la maman à s'occuper
quasi exclusivement de ses enfants au quotidien a considérablement reculé ces dernières décennies. Des pères toujours plus nombreux trouvent dans cette implication un réel facteur d'épanouissement.
crédit photo : fotolia©Auremar |
Entretien avec Ludovic, père de deux enfants de 3 ans et 2 ans
CL : Dans quelles circonstances vous êtes-vous retrouvé père au foyer ?
L : "Par intérim, un intérim qui a en réalité duré 18 mois. Je suis commerçant et projetais la vente de mon magasin afin d'en acquérir un autre. Ca s'est concrétisé peu après la naissance de mon second enfant, en conséquence, ma compagne et moi-même avons décidé de mettre cette période à profit. Pour moi, il s'agissait de prendre le temps de m'occuper de ma fille mais pas seulement. Mon fils, qui avait un peu plus d'un an à la naissance de sa sœur, allait chez une assistante maternelle. Côté frais de garde, le calcul pour nos deux enfants a été rapide et cet élément aussi a pesé dans notre décision".
CL : Est-ce que ne plus gagner d'argent vous a posé un problème ?
L : "On ne peut pas dire ça comme ça puisque j'étais entre deux projets et que j'avais des économies. Mais si effectivement, j'avais dû totalement dépendre du salaire de ma femme, j'aurais pu mal le vivre".
CL : Cette situation a-t-elle des contraintes ?
L : "Oui, il y a une proximité permanente avec ses enfants et il faut savoir la gérer. On donne beaucoup de soi, un engagement qui n'a rien à voir avec l'engagement professionnel, on ne peut pas se ménager des périodes de récupération, c'est du 100% tout le temps ! Il peut donc y avoir, parfois, une certaine lassitude, notamment quant au cadre qu'imposent des enfants. Horaires, équipements de puériculture, on n'a pas droit à l'improvisation ! Enfin, je pense qu'il faut savoir s'écouter et y mettre fin quand on le sent. Ce fut le cas en ce qui me concerne, coupé depuis 18 mois du monde professionnel je commençais à avoir le sentiment d'être un peu en marge".
CL : Qu'est-ce que cette expérience vous a apporté personnellement et dans votre vie de famille ?
L : "Les aspects positifs dominent surtout quand on jette un regard rétrospectif sur la période. En tant que professionnel de la restauration, j'ai des horaires qui ne me permettent pas toujours de profiter à plein temps de ma vie de famille. Pendant cette période, j'ai réellement vu grandir ma fille et le soir lorsque je récupérais son frère chez la nounou, j'ai pu profiter de ce que le quotidien m'offrait de vivre avec eux. Dans notre société, cette présence est un luxe, je suis heureux de me l'être offert. C'était un choix partagé avec ma compagne, et la proximité que cela a créé au sein de notre foyer a également été une expérience enrichissante pour notre couple. Au plan personnel, j'ai également appris à être plus patient. Plus globalement, je porte un regard nouveau sur les mères au foyer, je sais l'implication et l'énergie que requiert ce job à plein temps !".
CL : Quelles ont été les réactions dans votre entourage ?
L : "Très positives, nos familles et amis avaient déjà envisagé que nous retenions cette solution. Nous avons aujourd'hui l'ouverture qui permet ce type d'expérience".
Isabelle Barèges
1/ Le Figaro du 07 juin 2011
Couleur Lauragais n°152 - Mai 2013 |