Allo le front, ici Labécède lauragais Quand la grande histoire rejoint la "petite", cela se passe dans nos pages et sous la houlette de Roger Hau. Son immersion dans les archives municipales de Labécède-Lauragais permet d'imaginer le quotidien du petit village audois pendant la Grande Guerre. Patriotisme et solidarité étaient au cœur des décisions prises par le Conseil municipal alors présidé par François Serre, sans aucun doute soutenu par une population inquiète du devenir des siens partis au front. |
|
Malheureusement, on sait que de cette guerre particulièrement meurtrière, nombreux sont ceux qui ne reverront pas le Lauragais… |
Début de la guerre : la solidarité s'organise
A l'été 1914, les Français pénètrent en Alsace et l'armée allemande envahit la Belgique. Alors que les Anglais et les Français reculent sur le front, ils subissent de lourdes pertes. En septembre, le général Joffre remporte la victoire de la Marne, gagnée comme chacun sait, via la réquisition de centaines de taxis parisiens qui achemineront des milliers d'hommes vers la Marne afin de porter main forte à l'armée anglaise et finalement faire battre en retraite les Allemands. Le front se stabilise, c'est la "course à la mer", les belligérants croyaient encore en une guerre rapide. Il n'en sera rien, les deux camps creusent des tranchées dans l'attente vaine de l'offensive qui rompra le front.
A Labécède-Lauragais, le maire engage la dépense de 40 fr et demande aux jeunes filles de la commune de fabriquer gants, passe-montagne, chaussettes, et gilets de laine pour les envoyer sur le front.
Tranchées : le conflit s'enlise
Entre 1915 et 1917, le Premier conflit mondial se caractérise par une guerre de position, les hommes sont à l'embuscade dans les tranchées, le tristement célèbre gaz-moutarde fait son apparition. On compte cependant quelques offensives, notamment sur le front de l'Ouest, en Champagne et en Artois avec près de 348 000 morts puis en 1916, avec la bataille de Verdun gagnée par le Général Pétain à l'issue de laquelle on comptera 300 000 morts et 430 000 blessés. En 1917, la bataille du "Chemin-des-dames" est un échec, la tentative infructueuse de percée du front allemand fera 30 000 morts en 48 heures et demeurera associé à de nombreuses mutineries.
A Labécède-Lauragais, le Conseil Municipal engage une souscription en faveur de la journée française pour les Orphelins de guerre (42 fr). Il vote également une aide de 20 francs à destination des "Amis de la Belgique" du Mans, œuvre de secours destinée aux troupes réfugiées et prisonniers de guerre belges. Les mots du Maire à cette occasion sont durs et solennels : "Vous savez tous quelle dette de reconnaissance nous devons avoir pour ce pays qui, au prix de lourds sacrifices a momentanément arrêté l'invasion allemande et nous a permis par sa vaillance de mettre au point la concentration de nos troupes. Depuis, il contribue pour sa part à refouler l'ennemi héréditaire." Enfin, la commune verse 38 francs aux hôpitaux de Castelnaudary accueillant des blessés pour pourvoir aux "soins indispensables, à la fourniture d'une nourriture variée et à l'acquisition de certains éléments de bien-être".
Durant cette période, la commune est par ailleurs sollicitée par de nombreuses autres œuvres caritatives : la Boule-de-Neige pour le compte de soldats blessés, les Paysans des régions dévastées, l'Union des Femmes de France, le Comité des vêtements chauds, le Comité départemental de secours aux enfants des prisonniers en Allemagne… Afin d'honorer chacune de ses sollicitations, la commune impute le budget destiné à l'organisation de la fête locale qui de toutes façons n'aura pas lieu. Le cœur n'est pas à la fête, Labécède-Lauragais compte déjà deux prisonniers. Mais les efforts de la commune ne s'arrêtent pas là. En décembre 1915, elle participe à l'Emprunt National en versant une somme de 880 fr prise sur les fonds libres inscrits comme excédents de recettes.
En mai 1916, on semble bel et bien comprendre que le conflit va durer, le Conseil Municipal se prononce pour une aide individualisée de 10 fr pour chacun des 80 soldats mobilisés, versée à ses parents ou à son épouse. 100 francs sont également partagés entre la Cocarde du souvenir, fondée dans le but d'entretenir les tombes des soldats morts pour le pays, la Croix Rouge Française, la Société Française de secours aux blessés de l'Hôpital à Castelnaudary et le Comité Départemental des Mutilés de la Guerre. Ce dernier mouvement avait pour ambition de procurer des emplois ne nécessitant pas d'apprentissage manuel, et d'enseigner un métier à ceux que la perte d'un membre allait rendre inapte à l'exercice de leur ancien travail.
En fin d'année 1916, la commune de Labécède Lauragais débloque de nouveaux fonds pour maintenir la subvention aux soldats mobilisés, les plus nécessiteux cette fois et partage, cette année encore, le budget de la fête locale pour le partager entre quelques organismes de bienfaisance : l'Association Nationale des Orphelins de la Guerre, la Reconstitution du foyer dont le but est de fournir des équipements de première nécessité (meubles, linge…) aux habitants des pays dévastés, l'œuvre des Pupilles de l'Ecole Publique, l'Union des Femmes de France ou encore les Formations Sanitaires du Service de Santé français destinées au traitement des malades et blessés des Armées russes. Parfois les sollicitations viennent de plus haut : en novembre 1917, la commune, sur demande de la Préfecture, va offrir 30 francs au Comité des Mobilisés de l'Aude pour venir en aide aux soldats sans famille partis au front.
En route pour l'armistice
En 1918, de nouvelles grandes offensives ont lieu à grand renfort de chars et d'avions déployés par les pays de l'Entente. En Allemagne, une république voit le jour et l'armistice est finalement signé à Rethondes le 11 novembre 1918.
Dans le petit village audois, on continue l'effort de guerre en attribuant de nouvelles aides aux œuvres subséquentes du conflit : le Comité d'Assistance aux Mobilisés de l'Aude, l'Association mutuelle des Parents et Amis des soldats disparus et des prisonniers qui recherche les disparus et rapatrie les prisonniers de guerre, l'Union des Femmes de France, la Croix Rouge Française, l'Association des Mutilés et Réformés du Département de l'Aude, l'Association des Orphelins de Guerre et l'Office Départemental des Pupilles de la Nation destinée à secourir et à protéger les enfants dont le père est mort glorieusement pour la France. Quelques mois plus tard, c'est le temps du souvenir… On s'organise pour observer le devoir de mémoire de ce passé cruel et encore si proche. En avril 1919, le Conseil Municipal de Labécède-Lauragais comme tant d'autres en France élève un monument à la mémoire de ses morts. Il sera édifié deux ans plus tard par le nouveau maire, Monsieur Benjamin Layrac, financé par la commune qui engage près de 3000 francs et l'état dans une moindre mesure. Le temps passe mais la solidarité perdure puisqu'en 1922, année durant laquelle la mairie attribue 100 francs aux régions dévastées de l'Aisne.
Avec ses 9 millions de morts, 17 millions de blessés et d'invalides, 4 millions de veuves et 8 millions d'orphelins, le bilan de celle que l'on appellera "la drôle de guerre", est très lourd. A Labécède-Lauragais, il est une dalle grâce à laquelle Paul, Ernest, Auguste, Martin et 16 autres compagnons d'infortune ne tomberont jamais dans l'oubli. Près d'un an après le décès du dernier poilu français, nous leur rendons hommage.
Roger Hau
Les 20 soldats de Labécède Lauragais morts pour la France |
||
1914 1915
|
1916 1917 1918 |