Hubert Bastouil : bricoleur de l'imaginaire
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A Saint-Martin Lalande, il est un jardin inconnu où nous avons tous laissé une part d’enfance et de rêves. A sa tête : Hubert Bastouil, un personnage facétieux à la fois gardien de zoo, directeur de cirque et dresseur de dauphins. Sa propriété est gardée par d’énormes lions, pas méchants pour deux sous et accueille des animaux venus des quatre coins du monde. Pingouins, crocodiles, girafes, rhinocéros, panthères sont autant d’invités pour le moins inhabituels en terre lauragaise. L’endroit est tout simplement inclassable, à l’image des créations de ciment qui le peuplent, dont certaines mesurent jusqu’à 6 mètres de hauteur. Artisan doué ou génial inventeur, Hubert Bastouil nous ouvre les portes de son jardin extraordinaire et, dans le même temps, celles de notre imaginaire… Une enfance saint-martinoise |
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"Pour le ferrage des portes, il nous fallait plus de 15 minutes pour réaliser trois entailles, en modifiant notre outil de travail, j’ai réussi à réduire cette durée à 24 secondes, pas une de plus !" se rappelle- t-il. Dans ces conditions, on comprend bien pourquoi Hubert devient rapidement indispensable à son patron qui décide de lui accorder le statut d’ouvrier “hautement qualifié”. |
...et de la ferronnerie
Les demandes affluent et bientôt Hubert va y voir l’opportunité de s’installer à son compte en tant qu’ouvrier indépendant. Il investit son garage qu’il convertit en atelier. C’est là qu’à partir de 40 ans, il va passer au minimum 15 heu-res par jour à tel point qu’il décide d’abandonner le travail de la terre et de mettre ses parcelles en fermage pour se consacrer à son activité de métallier. Toujours spécialisé dans les fenêtres, il fabrique des pentures et des espagnolettes. Il utilise près de 10 tonnes de fer par mois. Il transforme une ma-chine qui lui permet de fabriquer 600 pentures à l’heure, en une seule opération ce qui lui vaut l’admiration de certains fabricants qui commercialisent quant à eux des é-quipements nécessitant deux séries d’opérations et donc plus de temps. Ferronnier jusqu’au bout des ongles, Hubert va s’attaquer à tous les types d’ouvrages : grilles de balcon, porte blindée... et continuer à vivre cette passion selon le rythme effréné que connaissent bien tous les artisans. Un problème de santé va cependant le contraindre à arrêter son activité plus tôt que prévu mais l’atelier reste en mouvement : c’est son épouse Georgette qui va le remplacer jusqu’à l’âge de la retraite. Meulage, soudage, perçage, fraisage, Georgette va assurer tous les postes de fabrication et pour le soudage, Hubert l’affirme : “Elle n’a pas sa pareille !”.
De ferronnier à gardien de zoo - On aura vite compris qu’Hubert Bastouil est un homme d’action que l’idée de profiter de la retraite en profitant d’un repos qu’il a bien mérité ne le fait pas rêver. Au-delà de ce besoin d’activité, il est animé par un impérieux besoin de création dont il ne semble pas forcément être conscient. Comme c’est souvent le cas dans ce genre de parcours, c’est un heureux hasard qui va lui donner l’opportunité de se réaliser à travers son étrange production et c’est une femme qui en est à l’origine : la sienne ! Un jour, son épouse lui demande de trouver une grosse pierre pour ornementer le jardin. Hubert part à sa recherche mais n’en trouve aucune dont les dimensions satisfassent son épouse. Vaille que vaille, puis-qu’elle n’existe pas dans la campagne lauragaise, pourquoi donc ne pas la lui fabriquer ? Hubert re-prend le chemin de l’atelier et se lance dans un projet d’ouvrage en ciment. Au plan technique, les dé-buts sont difficiles, il tâtonne sans jamais trouver la méthode qui pourrait donner à l’objet sa stabilité. Il faudra qu’il quitte son pays pour trouver un début de solution. Lors d’un voyage à Paris, son groupe fait halte au bois de Vincennes. Au gré d’une promenade, Hubert trouve un rocher abîmé qui va lui livrer tous les secrets de la fabrication des ouvrages en ciment. Il utilisera désormais un grillage qui donnera la forme à son modèle. Dans sa lancée, il s’engage dans la fabrication d’un second rocher, encore plus grand, puis, soucieux de ne pas transformer son parc en carrière, il décide d’aller trouver son inspiration ailleurs. Serait-ce le souvenir du Zoo de Vincennes ? Hubert parcourt “La vie privée des animaux”, un livre oublié par ses enfants ou petits-enfants et qui va bientôt trouver une seconde jeunesse entre les mains du retraité. Impressionné par les fauves et leur imposante stature, il peuple son parc, mois après mois, année après année, d’animaux plus vrais que natures.
Une famille de pingouins a fait halte à Saint-Martin-Lalande. Les petits comptent parmi les créations les plus petites d'Hubert, soit moins d'un mètre. A côté, l'éléphant mesure plus de 4 mètres, il couve du regard son éléphanteau. |
Les étapes de fabrication
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Etape n°5 : Peindre l’ouvrage |
L’artisanat en questions Pour vous l’artisanat est-il un métier noble ? |
Au dessus de la piscine, deux magnifiques dauphins sont prêts à se lancer dans l'eau.
Dès qu'on les approche, un jet d'eau rieur sort de leur gueule.
Bassens : une prouesse technique pour faire revivre un lieu saint Le sanctuaire champêtre de Notre-Dame de Bassens est situé à 2 kilomètres au nord de St Martin Lalande et à 5 kilomètres de Castelnaudary. Il date du 12ème siècle et était un important lieu de pèlerinage dans le Lauragais. En 2001, l’abbé Olivier Escaffit de Saint-Martin Lalande rend visite à Hubert Bastouil et s’enquiert de la provenance de l’imposant rocher qui orne son parc. Hubert lui indique qu’il s’agit d’une « fabrication maison » et constate que cela rend l’abbé songeur. Il indique à Hubert que ce serait formidable de pouvoir créer une réplique de la Grotte de Lourdes à l’endroit du sanctuaire. Avec quelques amis, Hubert se met à l’ouvrage et utilise sa technique habituelle à base de grillage et de ciment. En 3 ans, grâce à l’implication d’une équipe de 10 bénévoles et à la générosité des donateurs, la grotte est reconstituée à l’identique. Chaque année, le Lundi de Pentecôte, près de 500 pèlerins se rendent à nouveau sur le lieu saint. |
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Après 3 ans de travaux, le sanctuaire de Bassens reprend vie, il compte parmi les répliques de la grotte de Notre-Dame de Lourdes. |
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Chiffres-clés Pour réaliser ses animaux extraordinaires, |
Visiter le parc d’Hubert Bastouil
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Le bassin est pris d'assaut par un crocodile qui cohabite joyeusement avec quelques flamands roses. |
?Zoom sur le Facteur Cheval Ferdinand Cheval est né en 1836 à Charmes-sur-l’Herbasse dans la Drôme. C’est un facteur rural, également bâtisseur autodidacte et sculpteur. Entre 1879 et 1912, il a édifié le Palais Idéal où « tous les styles de tous les pays et de toutes les époques sont confondus et mêlés ». Pour présenter son œuvre, il disait : « "Fils de paysan je veux vivre et mourir pour prouver que dans ma catégorie il y a aussi des hommes de génie et d'énergie. Vingt-neuf ans je suis resté facteur rural. Le travail fait ma gloire et l'honneur mon seul bonheur; à présent voici mon étrange histoire. |
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Cet albatros qui traverse le jardin mesure 3,5 mètres d'envergure. Sa finition démontre toute la précision dont notre artiste fait preuve. |
A l’image du Facteur Cheval, Hubert Bastouil nous invite à partager son univers à travers un espace de création incongru et unique. Peut-être sera-t-il, tout comme le créateur du Palais Idéal, un jour reconnu en tant qu’artiste ? En attendant, il est bon de trouver au détour d’une petite route de la campagne Lauragaise des endroits hors du temps qui, modestement et sans le vouloir, donnent un peu de poésie à notre époque.
Interview réalisé par Isabelle BARÈGES
Crédit photos : I. Barèges