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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

Un Lauragais souvent méconnu

Les limites du Lauraguès (forme occitane), ou encore le Pays des Mille Collines sont, par endroits, difficiles à tracer.
C’est le pays de Laurac, un petit village éponyme à 12 km au Sud Est de Castelnaudary. Les villes ou bourgades qui marquent ces limites : Venerque, Auterive, Calmont, Belpech, Fanjeaux, Bram, Les Cammazes, Durfort, Puylaurens, Cuq Toulza, Verfeil, Castanet (voir plan en fin d’article).
Le Lauragais est une très ancienne entité humaine : Laurac apparaît dans l’histoire vers 923 après Jésus Christ.
Laurac a donné son nom au Lauragais dont  il fut la capitale. Le village (tout petit) magnifique est circulaire (circulade) et se développe autour de l’église actuelle, occupant, elle, l’emplacement de l’ancien château médiéval aujourd’hui disparu.

Laurac a donné son nom au Lauragais dont il fut la capitale. Le village (tout petit) magnifique est circulaire (circulade) et se développe autour de l’église actuelle, occupant, elle, l’emplacement de l’ancien château médiéval aujourd’hui disparu. Crédit photo : Jean Odol

Un océan de collines
Le cadre naturel est constitué par de nombreuses collines au sommet aplati et qui s’inclinent doucement de l’Est en direction de Toulouse: 500 mètres au Puy du Faucher (au Sud de Laurac), 250 m vers Caraman-Lanta. La roche s’appelle la molasse, roche tendre qui donne en surface, par décomposition, des sols très fertiles, les boulbènes et les terreforts. A l’Est les collines sont dominées par un vieux massif montagneux : la Montagne Noire ; autour de la Montagne Noire, une dépression périphérique court de Revel jusqu’à Bram en passant par Castelnaudary. De Castanet à Naurouze les collines sont brisées par un couloir dans lequel s’insinue une rivière (l’Hers mort) et les grandes voies de communications : l’antique voie romaine, le canal du Midi, la voie ferrée Toulouse Narbonne, l’autoroute A 61.
Sur les collines souffle l’impétueux vent d’autan, ou plutôt les vents d’autan, car il existe plusieurs types de ce vent, comme celui venant du Sud, très chaud ou le courant de Sud Est, très violent, ou l’autan de Sibérie, froid et sec en hiver.

Pays de l’antique et prestigieuse voie romaine : Toulouse - Narbonne
Il s’agit de l’axe majeur du Lauragais, de Castanet à Bram, et cela depuis 6000 ans c’est à dire depuis la Préhistoire. Durant cette lointaine période la route de l’étain, venant d’Angleterre, débarque à Bordeaux, remonte la Garonne jusqu’à Toulouse, puis Naurouze et Narbonne et la mer jusqu’en Grèce. Au 1er siècle avant Jésus Christ, c’est la route des vins italiens de Campanie et du Latium qui depuis Narbonne voyagent dans de très belles am-phores campaniennes. A Baziège au printemps 2001 on a découvert un véritable cimetière de ces culs d’amphores, témoignage du puissant marché aux vins d’Italie situé au carrefour de Baziège. La route du sel au Moyen Age : venant des salines de Narbonne, le précieux produit est transporté par des ânes jusqu’au salin de Toulouse mais un autre salin très puissant se développe à Baziège dès l’an 1005 jusqu’au 15ème siècle. Les comtes de Toulouse s’intéressent au salinum baziégeois pour percevoir des taxes. La route du pastel lauragais permet l’acheminement de “l’or bleu” vers Toulouse. Durant les temps modernes, le canal du Midi s’installe de Bram à Castanet avec une série de ports au blé qui déclenchent en Lauragais le premier âge d’or du froment de 1681 à 1860.

Entre Baziège et Montgiscard, les «pountils» (petits ponts) au-dessus desquels passaient la voie romaine. Les romains avaient surélevé la chaussée de 1 à 2 mètres, puis l’avaient percée de ponceaux pour faciliter l’écoulement des eaux. La construction actuelle en briques foraines est attribuée à Colbert.
Entre Baziège et Montgiscard, les «pountils» (petits ponts) au-dessus desquels passaient la voie romaine.
Les romains avaient surélevé la chaussée de 1 à 2 mètres, puis l’avaient percée de ponceaux pour faciliter l’écoulement des eaux.
La construction actuelle en briques foraines est attribuée à Colbert. Crédit photo : Jean Odol

Le Lauragais, c’est le pays du Pastel
L’or bleu est aussi appelé “herbe du Lauragais”, c‘est dire combien la plante est liée au Pays des Mille Collines. Depuis Charlemagne, au moins, jusque vers 1560-1630 le pastel lauragais alimente un commerce international (depuis Toulouse). Les marchands pasteliers, avec leur agranat, ont teint en bleu tous les tissus de laine de l’Europe, depuis le Pays basque et la Catalogne, l’Italie à Florence, l’Allemagne du Rhin, l’Angleterre. L’âge d’or du pastel : 15ème et surtout 16ème. Les fortunes pastelières ont permis la construction de magnifiques hôtels toulousains (Bernuy, d’Assezat) mais aussi les châteaux du pastel en Lauragais, les églises, les pigeonniers, les cloches du pastel ; à Belberaud on vient de restaurer des fresques (1505) du pastel. Le pastel est partout en Lauragais, à travers de multiples monuments.

C’est le pays du blé
Depuis 8000 ans on produit du blé en Lauragais et en 1995 on a atteint des records dans les rendements : 85 quintaux / ha, et cela comme si la fertilité des collines était inépuisable. Le premier âge d’or du blé débute en 1681 avec l’ouverture du canal du Midi. Ce moyen de transport permet d’exporter le grain jusqu’à Narbonne et Sète et au delà vers les ports méditerranéens, cet âge finit avec l’arrivée des blés russes à Sète puis le chemin de fer (1857) transporte à Toulouse le blé de la Beauce moins cher que le blé du Lauragais.
Un deuxième âge d’or débute en 1950 et se poursuit en 2001 ; à cette date les rendements moyens tournent autour de 60 quintaux / hectare en blé tendre et 45 en blé dur.

Dans les vieilles métairies, les grands hangars toujours présents, étaient nécessaires pour abriter les gerbes avant la dépiquaison. Un petit bâtiment, ou une pièce soigneusement aménagée (la garde pièle) gardait jalousement les précieux grains. Aujourd'hui, le blé apparaît dans le paysage par l'immensité de parcelles mais surtout par les "nouvelles cathédrales du froment", ces énormes blocs de ciment où le grain attend son départ vers la Chine.
Dans les vieilles métairies, les grands hangars toujours présents, étaient nécessaires pour abriter les gerbes avant la dépiquaison. Un petit bâtiment, ou une pièce soigneusement aménagée (la garde pièle) gardait jalousement les précieux grains. Aujourd'hui, le blé apparaît dans le paysage par l'immensité de parcelles mais surtout par les "nouvelles cathédrales du froment", ces énormes blocs de ciment où le grain attend son départ vers la Chine. Crédit photo : Couleur Média

Le pays des châteaux
Dans chaque commune nous observons 3 ou 4 châteaux, parfois plus. Un classement rapide permet de distinguer 4 types principaux. En premier, les châteaux-forteresses du Moyen Age, ils sont peu nombreux ; en bois et terre ils ont été victimes de l’injure des siècles ; appartiennent à ce type : le donjon d’Auriac sur Vendinelle, celui de Salles sur l’Hers, des parties de Montgey, la Pomarède et surtout Roquefort (près des Cammazes). Un deuxième type : les châteaux du pastel (15-16ème siècle) ; ils sont environ 70 ainsi que ceux d’Auzielle, Espanès, Lastours à Baziège, Marquein, Ferrals, Fajac la Relenque, Baraigne, Payra sur l’Hers. Le troisième type est composé des châteaux du froment : Ayguesvives, Montgiscard (Roqueville), Labastide, Préserville, Lanta, Fourquevaux. Enfin un type composite correspond aux châteaux construits et aménagés sur de longues périodes ; commencés au 16ème siècle, ils ajoutent des constructions, des remaniements jusqu’au 19ème.

Le cœur de l’occitanie cathare
Tous les villages du Lauragais, sauf les bastides comme Revel ou Villefran-che ont un passé cathare. Le grand spécialiste du catharisme lauragais, l’historien Michel Roquebert, estime que 50% de la population est cathare ou sympathisant. Le grand Saint Bernard est incapable de prêcher à Verfeil en 1147 devant des auditeurs hostiles et se réfugie dans le bourg voisin : Bourg Saint Bernard. En 1167 à Saint Félix, des centaines de Parfaits (prêtres cathares) créent les quatre évêchés cathares d’Agen, Toulouse, Albi et Carcassonne. La Croisade contre les cathares ravage le pays avec de célèbres bûchers collectifs : Lavaur (1211), les Cassés (1211) Labécède (1226), des massacres (Bram). En 1229 le roi de France démembre le comté de Toulouse ; en 1244 les Inquisiteurs sont massacrés à Avignonet. Les derniers cathares se cachent dans les bois de Verdun vers 1305-1320.

Le pays des abbayes
De nombreuses abbayes sont construites en Lauragais ; beaucoup ont disparu comme St Pierre de Venerque : l’église en partie romane est un témoin intéressant. Sainte Marie de Sorèze est devenue une école militaire royale au 18ème siècle. Saint Papoul est fondée au 8ème siècle près d’une source où le martyr fut exécuté. Les restes sont très bien conservés avec un magnifique cloître et ses colonnades faites de briques octogonales empilées, l’église est composite avec de très beaux restes romans et les chapiteaux du Maître de Cabestany. Le Maître est un sculpteur roman parmi les plus célèbres du 12ème siècle, il a travaillé en Italie, en Espagne, en Navarre, au Boulou, à Cabestany, à Saint Hilaire (sarcophage de St Sernin). A Saint Papoul, deux chapiteaux sont célèbres : Daniel dans la fosse aux lions et le Châtiment des Babyloniens.

Les châpiteaux du Maître de Cabestany sont très originaux avec des personnages trapus, des yeux ovales, globuleux, ponctués de deux coups de trépan aux coins des paupières qui animent les regards. Ici, le prophète Daniel dans la fosse aux lions
Les châpiteaux du Maître de Cabestany sont très originaux avec des personnages trapus,
des yeux ovales, globuleux, ponctués de deux coups de trépan aux coins des paupières qui animent les regards.
Ici, le prophète Daniel dans la fosse aux lions - Crédit photo : Mairie de Saint Papoul

En 2010, le Lauragais est un champignon démographique
Ce Lauragais vieux de 10 siècles est en pleine transformation démographique : la population explose avec des villages minuscules qui deviennent des bourgs de plusieurs milliers d’habitants. Cette transformation est surtout visible vers l’Ouest et fait sentir ses effets jusqu’à Belpech et Bram, exemple Escalquens avant 500 habitants vers 1980, aujourd’hui 6000 ; Baziège : 1200 habitants vers 1990, aujourd’hui 3500 ; les communes du canton de Lanta ont augmenté de 140% entre les deux derniers recensements. Un Lauragais nouveau, jeune et dynamique, naît sous nos yeux.

Le Lauragais cache bien des richesses architecturales comme les églises du pastel, les pigeonniers du pastel, les cloches du pastel ou les fresques de Belberaud (1505). Une atmosphère hérétique plane dans la forêt de Gaja la Selve et par une nuit sans lune, par vent d’autan diabolique, dans les petites venelles de Saint Félix, vous risquez de rencontrer le fantôme de Nicetas, un évêque hérétique venu de Constantinople en 1167 pour fonder quatre évéchés cathares.

Jean ODOL

Carte du Lauragais

Couleur Lauragais n°123 - Juin 2010