La vie à la campagne Depuis toujours, Camille Puibusque, enfant de la campagne, se passionne pour tout ce qui a trait au domaine agricole. Couleur Lauragais lui donne la parole pour lui permettre d’évoquer quelques-uns de ses souvenirs. Nul doute que beaucoup de nos lecteurs se retrouveront dans les propos de cet ancien paysan du Lauragais ou se souviendront d’histoires semblables que racontaient leurs parents.
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Au fil des années, Camille Puibusque a réuni dans son jardin de nombreux instruments agricole : ici une herse canadienne (à gauche), une charrue brabant, des aires (à droite) |
Nous vivions dans des maisons sans confort ; l'hiver il y avait un grand feu de cheminée. Dans les chambres, il manquait souvent un carreau que l’on avait remplacé par le calendrier des Postes. Je me souviens avoir vu en plein hiver un seau d'eau geler dans la chambre. Le lit se résumait en un cadre en bois, à l'intérieur un grand sac en toile rempli de paille (c'était la paliasso), un autre sac rempli de plumes (c'était la cousséno), les draps, et l'édredon rempli de duvet. L'hiver on plaçait un "moine" dans le lit pour le préchauffer avant de se coucher. Souvent, dans la nuit, nous étions réveillés par un bruit, c'était un rat qui trimballait une gousse de maïs sur le galetas et qui parfois la laissait tomber. Le soir, à la veillée, les voisins venaient pour jouer aux cartes ou inversement, et l’on mettait sous la table un récipient plein de braises pour se réchauffer. Autrefois, il fallait aller chercher l'eau à l'extérieur de la maison |
Des saisons très marquées - Au printemps, on travaillait dans les champs avec les bœufs pour labourer et préparer les semis.
En été, venait l'époque des moissons avec la lieuse. On ramassait les gerbes et l'on faisait le gerbier autour de la ferme. Puis venait le battage avec du matériel spécialisé qui passait de ferme en ferme (tracteur, batteur et presse). C'était un travail pénible à cause de la poussière et de la chaleur, que nous effectuions toujours entre voisins parce qu'il fallait être nombreux.
A l’automne, venait la période des vendanges qui réunissaient à nouveau les voisins. Dans la journée, c'était la cueillette du raisin, et le soir on écrasait celui-ci dans les comportes avec les pieds, pour faire le mou (jus de raisin).
Tout ceci finissait par un bon repas, et une partie de cartes. La saison finissait par "l'escoulefado" qui consistait à trier la gousse du maïs de son enveloppe ; elle avait lieu souvent le soir après le souper. À la fin, on mangeait les châtaignes et on dégustait le vin nouveau.
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Coupe betteraves à manivelle pour les animaux |
Les catégories de paysans - Dans ma jeunesse, on dénombrait quatre catégories distinctes de paysans :
- Les propriétaires de la maison et des terres,
- Les fermiers : logés par le patron, ils travaillaient à leur guise et payaient le fermage au patron en espèces,
- Les paysans à mi-fruit, dont ma famille faisait partie.
Nous étions logés par le patron, mais il fallait tout partager : récoltes, bétail, produits de la basse-cour (poulets, oies) et cochons,
- Le maître-valet qui était logé par le patron et rémunéré en espèces à 8 pour 1 (8 parts pour le propriétaire et 1 part pour le maître valet) ; il ne payait pas d'impôts.
On entrait à l'école à l'âge de 6 ans. Comme beaucoup des jeunes de ma génération, j'ai appris le français à l'école, car à la maison nous parlions tout le temps en patois (ce qui existe encore entre nous, les anciens). Nous parcourions 6 km à pied par jour pour nous rendre à l'école, 2 fois par jour, chaussés de sabots de bois remplis de paille.
Autres outils utilisés pour les travaux de la terre comme à gauche,
une sorte de "ventilateur"
qui servait à trier les fèves, les haricots de leurs cosses et à droite, un fouloir à raisins
Des personnages incontournables - Le facteur faisait ses tournées à vélo. Il partait de la poste de Blan et devait parcourir entre 25 et 30 km par jour. Il était souvent invité à manger dans les fermes à l'occasion d'un repas de groupe, surtout à l'époque où on tuait le cochon. Il s'asseyait à table en gardant toujours son sac sur les genoux, car, selon le règlement, il ne devait pas le quitter.
Le chiffonnier (le peillarot), passait de ferme en ferme à vélo, 1 sac devant, 1 sac derrière et des peaux de lapins empaillées pendues au guidon.
Le chemineau (le paouré), terme désignant un "pauvre" parcourant les chemins, passait dire bonjour à l'heure du repas ; on lui donnait une assiette de soupe et un croûton. Il demandait s'il pouvait coucher dans la grange au chaud, et le matin il repartait comme il était arrivé, sans rien dire.
Le boulanger passait avec sa carriole tirée par le cheval pour distribuer le pain, que l'on payait à la fin de l'année : tant de kilos de pain pour tant de kilos de blé.
J’ai entendu dire une chose que je ne savais pas : il y avait un fabricant de chaises et ses deux fils qui faisaient des chaises à domicile tout en étant nourris sur place.
Pompe à eau Gillet, ici elle a été montée de manière à fournir l'eau à un abreuvoir en pierre.
Cette pompe à manivelle était
très utile au paysan.
Le rituel des enterrements - Je peux parler aussi des choses plus tristes, par exemple, l'enterrement (l'enterromen). On ne parlait pas de sépulture à cette époque là. En général, quand il y avait un décès dans une famille, c'étaient deux voisins qui prenaient les choses en main. A vélo, ils allaient prévenir les proches et s'occuper des formalités : la déclaration à la mairie et à l'église, commander la "caisse" chez le menuisier du coin, acheter les gerbes de fleurs, habiller le défunt, le mettre en "caisse". Je crois même qu'ils étaient chargés de creuser la tombe.
Et on partait à travers la campagne avec le corbillard tiré par un cheval, pour se rendre à l'église et au cimetière. Après la cérémonie, un repas était organisé, bien sûr pour les proches : oeufs durs en salade et sardines à l'huile, fromage et café ; c'était le rituel. Les proches parents devaient porter un brassard noir ou un ruban noir à la boutonnière ?pendant un an, en signe de deuil.
Outillage agricole dont une bascule servant à la pesée |
Le cadran solaire est considéré comme un des tout premiers objets utilisés par l'homme pour mesurer l'écoulement du temps du fait de sa simplicité. Camille Puibusque est très fier de celui qu'il a fait construire dans son jardin. |
Egrenoir à maïs (à gauche) et meule à pédales (à droite). Celle-ci servait, par exemple au rémouleur, pour aiguiser les couteaux et d'autres lames |
Des souvenirs, Camille Pui-busque en a plein. Depuis qu’il est à la retraite il s’est attaché à faire de son jardin un petit musée dédié au mon-de agricole. On y trouve tou-tes sortes d’outillages qu’il a disposés au gré de ses envies. Toujours à la recherche de ces machines et instruments qui ont tant servi en d'autres temps, il se consacre en ce moment à la fabrication d'une forge.
Camille Puibusque
de Revel
Crédit photos : Camille Puibusque
Tout le matériel agricole
de ces photos est installé dans le jardin de l'auteur