Le Charron, un ouvrier indispensable dans nos campagnes
A partir du moment où l'homme a utilisé la roue pour construire des véhicules, il y a eu des charrons. Ce métier existe probablement depuis plus de 4000 ans. Le statut de charron est officiellement reconnu en 1658 par Louis XIV. L'âge d'or de ce métier s'est étalé sur plusieurs siècles. Il fallait un savoir-faire très grand, acquis pendant plusieurs années de compagnonnage, puis ensuite encore plusieurs années de pratique. Le charron a suivi l'essor du monde rural, jusqu'au milieu du XXème siècle.
A partir des années cinquante, le "tracteur" a eu pour conséquence de rendre ce métier obsolète.
Jusqu'au milieu du XXème siècle, chaque village abritait un ou plusieurs charrons, spécialistes du bois.
Sainte Catherine est la patronne des charrons. crédit photo : fotolia© Jean-michel Pouget
Les fonctions du charron
Cet artisan de village travaillait le bois. Il en faisait des roues et des moyeux pour toutes sortes de véhicules servant à transporter des fardeaux, de la brouette à la charrette. Il appartenait au corps des charpentiers (fustiers). On l'appela "embateur de roues", rodier, royer, en Lauragais "charron". Selon le véhicule fabriqué, brouette, char à bœufs du cultivateur, tombereau ou triqueballe, il utilisait du bon bois d'orme, de chêne, du frêne, du hêtre ou de l'acacia. Le travail du charron commençait pendant l'hiver. A l'aide de différentes scies, il débitait les arbres en planches, longerons et traverses de différentes tailles. Les longerons, taillés dans un seul arbre et longs de sept à huit mètres, constituaient la base de toute charrette ; ce sont eux qui portaient la charge allant jusqu'à plusieurs tonnes.
Tout au long de la journée devant un établi dans son vaste atelier de terre battue, l'homme du bois, protégé par son tablier bleu, sciait, mesurait et façonnait à la gouge les pièces nécessaires à la roue : rayons, moyeux et jante. Les outils utilisés sont connus de tous les menuisiers : compas, vilebrequin, gouge et ciseaux à bois. Le travail le plus délicat était la fabrication des roues.
Composition d'une roue
La pièce évidée destinée à tourner autour de l'axe comprenait trois parties fabriquées en bois :
- Le moyeu en ormeau ou en frêne, partie tournant autour de l'axe, qui maintenait les rayons dans des encoches pratiquées dans sa partie médiane. Le charron le façonnait au tour et pour le consolider il l'entourait de cercles de fer.
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- Les rayons ou rais étaient en acacia. Ils reliaient le moyeu à la jante ou cercle extérieur par un système alterné de tenons et de mortaises.
- La jante ou cercle extérieur de 6 cm d'épaisseur enserrait les rayons. Elle comprenait 5, 6 ou 7 éléments selon la grandeur de la roue.
Ces éléments étaient copiés sur des gabarits de bois types que le charron gardait suspendus au dessus de son établi.
Particularité de l'assemblage de la jante
Les éléments formant la jante étaient chevillés. Ils s'emboîtaient les uns dans les autres selon le principe de chevillage du bois. On comptait deux rayons par élément. Une roue de brouette avait 4 rayons. Une roue de charrette était constituée par 10, 12 ou 14 rais (5, 6 et 7 éléments de jante).
Le cintre extérieur dont le périmètre était légèrement supérieur de quelques millimètres à celui de la jante (afin de l'emboîter) était un cercle de fer forgé. Son rôle consistait à protéger la jante de bois de l'usure et à consolider l'assemblage.
Le charron et son apprenti faisaient entrer le cercle de fer rougi à blanc sur son support de bois afin de l'ajuster. Ensuite, ils arrosaient le métal à l'aide de seaux d'eau froide. Cette opération dégageait de la vapeur et une odeur de bois brûlé. Une fois les deux roues fabriquées, elles étaient fixées sur l'axe porteur du plateau.
Le support terminé, le charron commençait le plateau en bois dur (acacia, frêne ou chêne) qui allait supporter la charge.
L'utilisation de chariots et de charrettes tirés par des animaux dans le but d'éviter à des personnes de porter ou
de traîner individuellement de lourdes charges, a constitué une nouvelle étape du développement agricole,
immédiatement après l'introduction de la charrue. crédit photo : fotolia© dominique Szatrowski
Selon la demande, le timon d'attelage (longue pièce de bois qui servait à atteler les bêtes de trait) était simple (pour une paire de bœufs) ou double (pour le cheval de trait du voiturier ou du roulier). En dernier lieu, le charron fabriquait les ridelles ou balustrades légères (à claire-voie) ou pleines qui se fixaient sur le plateau et étaient amovibles.
Enfin, le charron procédait à la peinture. En Lauragais, les charrettes étaient peintes en bleu en souvenir de l'époque faste du pastel et son "siècle d'or" (XVIème siècle).
Le char à pont possède une large surface plane de chargement de la largeur de l'écartement des roues, ainsi que
des échelles rabattables, faciles à monter à l'avant et à l'arrière. crédit photo : Collec. Fête Historique de la Cocagne
De l’importance du charron - Les charrettes étaient utilisées dans les métairies pour tous les charrois (grains, paille et fourrages, comportes de vendange, tonneaux, animaux à vendre, déménagement des familles à la Toussaint et transport d'outils aratoires).
Le charron des villages du Lauragais a contribué au développement économique du terroir en donnant la possibilité aux paysans de se rendre au marché en voiture et de véhiculer bétail, grains et denrées.
Les rouliers assuraient les transports des marchandises (fardiers). C'est aussi grâce à la roue que les gens des villes purent utiliser des diligences pour effectuer de longs parcours.
Odette BEDOS |