Les villages du Lauragais
Un village "perché" avec son "castelum" |
Au Sud-Est de Toulouse, capitale comtale, s'étendait un riche terroir voué à l'agriculture et à l'élevage appelé Laouragués. Laouragués devenu Lauragais vient du verbe occitan "Laoura" signifiant : labourer le sol pour le faire valoir et récolter les céréales indispensables à la nourriture des familles et des animaux d'élevage, source de profits. Cette région de terre argilo-calcaire ou "terrefort" comprenait la vallée de l'Hers et ses confins, "terradou" très fertile. Le couloir boisé de ce cours d'eau (forêt de Saint Rome) a été une zone de passage (invasions, commerce). L'anciennne voie romaine d'Aquitaine désenclavait Toulouse, capitale comtale. |
Depuis le Moyen Age, l'habitat en milieu rural se composait d'agglomérations ou villages et d'exploitations agricoles (bordes ou métairies). En des temps troublés, on vivait en communauté villageoise dans des agglomérations fortifiées. |
Le "parel" paire de labour |
Population du "Terradou" De part et d'autre de la vallée de l'Hers, sur les côteaux et les collines, les anciens "castra" (lieux forts) devinrent ces villages perchés caractéristiques de cette région. |
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La métayère |
Répartition de la population rurale : En Lauragais, selon les us et coutumes locaux, les Féodaux (chevaliers et ecclésiastiques) se partageaient les terres arables cultivées par les "serfs" ou ruraux attachés à la glèbe (fonds de terre). En contrepartie de leur rude labeur, les "Pagés" avaient droit à la protection physique dans les centres de vie communautaire : les villages appelés "Locs". Les localités laïques étaient protégées par le Seigneur local (castellum). C'étaient des "Castra" ou villages perchés et fortifiés : Gardouch, Montesquieu, Montgiscard..., veillant sur la vallée de l'Hers. Les bourgades fondées par les moines convers des abbayes toulousaines étaient appelées "Salvetat ou Sauvetés". Dans leur foyer chrétien ou "Pitchou mïou que tan vales" (home sweet home), les créatures de Dieu vivaient sous la protection du lieu de culte : l'église (la plupart des villages du Lauragais portant le nom du saint furent des sauvetés : St Vincent, St Assiscle, St Brice, St Orens, St Rome). |
Le "pagès" paysan, villageois ou maître valet |
La protection laïque dans les "castra"
Les centres communautaires laïques dépendaient de l’autorité d’un seigneur local, le Chevalier. Ils regroupaient artisans (forgeron, charpentier, menuisier, charron, meunier) et agriculteurs répartis en campagne. Les ruraux versaient une rente (la rendo) au seigneur pour la locations des terres arables. Celui-ci leur assurait la protection à l’abri des remparts et dans son "fief" (son domaine).
La Communauté dépendant d’une seigneurie vivait sur les hauteurs (collines et côteaux), dans des sites défensifs "perchés", anciens "castra" des Romains qui assuraient le guet (ou gaïte) en prévision d’éventuelles attaques (guerres, invasions). Citons Avignonet, cité comtale, Gardouch et ses trois forts, Lagarde du Lauragais. Montesquieu et Mongaillard veillaient sur la vallée boisée de l’Hers longée par la voie commerciale Toulouse-Languedoc-Italie. Les ports de Gênes, Naples et Venise distribuaient les produits du levant : soieries d’Orient, épices, cuirs et techniques. Ils transitaient jusqu’à Toulouse, capitale comtale, par l’ancienne voie romaine d’Aquitaine. Sur cet itinéraire de communication et de commerce, Baziège, ancien marché au sel de la Narbonnaise, jouait le rôle de forteresse de plaine de la vallée boisée de l’Hers. En dépit de leur appellation, par leur position stratégique, Saint Félix et Saint Julia avaient une origine laïque.
La protection assurée par l’Eglise dans les "salvetats" Les institutions religieuses du Diocèse, (Abbayes et Prieurés), garantissaient la "sauvegarde" à toute Créature de Dieu ; L’Eglise regroupa sous son manteau les fidèles voulant fonder une famille chrétienne dans ses "salvetats" ou sauvetés disséminées dans la campagne. Le chapître Saint Etienne de Toulouse, l’Abbaye Saint Sernin et le Prieuré de la Daurade possédaient une bonne partie du Lauragais. Les terres provenaient d’actes de donation. |
Une salvetat et son clocher-mur |
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Comment était fondée une "salvetat" ? Une délégation monastique (convers et prieur) allait s’installer dans un terrain donné à l’Eglise, près d’un bois et d’un ruisseau. En peu de temps, avec l’aide des ruraux des alentours, les moines construisaient leur couvent (du latin conventium = assemblée) champêtre constitué d’un abri en torchis et d’une chapelle. La nature offrait ses bienfaits : le bois, l’argile, les moëllons des côteaux, les galets des ruisseaux et l’eau vive bienfaisante. Après la consécration du lieu de culte par le Prieur qui le dédiait à un Saint, les vilains ou serfs venaient édifier leur masure sous la protection de l’Eglise. Une ferme modèle ou Grange servait d’atelier communautaire. Les convers transmettaient leur technique (artisanat et agriculture) à ces ouailles à protéger. La métairie "les grangettes", près de Monié a gardé cette appelation. |
Certaines salvetats se spécialisèrent
"Vetus vinea" (Vieillevigne) se consacra au vin de messe. Folcarde a gardé le nom de son fondateur. Cette seigneurerie ecclésiastique fut le fief de l’évêque de Toulouse Foulques (1209-1231), "grand pourfendeur d’Hérétiques" pendant la Croisade contre les Albigeois. Les nouvelles terres mises en culture par les convers après les Grands Défrichements, s’appelèrent "Nouailhes" (du latin novalia = nouvelle) ; d’où les noms des villages Noueilles et Nailloux dans la forêt d’Arcis.
Autre genre d'agglomération rurale spécifique au pays
En Lauragais, quelques "feux" ou foyers d'une même famille regroupés plutôt sur les hauteurs (cornières de l'Hers ou du Gardijol) formaient un Camp mas (déformé en "Cammas"). Des "ménages ruraux vivaient à même pot et feu" sous l'autorité d'un "pater familias" responsable de la bonne gestion de cette communauté. Les habitants de ces hameaux particuliers à notre "Terradou" étaient des "cammassiès" (le chef de famille donnait son nom à ce genre particulier de lieu de vie).
La "bastide" de Villefranche de Lauragais |
Les bastides : localités particulières Dans un territoire "purgé de l’Hérésie", après la Croisade contre les Albigeois (1209-1229), le Roi de France fit fonder de nouvelles bourgades de contrôle et de guet orientées vers la vie économique : les bastides. Implantées dans des zones d’agriculture et d’élevage, ces villes fortifiées tenaient foires et marchés. Signalons Villefranche, Villenouvelle et Revel, en forêt de Vauré, dans un plaine fertile. Des libertés individuelles ou "Franchises" étaient accordées aux nouveaux habitants : ruraux "affranchis". |
Les Commanderies Les fondations mixtes |
Chevalier hospitalier |
La communauté villageoise ainsi constituée était mixte. Ce fut le cas de Saint Lauthier-Montlaur, localité dédiée à Saint Eleuthère, créée par le Prieur Pierre de Dause (1er parier) et le comte de Toulouse, Raimond VI (second parier). Ce dernier cèda son fief laïque du Mont des Lauriers à sa fille Guillemette épouse d’Uc d’Alfaro, Sénéchal d’Agenois. Leur fils était Raimond d’Alfaro, bailli d’Avignonet, en 1242 (Massacre des Inquisiteurs).
Le parler local
Les gens du Lauragais communiquaient entre eux en patois (lé patouès). Cet idiome était le dialecte toulousain ou "lengo moundino" utilisé par Goudouli (1580-1649), poète occitan dont la statue s'élève place Wilson à Toulouse. Le "moundino" (abréviation de "raimoundino") était la langue des 7 Raimond, comtes de Toulouse, dont les riches domaines furent confisqués par l'Eglise et le Roi après la Croisade contre les Albigeois (1209-1229).
Ainsi vécurent nos ancêtres répartis entre Laïques et Clercs.
Odette Bedos
Que certains aillent chercher merveille ailleurs se détachant ainsi de leur "terradou". Mon cœur est fixé au Lauragais avec des chevilles. Prosper Estieu, poète toulousain (1850-1939) |