Construire le logement qui abritera toute la famille est un souhait partagé par la grande majorité d’entre nous. Que votre choix se porte sur un constructeur de maison individuelle, un maître d’œuvre, ou que vous décidiez d’assurer vous-même la direction du chantier, il vous appartient d’être vigilant à toutes les étapes de votre projet. Avant même de signer le contrat, il est impératif de vérifier les assurances souscrites par celui ou ceux auxquels vous allez confier, en tout ou en partie, la réalisation des travaux. |
Du projet à la réalisation complète de votre maison, il est important de suivre pas à pas les travaux - Crédit photo : Olive© Fotolia
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La vérification préalable des assurances constitue une garantie : en cas de désordres, le sinistre sera pris en charge dès lors que les conditions de mise en jeu de la garantie sont réunies. Tout au long de la construction, et pendant dix ans à compter de la réception, vous bénéficiez également de plusieurs garanties destinées à pallier les diverses déconvenues qui pourraient survenir pendant les travaux et après leur achèvement. |
?I - Les assurance obligatoires à vérifier impérativement avant le démarrage des travaux
La loi Spinetta du 4 janvier 1978 a imposé une obligation d’assurance pour le maître d’ouvrage et pour le constructeur.
1. L’assurance dommage-ouvrage
Le maître d’ouvrage, c’est la personne physique ou morale agissant en qualité de propriétaire, vendeur ou mandataire du propriétaire de l’immeuble qui fait réaliser les travaux.
Il s’agit notamment :
- du promoteur immobilier ou du vendeur, professionnel ou occasionnel, qui doit garantir les acquéreurs successifs de l’immeuble ;
- du maître d’ouvrage, qu’il traite directement avec un architecte ou un entrepreneur ou qu’il construise sa maison lui-même ;
- du constructeur de maison individuelle.
L’article L 242-1 du code des assurances impose au maître de l’ouvrage de souscrire avant l’ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance Dom-mage-Ouvrage. Cette assurance garantit, sans re-cherche de responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des désordres de nature décennale. Elle prend effet 1 an après la réception du chantier.
Toutefois, l’article L 242-1 du code des assurances prévoit qu’elle garantit également le paiement des réparations nécessaires lorsque :
- Avant réception, et après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d’ouvrage conclu avec l’entrepreneur est résilié pour inexécution par celui-ci de ses obligations ;
- Après réception, et après mise en demeure demeurée infructueuse, l’entrepreneur n’a pas exécuté ses obligations.
S’agissant d’une assurance obligatoire, le défaut de souscription est assorti de sanctions pénales sauf si vous faites édifier l’immeuble pour y habiter vous-même ou pour y loger votre proche famille (votre conjoint, vos ascendants et descendants ou ceux de votre conjoint).
Sur un plan civil, l’absence de souscription d’une assurance dommage-ouvrage po-se problème si vous décidez de vendre votre maison moins de dix ans après l’avoir achevée : vous serez dès lors personnellement responsable vis-à-vis de l’acquéreur de toutes les conséquences résultant du défaut d’assurance et l’acquéreur peut utiliser cet argument pour obtenir une réduction de prix.
En matière de construction de maison individuelle, la souscription de l’assurance dommage-ouvrage est une des conditions suspensives du contrat. La formation du contrat est subordonnée à l’obtention de cette assurance.
Certains constructeurs de maisons individuelles proposent à leurs clients de souscrire pour leur compte une assurance dommage-ouvrage dans la cadre d’une assurance de groupe qu’ils ont négocié avec leur assureur, l’assurance étant incluse dans le prix de la construction.
Afin d'éviter tout désagrément qui pourrait survenir lors de la construction de votre maison,
il est essentiel de prévoir une bonne assurance - Crédit photo : Annie Desaulniers© Fotolia
Concrètement, il faut savoir qu’il s’agit d’une assurance dont le coût est non négligeable … de sorte que bon nombre de maîtres d’ouvrages renoncent souvent à souscrire une telle assurance.
Si vous vous heurtez à un refus de l’assureur, voire même à son silence 45 jours après lui avoir adressé une lettre recommandée avec accusé de réception, vous pouvez saisir le bureau central de tarification (BCT) qui fixera le montant de la prime à laquelle l’assureur récalcitrant sera obligé de vous assurer au titre de la dommage-ouvrage.
Si vous avez souscrit cette assurance, et si les conditions de sa mise en œuvre sont remplies, l’assureur dommage-ouvrage pré-financera les travaux de réparation des désordres de nature décennale et se retournera ensuite contre le responsable des désordres et son assureur pour en obtenir le remboursement.
Si vous n’avez pas souscrit une telle assurance, vous devrez alors directement agir contre le responsable du désordre et son assurance.
2. L’assurance décennale
L’article L 241-1 du code des assurances, issu de la loi Spinetta, fait obligation à tout "constructeur", au sens large du terme, de souscrire une assurance décennale.
Selon l’article 1792-1 du code civil, est réputé constructeur, et donc soumis à l’obligation d’assurance décennale :
– l’architecte, l’entrepreneur, le technicien ou toute personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ;
– toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a cons-truit ou fait construire ;
– toute personne qui bien qu’agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l’ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d’un locateur d’ouvrage.
Contrairement à l’assurance dommage-ouvrage, il n’existe aucune exception au bénéfice des "constructeurs" quant à l’obligation de souscrire cette assurance. A défaut de souscription, le "constructeur" est passible de sanctions pénales. Il est donc impératif de vérifier que votre constructeur de maison individuelle, votre artisan, votre architecte, votre maître d’œuvre, est valablement assuré au titre de sa garantie décennale le jour de la signature du contrat. Ne signez aucun contrat ou devis sans avoir eu communication de l’attestation d’assurance à jour du "constructeur". Prenez également le soin de vérifier que le constructeur que vous aurez choisi est bien assuré en responsabilité décennale pour l’activité que vous lui confiez ! A défaut, et en cas de litige, l’assureur peut dénier sa garantie au motif que le constructeur ne s’était pas assuré en responsabilité décennale pour l’activité concernée.
Cette assurance prend effet un an après la réception. Elle couvre les désordres de nature décennale.
Choisissez avec soin votre constructeur car il va vous accompagner
de la conception à la réalisation de la maison de vos rêves - Crédit photo Chlorophylle Fotolia
II - Les assurances de responsabilité civile en cours de travaux
Que se passe-t-il, si le constructeur, dans le cadre de l’exécution des travaux que vous lui avez confié, est à l’origine de dommages à un tiers, c'est-à-dire une personne étrangère aux travaux, ou aux biens de ce tiers ?
Tout professionnel doit être assuré au titre de sa responsabilité civile et c’est à ce titre que le tiers lésé dans le cadre de l’exécution de travaux est indemnisé.
Que se passe-t-il en cas de dommage subi par les ouvrages en cours de réalisation et avant réception des travaux ?
Il va de soi que tout dommage causé aux ouvrages édifiés ou subi par ces derniers en cours d’exécution de travaux, est à la charge de l’entrepreneur.
Il est possible pour le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre, ou tout entrepreneur de souscrire une police "Tous risques chantier". Cette assurance vise à couvrir les dommages qui surviennent en cours d’exécution de chantier sans recherche de responsabilité. Il faut noter qu’une telle police s’adresse généralement aux constructeurs "professionnels" qui veulent éviter que leur chantier ne prenne du retard en obtenant une réparation rapide des dommages survenant en cours de chantier. Toutefois, il est possible pour un particulier de souscrire une telle assurance.
Cette assurance prend effet à l’ouverture du chantier et s’achève à la réception des travaux. Elle peut englober les dommages causés aux ouvrages en cours d’exécution ainsi que le matériel et les équipements nécessaire à l’exécution du chantier. Elle peut également inclure les dommages corporels ou matériels causés aux tiers pendant les travaux.
Cette assurance préfinance la réparation des dommages survenus en cours de chantier, à charge pour l’assurance de se retourner ensuite contre le responsable du dommage.
III - Les garanties après la réception du chantier
La réception est une étape importante en matière de garanties. Juridiquement, la réception constitue le point de départ de la garantie de parfait achèvement, de la garantie biennale de bon fonctionnement et de la garantie décennale.
L’article 1792-6 du code civil définit la réception comme "l’acte matériel par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage, avec ou sans réserves".
Vous devez être extrêmement vigilant lors de la réception. Si vous avez signé un contrat de construction de maison individuelle, ou si vous avez confié le suivi de l’exécution du chantier à un architecte ou un maître d’œuvre, le procès-verbal de réception est un document signé contradictoirement avec les entreprises intervenues sur le chantier.
Soyez rigoureux : tout désordre visible doit être impérativement mentionné. A défaut d’avoir signalé un désordre visible à la réception, vous ne pourrez exiger de l’artisan responsable du désordre sa reprise ou sa réparation : une réception sans réserve couvre les désordres apparents à la réception.
Sachez également que si aucun procès-verbal de réception n’est signé, il peut y avoir une réception qui est dite tacite. Toutefois, la jurisprudence est extrêmement rigoureuse et exige une manifestation de volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux, qui se traduit en général par une prise de possession des lieux et le règlement intégral du prix.
1. La garantie de parfait achèvement
Cette garantie a une durée d’1 an à compter de la réception des travaux.
L’article 1792-6 du code civil précise qu’elle s’étend "à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception".
Ainsi, votre constructeur au titre de cette garantie, doit :
- Réparer les désordres visibles et signalés dans le cadre de la réception ;
- Réparer les désordres apparus postérieurement à la réception mais qui ont été signalés dans le délai d’un an à compter de cette réception.
Il vous appartient d’informer votre constructeur de ces désordres de façon formelle par lettre recommandée avec accusé de réception. En cas d’inexécution des travaux de reprise, et après une mise en demeure restée sans effet, vous pouvez exécuter les travaux de reprise aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant.
Si ces désordres ne sont pas réparés dans le délai d’un an à compter de la réception, vous conservez la possibilité de contraindre votre constructeur au titre de sa responsabilité civile de droit commun.
Dans le cadre du contrat de construction de maison individuelle, une somme correspondant à 5% du montant total du marché reste bloquée tant que la totalité des réserves n’a pas été levée. Cette retenue de garantie peut également être prévue dans le cadre de tout contrat que vous signez avec un constructeur. Dans cette hypothèse, à aucun moment le constructeur ne peut subordonner la levée des réserves, c'est-à-dire la réparation des désordres visibles et signalés lors de la réception, au règlement préalable du solde du marché correspondant à la retenue de garantie.
2. La garantie biennale de bon fonctionnement
L’article 1792-2 du code civil prévoit que les éléments d’équipement d’un "ouvrage qui font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature de clos ou de couvert", c'est-à-dire les éléments d’équipement des ouvrages dont la dépose, le démontage ou le remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage, relèvent de la garantie décennale.
Les autres éléments d’équipement de ces ouvrages font l’objet d’une garantie biennale de bon fonctionnement d’une durée de 2 ans à compter de la réception prévue par l’article 1792-3 du code civil. Il s’agit dont des éléments d’équipements des ouvrages dissociables, anciennement appelés "menus ouvrages". Sont visés par cette garantie tous les éléments d’équipements qui peuvent être déposés sans détérioration du support : les portes, les fenêtres, les radiateurs, les sanitaires…
Toutefois, la garantie n’a vocation à s’appliquer qu’à la condition qu’il n’y ait pas eu d’abus d’utilisation ou de mauvais entretien.
Si les désordres concernant ces éléments d’équipement ont fait l’objet de réserves à la réception, ils relèvent de la garantie de parfait achèvement.
N'oubliez pas de signaler vos réserves lors de la signature du procès verbal de réception
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Comme son nom l’indique, il s’agit d’une garantie de bon fonctionnement. Si le désordre concerne un élément d’équipement et que ce désordre est de nature à rendre l’immeuble impropre à sa destination ou à compromettre sa stabilité, il relève alors de la garantie décennale.
3. La garantie décennale
La garantie décennale couvre les dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination pendant une durée de 10 ans à compter de la réception (article 1792 du code civil). Elle couvre également les éléments d’équipement qui font indissociablement corps avec l’ouvrage. Ce sont donc les désordres les plus graves qui sont garantis. De simple désordres esthétiques apparus après l’expiration de la garantie de parfait achèvement ne rentrent pas dans le cadre de cette garantie.
Si vous avez souscrit une assurance dommage-ouvrage, il est impératif, en cas de survenance d’un sinistre, d’effectuer immédiatement une déclaration de sinistre auprès de votre assureur par lettre recommandée avec accusé de réception.
L’assureur dommage-ouvrage préfinancera alors les travaux de reprise des dommages, en ayant préalablement désigné un expert qui se rendra sur place pour apprécier l’étendue des désordres et évaluer le coût des travaux de réparation.
A défaut d’assurance dommage-ouvrage, cette déclaration de sinistre doit être effectuée dans les mêmes conditions auprès de l’intervenant que vous estimez responsable du désordre, mais également auprès de son assureur.
Sachez que certains assureurs peuvent opposer un refus de garantie au motif que le désordre est purement esthétique ou qu’il ne compromet ni ne rend l’ouvrage impropre à sa destination. Là encore soyez prudents : si les conclusions de l’assurance ne correspondent pas à la réalité, il est toujours possible de les contester.
Sont concernés par la garantie décennale, gros œuvre, charpentes, escaliers, canalisations,
plafonds ainsi que tous travaux portant sur des élèments liés aux ouvrages de base de la construction
et ceux qui affectent la solidité du bâtiment. Crédit photo : Orlando Florin Rosu© Fotolia
La construction de sa maison est pour tout un chacun une aventure palpitante sur un plan personnel. La législation en vigueur a précisément pour but de protéger les accédants à la propriété et leur garantir un maximum de sécurité à toutes les étapes de leur projet . Vous devez, à chaque étape de la construction, et quel que soit le cadre juridique que vous choisirez pour concrétiser votre projet, veiller au respect des exigences légales et règlementaires imposées à vos interlocuteurs.
Lors de toutes ces étapes, les avocats sont là pour vous conseiller, pour vous aider et vous orienter afin que l’ensemble des garanties dont vos bénéficiez soient respectées.
Aurélie VIVIER,
Avocat à Nailloux
Couleur Lauragais n°111 - Avril 2009