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Terre cuite en Lauragais
Une tradition millénaire - Depuis plus de deux mille ans, le Lauragais trouve dans son propre sous-sol l’argile nécessaire à la fabrication de ses tuiles, briques, cruches, jarres, pots et autres ustensiles utilitaires ou décoratifs. L’importance économique de l’industrie de la terre cuite en Lauragais a été si grande qu’elle a laissé de nombreuses traces dans les noms de lieux ; actuellement, sur la carte IGN au 1/25OOO ce sont plusieurs dizaines de lieux-dits qui portent le nom de la Tuilerie, plus d’une dizaine celui de la Briqueterie : à chaque village sa ou ses tuileries ou briqueteries. Les poteries sont aussi très présentes dans la toponymie lauragaise avec des lieux-dits comme la poterie, rue des potiers ou rue de la poterie.
Des fours dévoreurs de bois Le bois de chauffage pour les fours et l’eau pour travailler l’argile ont eu aussi un rôle décisif dans le développement de l’industrie céramique. Ces fours étaient très consommateurs de broussailles, ajoncs et autres menus bois. L’ajonc donnait lieu à un important commerce. Aléas et crises de l’industrie potière - L’industrie céramique en Lauragais a connu au cours des siècles les aléas de la conjoncture économique, affaiblie par les crises du Moyen Age, elle reprend vigueur et prospère aux XVIIIe et XIXe siècles. Mais au XXe siècle, les florissantes poteries des siècles passés ne pouvant résister ni à la concurrence de nouveaux matériaux (aluminium, acier inoxydable, matières plastiques de toutes sortes) ni à celle des produits importés (faïence fine, porcelaine), voient leurs ventes s’effondrer et ferment leurs portes. La liste serait longue s’il fallait toutes les citer, ces grosses fabriques du XIXe siècle aujourd’hui disparues. L’une des dernières à cesser son activité a été la poterie Bouat à Castelnaudary, à proximité de la gare du chemin de fer en décembre 1994.
Une poterie dans les années 1950 - Je l’ai bien connue cette usine Bouat un peu après 1950, en pleine activité, nous allions y jouer à cache-cache pendant les grandes vacances, toute une bande de copain, une dizaine dont Louis Bouat mon copain d’enfance et condisciple au collège classique de Castelnaudary ; avec le fils du patron nous avions nos entrées dans tous les secteurs de l’usine ! Elle était immense, effervescente et magique ! Ici l’atelier ou l’on lave et travaille la terre avec ses immenses bacs de décantation où trempe la glaise et ses malaxeurs, là un gafet (jeune apprenti) qui va de l’un à l’autre apporter, ici une brouette de terre, là-bas un seau d’eau et que sais-je encore ? Dans la salle des tours nous arrêtions notre course folle, les tours ronronnaient sous le pied exercé du potier et nous passions sans bruit, à pas feutrés, émerveillés de voir sortir de la motte de glaise ondulante une forme parfaite, ici un vase à fleurs, là une grésale et encore là-bas un cruchon, un peu plus loin un cache-pot qu’on en-gobe avant vernissage ; puis nous repartions, comme une bande de moineaux, dans cette usine aux mille senteurs, celle de la glaise humide, cel-le de la paille pour emballer et caler les vases dans la charrette qui les emporte et celle des fours à bois, chaude et si particulière… nous nous cachions un peu partout et même dans d’immenses jarres, il y avait parfois de la casse, bien involontaire, après des excuses, nous repartions pardonnés d’un sourire, en faisant un peu plus attention. Au détour d’un couloir étroit, sortis d’anciens catalogues, de petits personnages de terre cuite jouent de la flûte à des anges pleureurs et autres pastourelles esquissant des révérences, souvenir de la production locale à la belle époque. Parfois nos jeux nous amenaient de l’autre côté de la route, près de l’écurie où se trouvait le cheval pour le transport des tombereaux de terre et les livraisons ; il y avait un immense grenier à foin ou paille, nous y jouions au ballon (une sorte de rugby), sans risque de casse.
Un catalogue de poteries bien fourni - "La gamme de production a beaucoup évolué au fil des ans, pour s’adapter au marché" explique Louis Bouat "au XIXe siècle, l’usine fabriquait la poterie qui se faisait à l’époque, briques pleines et creuses, tuiles, tuiles faîtières et autres, la production s’est ensuite diversifiée en se spécialisant vers trois gammes d’articles : l’hygiène, l’assainissement et l’ornementation". Les catalogues de l’époque témoignent de la grande diversité des produits fabriqués, à côté des vases pour fleurs et arbustes, cruches, pots à graisse, grésales et autres ustensiles, la poterie Bouat s’était spécialisée dans les articles d’ornement en terre cuite émaillée des plus complexes, balustrades, cariatides, anges ...
Une poterie qui perpétue un savoir-faire ancestral - La dernière survivante des très anciennes usines céramiques du XIXe siècle est la poterie du Médecin à Mas-Saintes-Puelles, fondée en 1857 par Jacques Vivent et Charles Perrutel, dans les locaux d’une ancienne usine à chaux, suivie d’une seconde en 1883, fondée pas Antoine Perrutel, actuellement tenue par la famille Not, propriétaire depuis 1959. Cette usine, considérée de nos jours comme faisant partie du patrimoine culturel du Lauragais, a su conserver jusqu’à aujourd’hui son environnement, son mode de production autour de son four à bois, fierté de la famille et son savoir-faire hérité oralement des maîtres potiers de l’époque. Avec toute la gamme traditionnelle des poteries horticoles et culinaires, la poterie Not fabrique grand nombre de cassoles. Il nous faut rendre hommage ici à Aimé Not qui vient de s’éteindre à l’âge de 72 ans, après avoir beaucoup donné à l’artisanat. Carrières d’argile - La découverte et l’exploitation dans les années 1920-1930 de la carrière d’argile de Saint-Papoul a permis un spectaculaire développement. "Il s’agit d’un très gros gisement, de 35 m d’épaisseur exploitable encore pendant un siècle et qui fournit des produits suffisamment variés pour satisfaire les différents besoins de l’entreprise" me dira Ivan Mignot Directeur des Carrières et de l’Environnement. "Le gisement est structuré en une trentaine de couches d’argile superposées présentant chacune des caractéristiques spécifiques ; l’exploitation en banquette permet la réalisation des divers mélanges demandés par les différents sites selon leur type de production : tuiles, briques, produits de parement, produits de façade production ; une dizaine de produits sont ainsi créés. Le gisement fournit une argile de base, 550 000 tonnes sont expédiées par an pour alimenter les différentes usines de production ; pour cela il faut remuer 900 000 tonnes de matériaux par an, dont 350 000 tonnes sont rendues au site pour reconstituer le relief, puis replantées ou remises en culture avec le souci du respect de l’environnement".
La carrière de Bordeneuve sur les communes de Labécède et de la Pomarède fournit quant à elle un sable siliceux, destiné à être mélangé à l’argile de base pour en maîtriser les propriétés, notamment le phénomène de retrait lors du séchage et de la cuisson. Lucien ARIES "Les noms de lieux du Lauragais", dictionnaire étymologique - Lucien Ariès, éd. A.R.B.R.E. Baziège 2OO8. - Gérard Thomas "Les maisons du Lauragais, matériaux et style" Couleur Lauragais n°81 avril 2006 www.couleur-lauragais.fr. Gérard Thomas, né à Castelnaudary le 26 juin 1941, nous a quittés le 5 octobre 2007, ingénieur géophysicien diplômé de l’Institut du Globe de Strasbourg, docteur en géologie, professeur d’université, il exerçait à la faculté des Sciences de Pau ; élève du collège de Castelnaudary, brillant, affable et d’une exceptionnelle modestie il avait reçu le prix de l’élève le plus méritant, nous lui rendons ici un hommage ému. |