Saint Sernin de Renneville : une église disparue
Au Moyen Age, il y avait trois églises à Renneville : Saint-Sernin, sur la route des Crêtes ; Saint-Jacques : la chapelle du château ; Saint-Hilaire-de-Batignan, à la limite du village de Monclar. Son nom Sa situation |
La vierge au centre de la croix de "Saint Cerny" qui marque l'emplacement de l'ancienne église |
Changement de propriétaire
Au moment de la guerre contre les albigeois, le seigneur Aymeric de Laurac, croyant cathare, est dépossédé de ses biens et s'enfuit de Renneville, chassé par Simon de Montfort.
Ce dernier donne la seigneurie de Laurac à Hugues de Lasces, lequel fait don au prieur des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem à Toulouse du "fort et munition de Reneville"(4) en 1230.
C'est ainsi que l'église Saint-Sernin est devenue la propriété des Hospitaliers (connus également sous le nom d'Ordre de Malte).
Cela nous est confirmé par un texte datant de 1333 contenu dans l'Inventaire de l'Ordre de Malte(4) et traitant des limites de Saint-Sernin et de Saint-Hilaire pour le paiement de la dîme (dixmaire). Cette dîme revenait respectivement au commandeur et à l'évêque de Mirepoix.
Sceau dont se servaient les grands commandeurs
du grand prieuré de Saint-Gilles-du-Gard au XIVe et VVI siècles
Sa disparition
L'instituteur Saves, auteur de la monographie de Renneville (5), rapporte que "les plus anciens ont vu il y a environ 70 ans les murailles encore debout et qui avaient à peine un mètre de hauteur", restes d'une église dédiée à Saint-Sernin.
Sachant que cette monographie a été écrite en 1885, ces vestiges dataient donc du début du XIXe siècle.
Cependant, si l'on se rapporte aux visites des supérieurs généraux de l'Ordre de Malte qui jalonnent tout le XVIIe siècle, on voit à travers leurs écrits que l'église qui nous intéresse ne servait déjà plus au culte : en effet, c'est la chapelle du château (Saint-Jacques) qui y est décrite(6) chaque fois (même si, parfois, sûrement par habitude ancienne, le nom de Saint-Sernin y est encore évoqué comme église paroissiale). Cette dernière semble donc avoir été abandonnée dès la fin du XVIe siècle, soit qu'un déplacement de population ait eu lieu vers le fort, soit que la guerre contre les Protestants ait endommagé ce sanctuaire comme bien d'autres dans la région à cette époque.
Les vestiges
Le nom de la propriété sur laquelle se dressait cette église nous éclaire : "En Perrière", de l'occitan "Peyro", pierre. Effec-tivement, on est frappé par le nombre de pierres qui s'offre à notre regard en arrivant sur les lieux (bâtiments, décoration de massifs,...) alors que ce matériau est plutôt rare dans la région.
Nos anciennes fermes, telles qu'elles nous apparaissent aujourd'hui, remontent à la fin du XVIe siècle ou au début du XVIIe, période possible de destruction de l'église. Il semble donc très vraisemblable qu'une partie des pierres de Saint-Sernin ait servi à l'édification de cette propriété.
Mais le vestige le plus précieux est visible sur le mur d'une grange, place de la Liberté, à Renneville. Il s'agit d'une clef de voûte ornée d'un agneau.
Si nous nous rapportons aux sceaux utilisés par les premiers grands prieurs du prieuré de Saint-Gilles-du-Gard, au XIIe siècle (puis par la suite par ceux des XIVe et XVIe siècles), nous sommes frappés par leur similitude avec l'ornementation de notre clef de voûte(7). "Dans le champ, l'agneau crucifère, au nimbe surmonté d'une croix, passant de profil, à gauche et demi, la croix de saint Jean-Baptiste"(8).
La représentation d'un agneau porteur d'une croix est le symbole de saint Jean-Baptiste car ce dernier, voyant "venir Jésus pour demander le baptême, dit (Saint Jean, 1, 29) : "Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde"". En outre, les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem se disaient "soldats du Christ" ; saint Jean de Jérusalem n'étant autre que saint Jean-Baptiste.
La tête de l'Agnus Dei de Saint-Sernin est ornée d'un nimbe cruciforme. Les rayons qui apparaissent en fond sont la représentation du Christ, soleil levant.
Décoration de massifs avec les pierres |
La clef de voûte provenant de l'église |
Pourquoi avons-nous hérité, à Renneville, de l'iconographie du grand prieuré de Saint-Gilles-du-Gard ? Ce prieuré gérait toutes les commanderies du Languedoc (du Rhône jusqu'à l'océan Atlan-tique). Celle de Renneville en dépendit jusque vers 1330, date à laquelle elle fut rattachée au prieuré de Toulouse.
Ce médaillon a donc été la signature de ces moines-soldats dans l'église Saint-Sernin (alias Saint-Saturnin), soit lorsqu'ils en ont fait rénover le choeur, soit lorsqu'ils ont construit ou rénové l'une de ses chapelles.
La commune de Renneville a ainsi la fierté de posséder une oeuvre d'art témoin de sa lointaine histoire, au temps où existait une commanderie de l'Ordre de l'Hôpital.
Jacqueline SOULIE-DAUNIC.
Bibliographie :
(1)Famille originaire de l'actuelle commune de Lux (Mémoire de Maîtrise de l'université de Toulouse - Le Mirail, par Laurent Fromentèze).
(2)DOUAIS - Cartulaire (recueil de chartes) de l'abbaye de Saint-Sernin de Toulouse (844-1200) tome 1, page 43, n°59 (référence ADHG : BH In 8° 4001 0).
(3)ADHG 101H - 2Mi 662.
(4)ADHG 2Mi 183.
(5)ADHG 4Mi 32.
(6)ADHG 1H MALTE REG. 413 et suivants.
(7)Histoire des grands prieurs et du prieuré de Saint-Gilles, par Jean Raybaud, publiée par l'abbé C. NICOLAS, Nîmes, 1904.
(8)Iconographie de sceaux et bulles de Provence de Louis Blancard (Archives départementales des Bouches-du-Rhône)
Renseignements complémentaires dispensés par Mme Nicole Andrieu, conservateur délégué des antiquités et objets d'art de la Haute-Garonne aux archives départementales.