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Couleur Lauragais : les journaux

Les facteurs d'autrefois dans le Lauragais

Les Fêtes de fin d’année sont souvent l'occasion pour prendre des vacances et se réunir en famille pour célébrer ensemble Noël et le Nouvel An. Pour nos braves facteurs d'autrefois, cela ne correspondait pas à un ralentissement de l’activité mais au contraire à la période la plus chargée de l’année où cartes de voeux (dénommées paraît-il mignonnettes) et cadeaux remplissaient leurs gros sacs de cuir. Nous adressons nos remerciements aux facteurs retraités de Revel, Villefranche et surtout Saint-Félix Lauragais qui par leurs récits et anecdotes nous ont permis de relater leur activité il y a 50 ans et plus.

tenue réglementaire
La tenue réglementaire du facteur rural en 1898
Crédit photo : collection Musée de la Poste - Paris

La Poste autour de Saint Félix Lauragais
Avec le développement des voies de communication, le XIXe siècle permet à la Poste de prendre un certain essor ; avant le chemin de fer, le courrier arrivait à Saint Félix (qui s'appelait alors Saint Félix de Caraman) par des diligences Revel-Toulouse. En 1856-57 est construite la voie ferrée Toulouse-Sète ("Cette" à l’époque). Il faut alors aller chercher le courrier à Villefranche. En 1863, la ligne Castelnaudary-Castres est inaugurée et le courrier se rapproche, bien que la gare de St Félix Lauragais soit située à 4 km du village ; on commence à gagner du temps et économiser les distances mais en cette fin du XIXe siècle on ne se déplace encore guère qu’à cheval ou à pied ; les premières bicyclettes n’apparaîtront qu’au début du XXe siècle.

Quatre distributions de courrier par jour !
À Saint-Félix, le courrier était distribué au village 4 fois par jour et une distribution était assurée le dimanche. Ainsi le facteur passait à 8 heures, 13 heures, 16 heures et 19 heures (il s’agissait de l’heure solaire en retard d’une heure sur notre heure actuelle d’hiver). Deux facteurs seulement se partageaient tout le territoire que desservait encore récemment la Poste de Saint-Félix. Le premier avait en charge les communes de Saint-Julia, Le Cabanial, Le Falga, La Pastourie, Maurens, Le Vaux, Juzes, Belesta et Mourvilles-Hautes. Le second s’occupait des villages de Montégut, Nogaret, Rou-mens, La Jalabertie, Cadenac et Graissens.
De longues tournées que les facteurs parcouraient à pied et plus tard à bicyclette, empruntant souvent des chemins en très mauvais état ou inexistants pour accéder aux fermes. Fort heureusement pour eux, chaque foyer ne recevait pas tous les jours du courrier.

Tout à pied et sans repos le dimanche
Le dimanche, il y avait des messes dans toutes les paroisses et la distribution des courriers se faisait à la sortie de l’église. Il en allait de même les jours de marché à Caraman, Villefran-che et autres localités où le facteur "s’estalviait" (s’économisait) quelques kilomètres et allait même jusqu’à confier du courrier à un voisin…
Jusqu’en 1895, son seul congé était la soirée du 14 juillet. Une poste est installée à Saint-Julia pour desservir Le Cabanial, Montégut, Nogaret et bien sûr Saint-Julia, permettant ainsi d'alléger le travail des facteurs de Saint-Félix où deux nouveaux collègues furent nommés. Un jour de congé par mois leur fut octroyé jusqu’en 1914.

 

facteur messager très attendu

Messager très attendu, le facteur rompait la solitude -
Collection Musée de la Poste - Paris




Courrier
Collection Jean-Marc Faget

Le courrier
Il était constitué de beaucoup de lettres, seul moyen de communication pour les familles. Au début du XXe siècle, la durée du service militaire était de 5 ans puis 3 ans. Les soldats écrivaient régulièrement à leurs familles ou à leurs fiancées ; de même pendant la guerre.
Bonnes et mauvaises nouvelles parfois, lettres d’amoureux, "billets doux…", le facteur était le messager que l’on attendait souvent avec impatience, que l’on redoutait parfois, mais cette modeste lettre timbrée à 2 sous venait rompre la solitude et mettre un terme à l’anxiété. Il n’y avait que très peu de journaux. Quant à la publicité, que l’on appelait la réclame, on ne connaissait pas : seulement quelques catalogues de la Samaritaine et de la Manufacture de Saint-Etienne. Le facteur devenait le confident qui devait parfois lire les lettres aux familles car les illettrés étaient assez nombreux. Il écrivait aussi les réponses qu’il postait lui-même. En récompense et malgré le temps qui pressait, il avait droit à un café agrémenté d’un peu de riquiqui. Et quand il y avait réjouissances à la ferme, il était convié à partager le repas de la fête du cochon, des vendanges et de la noce. Même pendant ces agapes, le facteur ne se départait pas du sérieux et de la responsabilité de sa fonction : le sac volumineux du courrier restait à ses pieds, et certains le gardaient mê-me en bandoulière tout au long du repas.

Du sérieux et de la responsabilité
Le facteur distribuait beaucoup de lettres et collectait celles qui avaient été déposées dans les boîtes à lettres réparties sur la tournée. Il était aussi "convoyeur de fonds" : paiements des retraites, allocations et autres mandats, qu'il devait régler en espèces. Tenue des livrets de caisse d’épargne, retraits divers obligeaient le facteur à tenir une comptabilité rigoureuse. Après la deuxième guerre mondiale, la banalisation des chèques le déchargea progressivement de ces fonctions.

Le képi et la pélerine
Les titulaires habillés par l’administration bénéficiaient de la tenue d’hiver et de la tenue d’été, comme dans l’armée et la gendarmerie. Par temps de pluie, l'eau alourdissait leur pèlerine, mais elle permettait également de les protéger. Les tournées se faisaient à bicyclette et plus tard, à moto. La journée commençait à 6h30 et la tournée durait de 6 à 7 heures. Etre titulaire et avoir de l’ancienneté permettaient de choisir sa tournée, certaines ayant la réputation d’être plus confortables.

La nouvelle année et "l’almanach"
En fin d'année, le calendrier (l’almanach), toujours d’actualité, procurait aux facteurs une amélioration de l’ordinaire : il y avait même à une époque, le calendrier du riche et celui plus modeste qui appelait moins de générosité. Il arrivait dans certaines localités que le facteur "quêtât les oeufs" à Pâques tout comme le carillonneur et les "Clercs" enfants de choeur.

facteur en 1900
En 1900, le facteur se reconnaissait à sa tenue caractéristique - Collection Musée de la Poste - Paris

Le facteur et les chiens
Comment s’explique cette hostilité de la gent canine envers nos braves facteurs qui s’avère être la catégorie de citoyens la plus mordue ; les petits roquets étant, paraît-il plus agressifs que les molos-ses. Et de citer tel facteur utilisant sa bicyclette comme barrage entre ses mollets et les attaques du chien ; tel autre qui, croyant avoir amadoué l’animal, le voyait s’installer sur le siège de la voiture de la poste en montrant les crocs pour lui interdire l’accès de son véhicule. Mais les chiens n’étaient pas les seuls à avoir une dent contre les facteurs, tel cet habitant d’une maison située au bout d’un chemin "montant, sablonneux, malaisé" qui, à la suite d’un différend avec l’homme des lettres, prit un abonnement au journal quotidien pour lui infliger un supplément de travail…

Les boîtes aux lettres
De nos jours, elles sont standardisées et déshumanisées et ont ainsi perdu leur personnalité et leur pittoresque. La boîte aux lettres d’antan se trouvaient parfois être un tronc d’arbres, un vieux bidon ou une vieille casserole à l’étanchéité douteuse. La caisse dite à pain (avec un nombre de cailloux correspondant aux miches demandées) était destinée à recevoir la bouteille du laitier, le pain du boulanger et bien sûr le courrier. Il arrivait même que le facteur trouvât sur la boîte cette inscription : "ne pas déranger", précaution prise par le propriétaire soucieux de la quiétude d’une nichée de mésanges qui avait élu domicile en ces lieux. Surprise moins agréable, quand un essaim de frelons avait "squatté" la boîte de la poste.

facteurs à vélo
Au début de XXe siècle, les facteurs faisaient la tournée à pied
ou à bicyclette souvent sur des chemins de terre.
Collection Musée de la Poste - Paris
Le facteur de 1900 devait posséder de bons pieds et de bonnes chaussures. Plus tard, une bonne bicyclette ne le dispensait pas d’emporter avec lui le nécessaire de dépannage car les crevaisons étaient fréquentes. Il parcourait 20 à 30 km par jour soit environ 3 fois le tour de la terre en une carrière. Puis le cyclomoteur, la moto et enfin les petites voitures jaunes, représentèrent un progrès certes, mais aujourd'hui se fait ressentir la nostalgie d’une époque où le facteur prenait son temps, colportait les nouvelles et rompait les solitudes.

facteur  à cheval
A la fin du XIXe siècle, le facteurs se déplaçaient à pied et parfois à cheval
Collection Musée de la Poste - Paris

Hubert ROQUES

facteur année 30
Dans les années 1930,
les facteurs effectuaient leurs tournées dans
cette tenue (fête de la Cocagne de 2007)

Un peu d'histoire
Le premier facteur était-il persan ou chinois ?

Le premier "messager" fut paraît-il le coureur de marathon qui parcourut une distance de 40 km pour annoncer la victoire des Grecs sur les Perses.

Les Assyriens et les Perses furent les premiers à organiser un système permanent de poste, assuré par des messagers officiels. Les Romains perfectionnèrent le service postal grâce à l’extraordinaire réseau de voies de communication qui unissait Rome à toutes les provinces de l’empire. Au Moyen Age, les rois et les papes maintenaient un certain contact avec leurs sujets grâce aux missi dominici ou envoyés spéciaux qui transmettaient leurs ordres et recueillaient des informations sur les régions où ils étaient envoyés. Au XIIIe siècle, Marco Polo raconte comment, en Chine, le Grand Khan disposait d’un service complexe de courrier avec dix mille postes qui jalonnaient l’immense empire avec relais de chevaux.

En France, à la Renaissance, le commerce et les intérêts de la nouvelle bourgeoisie rendirent possible et nécessaire l’existence d’un service de courrier privé. On eut recours, pour ce faire, à un réseau de routes fixes jalonnées de postes semblables à ceux qu’employèrent les chinois. Louis XI créa la Poste Royale par l’édit de Luxies en 1464. Au fur et à mesure que le pouvoir du roi grandit et qu’il incarne l’Etat, la poste devient la Poste de France. Le réseau des relais avec leurs postillons (conducteurs de la poste aux chevaux) fut complété sous Henri IV et Louis XIII. Des bureaux sont ouverts dans les grandes villes de Paris, Lyon, Bordeaux et Toulouse.

En 1793, la décision est prise d’ériger les postes et messageries en "agence nationale" qui devint, le 27 prairial de l’an III (15 juin 1795), l’"Administration générales des postes et messageries". L’arrêté du 27 prairial de l’an IX (16 juin 1801) lui consacre le monopole postal.

En 1878, les services postaux et télégraphiques fusionnent pour devenir en 1879 le Ministère des Postes et Télégraphes, puis en 1925, le Ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones (l’adjonction des téléphones aux deux autres monopoles remonte à 1889). En 1959, le ministère des Postes et Télécommunications est créé.

Couleur Lauragais n°98 - Décembre 2007/Janvier 2008