BALADE EN LAURAGAIS
De Naurouze à Fanjeaux : les Paysages de la Côte |
La côte
De Naurouze à Fanjeaux, la ligne de partage des eaux sépare la Piège de la plaine, deux entités lauragaises bien connues. D’un côté, au Sud Ouest, le pays des collines, de l’autre, au Nord Est la dépression de Castelnaudary-Pexiora. Le passage de l’un à l’autre se fait en franchissant un "talus" que les gens de Fendeille ou de Fanjeaux appellent : "la côte". Il s’agit d’une ligne de crête, discontinue. Elle se compose de collines, de rebords de cuestas... si bien que les paysages diffèrent ainsi que les sites des villages.
Les cuestas de Fendeille et de Fanjeaux dont le front est orienté au Sud Est et le revers au Nord Ouest, ont permis, grâce à leur dépression périphérique le passage des voies de communication. Ainsi, très tôt, les liens entre les deux régions naturelles du Lauragais ont pû être établis. Mais les voies Castelnaudary-Mirepoix ou Bram-Mirepoix, ne sont pas les seules. D’autres possibilités se sont offertes grâce aux accidents du relief comme la zone de Laurabuc au Puy du Faucher, via Laurac.
Cette région de contact entre plaine et Piège mérite mieux qu’une traversée, souvent rapide, c’est pourquoi nous vous proposons de mieux la découvrir en la parcourant de Naurouze à Fanjeaux. Les villages se sont installés tantôt au sommet du versant, comme le bien nommé : "Mireval" ou à son pied comme Fendeille. Leur installation n’est pas récente. Ils ont chacun une histoire ! Des traces d’occupation datant du néolithique ont été relevées à Mireval. Leur population augmente même, parfois comme à Fendeille, Villasavary où des lotissements voient le jour. On assiste également à la rénovation de maisons. Cette évolution est dûe à un apport de population active travaillant à Castelnaudary et parfois même à Toulouse. Ces nouveaux habitants sont venus pour profiter d’une qualité de vie qu’ils préfèrent à celle de la ville. Ainsi, loin de se dépeupler, nos villages de la côte voient leur population augmenter.
Au départ du Ségala
Le Ségala sera notre point de départ. L’unité de production de tuiles "terréal" ne peut être ignorée. D’importants stocks de palettes de tuiles qui prennent place dans le village suffisent à montrer que cette activité industrielle est ici primordiale.
Le Canal du Midi au Ségala - Crédit photo : Régis Gabrielli
Le terroir du Ségala est peu propice à l’agriculture. Si on s’attarde à la toponymie, les "ségalas" étaient des terres pauvres, à seigle, parfois. Les sols sont sablonneux, acides et impropres à la culture des céréales. On retrouve ces lentilles de sable d’âge Eocène supérieur au pied de Mireval et Laurabuc. A Mireval, le sable a été pendant longtemps exploité, aujourd’hui les sablières ont disparu. A Laurabuc, ces terres à seigle ont été utilisées pour la culture des asperges.
La tradition "industrielle" du Ségala , la production de tuiles, n’est pas nouvelle. On y trouvait au-paravant des fours qui transformaient les calcaires en pierre à chaux. La fabrication de plâtres est également mentionnée dans les archives locales.
Quittons le Ségala pour le Mas Ste Puelles distant de 4 km. Sur notre droite les petites parcelles cultivées contrastent avec les grands champs du côté gauche de la route. Là commence la plaine lauragaise ! Le versant boisé laisse apparaître des bosquets de chênes pubescents.
Entre le Ségala et le Mas Stes Puelles : Au 1er plan, une grande parcelle du "Lauragais de la plaine".
Paysage bocagé au 2nd plan, ici commence la côte - Crédit photo : Régis Gabrielli
Au Mas Saintes Puelles
Nous voici au Mas Ste Puelles : d’où vient ce curieux toponyme ? Les puelles sont les jeunes femmes qui, au IIIe siècle après J.C. recueillirent le corps martyrisé de Saturnin (St Sernin) pour lui donner une sépulture chrétienne. Elles furent chassées de Toulouse par l’autorité romaine et se réfugièrent au Mas où elles moururent.
Le Mas Ste Puelles fut un village cathare. Il est resté célèbre pour avoir hébergé les seigneurs languedociens venus de Montségur, la veille de leur expédition à Avignonet où ils massacrèrent les Inquisiteurs. Durant les guerres de religion, le village est protestant. Une entrevue secrète entre Henri de Navarre (futur Henri IV) et Catherine de Médicis, comtesse du Lauragais, eut lieu à côté du Mas, au lieu dit "la Planque". Le bien nommé !
Le village protestant fut détruit en 1622 par les troupes de Louis XIII suite à un arrêt du Parlement de Toulouse. Le Prince Noir l’avait déjà brûlé en 1355. Il ne reste de vestiges du Moyen Age que le portail de l’église du XIVe siècle. On peut voir encore aujourd’hui, à droite du portail, des matériaux de réutilisation (pierres tombales) qui ont servi à reconstruire l’église au XVIIe siècle. Curieuse église, agrandie au XIXe siècle, dont la partie inférieure du clocher attend, depuis 1887, qu’une flèche approuvée par le Ministère des cultes vienne la surmonter.
Portail Stes Puelles : la réutilisation des
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Sur la hauteur, deux moulins. Il s’agit d’ouvrages restaurés. Seule l’armature a été refaite. Les aménagements intérieurs, avec notamment le mécanisme n’ont pas été effectués. La nuit, depuis l’autoroute, on peut voir ces deux moulins illuminés. Chemin faisant, entre le Mas et Villeneuve la Comptal des fermes aux noms évocateurs parsèment le paysage, ce sont "la Bousquète" ou "Chan-tevent". Plus on s'éloigne et plus les collines sont dénudées. Le déboisement a dû être actif ! Au loin, quelques plantations de résineux viennent corriger cette première impression.
A Villeneuve la Comptal
Villeneuve la Comptal : baronie créée par François Ier puis achetée en 1517 par Pierre de Bernuy, l’un des hommes les plus riches d’Europe à cette époque. Il fait construire un atelier pour "agranar" le pastel dans l’une des dépendances du château. Le magasin d’où partait le pastel ainsi conditionné est toujours visible à l’angle Nord-Ouest du château.
Au XIXe siècle, le village s’enorgueillit d’un exploit peu commun mais qui est resté dans la mémoire de quelques "anciens". Ils racontent et ce n’est pas une légende, qu’en 1872 ou 1873 le plateau de la Citadelle entre le pic Mil et le Roc fut le théâtre d’une drôle d’expérience : En effet, Clément Ader, alors en poste à Castelnaudary réussit, grâce à la côte et aussi au fort vent d’autan, à faire décoller une espèce d’oiseau-avion. Il s’agissait d’une structure en bois léger, tapissée de plumes d’oies (du Lauragais - bien sûr) qui, devant de nombreux témoins oculaires, prit son envol. L’aviation était née. Rappelons que le premier vol mécanique vérifié eut lieu en 1897, soit 25 ans plus tard. Pour les villeneuvois, ce ne fut pas une surprise.
Le moulin du village a été entièrement restauré par des lycéens audois. Les ailes sont "modernes" en matériaux composites. Il est converti aujourd’hui en laboratoire éolien. Bel exemple d’utilisation de l’énergie éolienne pour des besoins contemporains à partir d’une structure ancienne.
Villeneuve la Comptal : le village se situe en contrebas. Le moulin (à quatre ailes "modernisées")
a été implanté sur une hauteur, au sud du village. Du haut de ces collines, s'élança le 1ère machine volante
Crédit photo : Régis Gabrielli
Prosper Estieu est né à Fendeille Pour nous rendre à Fendeille, empruntons le petit chemin du cimetière, beaucoup plus étroit que la route mais plus proche de la côte. Le nom de Fendeille pourrait provenir de "fendelha" en occitan, c’est à dire : fissure. Le village se situe, en effet, sur une butte-témoin au pied du front de la cuesta qui le domine. On comprend mieux pourquoi cette appellation a été donnée lorsqu'on franchit la côte par la route de Mirepoix. |
Fendeille : la maison natale de Prosper Estieu, poète audois Crédit photo : Couleur Média |
Les barres calcaires se comportant en couches dures apparaissent sur la droite. A gauche, une importante dépression qui n’a pu être réalisée sous le climat actuel compte tenu de son surcreusement, laisse deviner que la roche, ici, est plus tendre.
Fendeille, au Moyen Age est une place forte qui contrôle un axe de circulation très fréquenté. En 1210, Simon de Montfort s’en empare et la donne à l’un de ses lieutenants.
Du château, il ne subsiste aujourd’hui qu’une tour carrée du XIIIe siècle et une façade d’âge classique : il s’agit d’une propriété municipale depuis 1989. L’école y est installée. Un parc de 7 hectares permet l’initiation à la botanique et à l’écosystème forestier.
Fendeille : le château "municipal" - crédit photo : Régis Gabrielli
Mireval Lauragais
Le site de Mireval est remarquable. Par temps clair, on découvre non seulement les paysages de la plaine, mais aussi, vers le Nord, la Montagne Noire. Le village a été fortifié avec un mur d’enceinte et des fossés. Les deux portes ont été conservées. En suivant le chemin de ronde on peut voir l’église de style gothique méridional (XIIIe) avec son portail et le clocher-mur aux quatre baies campanaires. Les amateurs de photos y trouveront leur compte. Ils pourront également prendre un cliché du pigeonnier restauré qui se trouve à l’entrée du village, côté Nord est.
Mireval, la porte nord : on distingue au loin Castelnaudary puis la Montagne Noire - Crédit photo : Régis Gabrielli |
Mireval : la porte sud Crédit photo : Régis Gabrielli |
Laurabuc
Laurabuc, poste avancé de Laurac se situe sur un versant tourné vers l’Est. Seul le moulin, au Nord du village n’est pas à l’abri des vents d’Ouest, et pour cause. A l’Est, sur le côté gauche de la route de Laurac, face au village, se trouve le calvaire, édifié au XIXe siècle ainsi qu’une chapelle. Ce monument a été restauré récemment grâce aux efforts d’une association locale. Si le coeur vous en dit, pourquoi ne pas pousser jusqu’à Laurac puis jusqu’au Puy de Faucher : altitude 415 mètres, point culminant du Lauragais.
Laurabuc : porte de Laurac. A gauche, la colline du calvaire - Crédit photo : Régis Gabrielli
De Laurabuc à Villasavary, le paysage change : la couverture végétale des collines n’est plus composée de feuillus exclusivement. Les résineux ont pris leur place. Quelques chênes verts et des formations pré-méditerranéennes semblent annoncer des paysages plus méridionaux. Les premières vignes ne sont pas loin.
Il faut s’arrêter à la chapelle Saint Martin de la Salle, plus connue sous le nom de "Chapelle de Besplas". C’est un édifice à nef unique et à l’abside semi circulaire. Le lieu est symbolique, car au Moyen Age, il est la propriété des seigneurs de Laurac, on s’en serait douté. Son importance économique était loin d’être négligeable. Ici on tenait marché, on disposait de ses propres mesures et on prélevait péage. Il n’y a pas de trace aujourd’hui, de ce qui fut un centre économique actif jusqu’à la fin du XIIe siècle. Conduisant au Villasavary, quelques fermes fortifiées subsistent, notamment celle du carrefour entre la D 213 et la D 71.
La chapelle "de Besplas" : une partie de l'abside (restauration récente) - Crédit photo : Régis Gabrielli
Villasavary
Villasavary, village fortifié a été créé vers le début du XIIe siècle par les Trencavel, vicomtes de Carcassonne en territoire toulousain. Encore aujourd’hui, on peut voir l’occupation de cette motte féodale par des maisons aux constructions serrées les unes contre les autres. Ce sont là d’anciennes habitations qui recouvrent la presque totalité de la butte. Cet habitat contraste avec la création de nouveaux lo-tissements, visibles notamment à la sortie du village en direction de Prouille, sur la droite de la route, car Villasavary voit sa population augmenter : de 758 habitants en 1990, on en compte aujourd’hui 1100, ce qui représente un certain dynamisme. Ici, comme dans d’autres communes de la côte, dont Fendeille est un autre exemple, on a choisi de s’installer pour de multiples raisons économiques, familiales ou liées au cadre de vie.
Villasavary : lotissement à l'est du village. Photo prise vers le sud.
Au fond la naissance du revers de la cuesta de Fanjeaux - Crédit photo : Régis Gabrielli
Avec ce dernier village se termine notre périple le long de "la côte". Fanjeaux est déjà dans la Piège lauragaise, ce bourg chargé d’histoire est à découvrir, certes, mais dans le cadre d’une autre découverte. Que les villages que nous venons de parcourir se caractérisent par leur diversité, paraît une évidence ; chacun possède une histoire particulière, un patrimoine architectural original dont les églises offrent un bel exemple. Et les moulins ? Ils mériteraient à eux seuls une étude complète, tant leur diversité est grande, leur histoire à l’image des villages, est également bien marquée.
Villasavary : le moulin au 1er plan et l'église au centre avec son clocher sans flèche comme pour
mieux épouser la butte sur laquelle s'est établi le vieux village - Crédit photo : Régis Gabrielli
Que le parcours se fasse du Nord Ouest au Sud Est ou dans l’autre sens. Que vous alliez, comme on dit chez nous "cap à cers ou cap à aouta" les paysages rencontrés vous offriront un résumé du Lauragais. Parcourir des kilomètres pour avoir une vision globale de notre "pays : c’est inutile ; longez donc la "côte" au lieu de la traverser, observez avec attention et c’est le microcosme du Lauragais qui s’offre à vos yeux.
Régis GABRIELLI
Professeur certifié d’histoire, né à Laurabuc
Jean ODOL
Bibliographie :
R. Gabrielli : très riches archives privées
J. Odol : "Le Lauragais" 2005
R. de Fortanier : "Les droits seigneuriaux en Lauragais" 1981 (études des villages et grandes familles)
Fanjeaux est à découvrir sur www.fanjeaux.fr