BALADE EN LAURAGAIS
Nouvelles balades à la découverte du Lauragais |
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La population du Lauragais (en occitan : Lauraguès) est en pleine expansion depuis 1970. De petits villages sont devenus de gros bourgs comme Castanet : 12 000 âmes, Escalquens : 6 000, Baziège 3 500. Les villes se gonflent : Castelnaudary : 11 000, Revel : 10 000, Bram : 3 000. Au total : 140 000 lauragais. Les nouveaux arrivants du Lauragais pourront le parcourir grâce aux quatre circuits de balades proposés. |
Le blé : l'or jaune du Lauragais |
Circuit 1 : Découvrons les villages-frontières du Lauragais historique
Le Lauragais est une entité politique, judiciaire et religieuse depuis le XIIIe siècle. Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse par son mariage avec la comtesse Jeanne de Toulouse, fille du dernier comte légitime Raimon VII (disparu en 1249) fonde une Jugerie Royale ayant des limites grossièrement comparables à celles de la carte jointe. Le roi Louis XI crée ensuite un Comté du Lauragais en 1477, qu’il attribue à la grande famille des "La Tour d’Auvergne" descendants de Saint Louis (ou Louis IX). Catherine de Médicis, reine de France, comtesse de Lauragais par sa mère Madeleine de la Tour d’Auvergne, épouse d'un Médicis de Florence fonde une sénéchaussée du Lau-ragais en 1556 dirigée par un officier royal (un sénéchal) et un tribunal : un présidial qui siège à Castelnaudary, principale ville du Lauragais. Le bâtiment qui abrite aujourd'hui un musée s’appelle toujours le présidial. L’Evêché du Lauragais créé en 1317 est établi autour de l’abbaye bénédictine de Saint-Papoul (à 8 km au Nord Est de Castelnaudary). Dans des limites qui n’ont guère changées depuis le XIIIe siècle, le Pays de Laurac présente une très remarquable unité fondée sur la richesse na-turelle exceptionnelle de ses sols (terreforts et boulbènes) qui en font une des régions les plus fertiles du Midi de la France. Le Lauragais, c’est le pays du blé : l’or jaune ; le pays du pastel : l’or bleu ; le pays de la laine : l’or blanc ; le pays de la viande : moutons, bovins, porcs, volailles.
Nous allons déterminer les limites du Pays des Mille Collines par un circuit qui nous permet d’en faire le tour. Nous utilisons la carte éditée par le Centre Culturel de Nailloux, l'association ARBRE de Baziège, la Société d’Etudes d’Aygues-vives et un groupe de géographes de l’Université du Mirail et spécialistes du Lauragais.
Point de départ : Castanet (un clocher à voir), Venerque (une église en partie romane), la vallée de l’Ariège, Auterive (un gué, un vieux pont, une église), Cintegabelle (ruines d’un ancien château et à Tramesaygues, abbaye cistercienne de Boulbonne). Puis la vallée de l’Hers vif ou Grand Hers, qu’il faut distinguer de l’Hers Mort, celui de Villefranche, Baziège, Montaudran, Saint-Jory où il conflue avec la Garonne. L’Hers Vif est très abondant, nourri par les pluies et les neiges du massif nord py-rénéen du Saint Barthélémy. Nous abordons Belpech et son splendide portail roman, puis nous suivons la Vixiège jusqu’à Fanjeaux-Prouille et le monastère des moniales de Saint Dominique. De Fanjeaux, la limite du Lauragais passe à Bram, se dirige vers le Nord, Cenne-Monestiés, la vallée du Lampy, à proximité de l’abbaye cistercienne de Villelongue, puis vers le Nord-Ouest nous gagnons Puylaurens (un des puissants foyers du protestantisme lauragais), Cuq-Toulza, Verfeil (lieu de repos des petites Filles Modèles de la comtesse de Ségur) et Verfeil-Castanet en ligne droite. Les dimensions du Lauragais sont modestes : Castanet-Bram : 60 km, Puylaurens-Belpech : 40 km, Verfeil-Cintegabelle : 35 ; dans ce cadre étroit se concentrent cependant 140 000 habitants.
Circuit 2 : À la découverte de quelques clochers du Lauragais
Point de départ : Castanet. Il existe 190 églises environ en Lauragais, plus de petites chapelles isolées comme Sainte-Colombe à Baziège, les Cazazils à Lafage ou la chapelle du cimetière de Fonters du Razès, près de Laurac, et ses magnifiques arcatures lombardes. La majorité de ces églises sont du XVIII-XIXe siècles, donc de type gothique. Les églises romanes sont rarissimes : Baraigne, Saint Pierre d’Alzonne (au pied de Montferrand, près du cimetière). Les dimensions et les clo-chers des églises sont adaptés aux besoins et aux moyens financiers des communautés paysannes à la date de leur construction. Une église grandiose, immense, comme celle d’Avignonet correspond à un désir de puissance et de prestige ; un bâtiment de la Reconquista, la Reconquête catholique après l’épisode cathare, sur les lieux mêmes où furent massacrés les Inquisiteurs, en mai 1242, par des chevaliers occitans et faydits descendus de Montségur.
4 grands types de clochers se dégagent :
- les clochers murs pignons (triangulaires) ; ils sont des copies de Notre Dame du Taur, de Toulouse,
- les clochers murs à tourelles, exemple : Montgiscard, Villefranche,
- les clochers tours octogonaux : copies de Saint Sernin de Toulouse, exemple : Castelnaudary, Cintegabelle,
- les clochers peignes : Plaigne ou les Cazazils, près de Lafage.
Castanet possède un clocher tour inspiré du clocher de Saint Sernin à Toulouse |
L'église de Plaigne est dotée d'un des rares clochers peignes du Lauragais |
Les clochers murs pignons (triangulaires) sont les plus nombreux, les moins coûteux, donc adaptés aux petites communautés. En partant de Castanet, nous observons une ligne de clochers de ce type : Ramonville, Pompertuzat, Deyme, Donneville (avec deux pignons), Ayguesvives, Baziège (église de grandes dimensions, au service d’une vieille cité gallo-romaine, Badera) et un grand centre commercial pour le pastel et le blé. A Montgeard le clocher primitif n’a jamais été terminé et sur l’énorme base on a ajouté un minuscule clocher pignon. Nailloux compte cinq baies campanaires. Le nombre de baies est toujours impair : 1, 3, 5.
Le clocher mur à tourelles est plus important par son volume : Montgiscard, Montesquieu, Villenouvelle, Villefranche. Les deux derniers sont des bastides (villages neufs du XIIIe siècle).
Les clochers tours octogonaux correspondent à de gros villages. Ils sont coûteux, avec une base à quatre côtés (Saint Léon) ou huit, exemples : Saint Papoul, Castelnaudary, Caraman, Revel, Castanet ; le plus célèbre : Avignonet.
Les clochers peignes sont rarissimes : à Plaigne et Les Cazazils.
Circuit 3 : À la découverte de la vallée de l'Hers mort
(depuis Castanet jusqu’à Port-Lauragais et Naurouze sur la piste cyclable, à vélo ou VTT). Un coup d’oeil rapide sur la carte Michelin nous montre la fonction essentielle de cette vallée. Un couloir où s’entassent les voies de communication, depuis la voie romaine (via aquitania) jusqu’à la RN 113 et l’autoroute des Deux Mers (A 61), le canal de Riquet (1981), le chemin de fer Toulouse-Narbonne (1857), la route aérienne de l’Aéropostale (1920-1940). La piste cyclable que nous empruntons est érigée sur un terrier c’est-à-dire sur les terres enlevées lors du creusement du Canal, appelées aussi "francs-bords". Un détail : le lit du canal est moins large sur le tronçon Toulouse-Castanet que la partie Montgiscard-Villefranche. Les écluses ont un ou deux bassins. Elles ont été mutilées, en 1978-1980, par le désir de faire circuler des barques de 38,5 mètres (gabarit Frayssinet) mais ces travaux n’ont strictement servi à rien. Jamais un bateau de ce type n’a été utilisé. L’écluse du Sanglier est demeurée intacte, avec toute sa splendeur ainsi que les autres de Castelnaudary et l’escalier (4 bassins) de Saint-Roch. Les ruisseaux affluents de l’Hers (rive gauche) se glissent sous le canal grâce aux Aqueducs de Vauban, au total : 49, de Toulouse à l’étang de Thau. Cette balade sur la piste cyclable nous permet de découvrir différents types de villages, trois principaux : villages Gallo-romains, bastides, des castra (castrum au singulier).
Montesquieu : le pont de Bigot sur l'Hers
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Les villages reposant sur des bases gallo-romaines sont Eburomagus (Bram), Sostomagus (Castelnaudary), Badera (Baziège). A Baziège, la voie romaine est très bien connue entre le village et Montgiscard où elle traverse la vallée marécageuse de l’Hers sur des ponceaux (ou pountils). Dans l’agglomération, elle semble correspondre à la "Grand Rue" ou rue principale. A Castelnaudary il faut visiter le musée du Présidial. A Bram un musée vient d’être créé récemment avec de nombreux documents sur la période gallo-romaine (du Ier siècle avant JC jusqu’au Ve après JC).
Les bastides sont des villages forteresses datant du XIIIe siècle, mais aussi du XIVe comme Revel (1342), Labastide d’Anjou (1376). Ces agglomérations sont créées de toutes pièces dans une nature vierge, une forêt par exemple, avec un plan préétabli, un plan en damier, des rues droites, une place avec une halle et un beffroi, des murailles percées de deux ou quatre portes, des galeries couvertes pour le marché : exemple les couverts de Revel. Le fondateur est le roi de France qui appuie son pouvoir sur un territoire récemment annexé, sur ce Lauragais hérétique et cathare. La bastide et sa garnison de soldats est le symbole de la conquête royale. Dans notre balade, Villenouvelle est bien reconnaissable avec son plan en damier, son église ouverte sur la rue principale (l’actuelle 113). Villefranche avec ses franchises (avantages financiers octroyés pour peupler la nouvelle agglomération) la rue principale du XIIIe siècle est toujours la grande voie des commerces (rue de la République). Je pense aussi que c’est le tracé de l’ancienne voie romaine.
La vallée de l’Hers est dominée par d’autres villages médiévaux, anciennes forteresses aux noms évocateurs : Montgiscard, Montgaillard, Montesquieu, Montbrun, surtout Montferrand, Montgeard, Montclar. Il s’agit de forteresses dominant, par leur site, la vallée et contrôlant ainsi la circulation sur la voie romaine. Ils sont tous au sommet de collines faciles à défendre. Le fond de la vallée était couvert par une immense forêt marécageuse où vivaient des aurochs au IXe siècle, c’était la forêt de Baziège-Saint Rome. La forteresse de Montferrand est toujours bien visible par la base des murailles soutenant l’ancien château et aujourd’hui le phare de l’Aéropostale. C’était une des clefs du grand passage du seuil de Naurouze. Vers l’Ouest, ce col était contrôlé par Avignonet et Montfer-rand, vers l’Est par Castelnaudary et Labastide d’Anjou (une bastide de 1376).
Laurac a donné son nom au Lauragais dont il fut la capitale |
Circuit 4 : Depuis Revel, promenades dans la piège
La Piège est la très petite région lauragaise autour de Salle sur l’Hers et à l’Est de Belpech et les communes à l’Ouest de Fanjeaux. Economiquement, c’est une contrée médiocre, beaucoup de forêts, de bois, de friches. Le trait essentiel est la faiblesse de la population : le canton de Salles est l’un des moins peuplés du département de l’Aude. Par contre la Piège est sauvage et pittoresque. C’est ici que l’on découvre Laurac Le Grand, ancienne "capitale", qui a donné son nom au Lauraguès, c’est à dire la région autour de Laurac. Le village, tout petit, magnifique est circulaire (une circulade) et se développe autour de l’église actuelle occupant, elle, l’emplacement de l’ancien château médiéval aujourd’hui disparu. Une muraille est célèbre : "le mur de Blanche", Blanche de Laurac est une seigneuresse célèbre de ces lieux lourdement chargés d’histoire appartenant à la puissante famille cathare des Laurac au XIIIe siècle. Une autre femme à connaître est Guiraude de Laurac, seigneuresse de Lavaur, torturée et suppliciée par les Croisés de Simon de Montfort (jetée vive dans un puits) en 1210 lors du siège de la ville et le plus grand bûcher de la Croisade : 400 victimes.
Laurac est le symbole émouvant des pillages et des massacres durant la Croisade contre les Cathares 1209-1229.
Quelques châteaux sont peu connus du grand public : Baraigne, Antioche, Belflou. Baraigne, au Nord du lac de la Ganguise, près d’une des sources du Fresquel. Le château récemment restauré est une très belle construction du pastel (XV-XVIe siècle). L’église romane est très pure. A signaler aussi, une riche collection de stèles discoïdales au cimetière et contre les murs de l’église.
Antioche la mystérieuse est à 3,5 km de Payra sur l’Hers, au Sud Est. Payra est à 5 km à l’Est de Salles. Vous chercherez en vain Antioche sur les cartes, il s’agit du château appelé "La Tour". Son nom est celui d’une très grande ville de Turquie, près de la frontière syrienne. En 2007, elle s’appelle Antakya. Son passé est très brillant avec sa création qui remonte à ?301 avant J.C.
Le Lauragais est aussi appelé le pays aux mille collines, ici les collines de la Piège |
Très grand centre économique et surtout commercial, intégrée dans l’Empire romain en 64 avant J.C, elle est le débouché des caravanes qui, de la Mésopotamie gagnaient la Méditerranée. Lorsque la première Croisade se présente devant la ville, elle éblouit le chef de cette armée Raimon IV de Toulouse qui contemple les remparts de la ville comportant 400 tours de défense, donc rien de comparable en France ou en Europe. Antioche et sa région forment ensuite un état latin et chrétien sous le nom de "Principauté d’Antioche", en 1268 la ville retombe aux mains des musulmans.
Ce sont vraisemblablement les Croisés revenant de Terre Sainte qui ont choisi le nom prestigieux d’Antioche et ont baptisé le castrum du même nom. Ce château devait présenter une grande importance, avec une église, un cimetière, des maisons. Le castrum appartenait, au XIIIe siècle, à la famille du Mas (Sainte Puelles). L’importance d’Antioche apparaît encore dans le choix que fait l’Eglise catholique en lui attribuant un curé qui devient évêque d’Avignon en 1336, puis de Mirepoix en 1349. Il s’appelle Jean de Cojordan, né à Belpech. A sa mort, sa dépouille est transportée dans l’église de Belpech où elle repose depuis.
Autre évènement historique intéressant à Antioche : en mai 1242 des chevaliers cathares faydits (dépossédés) descendent de Montségur pour aller à Avignonet massacrer les Inquisiteurs et leur suite. Ils couchent à Antioche, et leur chef, Pierre Roger de Mirepoix, ne va pas jusqu’à Avignonet : il attend leur retour au castrum d’Antioche. Chez les historiens du catharisme, ce châ-teau est très célèbre. Le bâtiment actuel témoigne de sa splendeur passée. L’ensemble a gardé belle allure malgré plusieurs démantèlements qui n’ont laissé subsister qu’une très haute tour, sur les six du château féodal. On connaît l’emplacement de l’église, entièrement disparue et du cimetière. Des restes d’une enceinte sont encore visibles. De vastes forêts font un écrin médiéval à cet ancien castrum.
Belflou est à 3 km au Nord Ouest de Salles, à proximité du lac de la Ganguise, deux châteaux nous intéressent : la Barthe (près du lac) et le bâtiment près du village. La Barthe possède un très beau portail du XVIIe siècle et surtout une énorme stèle discoïdale que j’appelle "l’homme de Belflou". La plus belle du Lauragais par la perfection de la taille, du XIVe siècle (gothique).
La forêt d'Antioche |
"L'homme de Belflou" (Aude) |
Le château du village vient d’être l’objet d’une étude très précise par un spécialiste d’archéologie (J.P Cazes) et d’une splendide restauration en 2004-2005 (lettre d’archives privées). Le nom de Belflou apparaît sous la forme Valflour (toponyme roman) dans un texte de 1206. Le castrum est appelé aussi Saint Félix de Lanès. Au début du XIIIe siècle, le château se développe dans l’orbite de celui de Laurac car l’inféodation est faite par Aimeric de Roquefort, dernier seigneur de Laurac et pendu, avec ses 80 chevaliers, par Simon de Montfort après le siège de Lavaur (1210). Parmi les témoins de la charte, nous relevons le comte de Foix, Raimon Roger, d’où l’importance de Belflou au XIIIe siècle. Le château passa ensuite aux mains du comte de Toulouse puis sous le contrôle direct des rois de France. A la fin du XIIIe siècle, Belflou est intimement lié à la famille De Fontaines qui conserve la seigneurie jusqu’à la Révolution de 1789. Les bâtiments actuels sont splendides et classés à l’Inventaire des Monuments Historiques. Leur histoire est très complexe, avec de multiples démolitions et remaniements au cours des siècles, du XIIIe au XIXe. Il semble qu’une partie des bâtiments actuels, le mur méridional de l’aile occidentale, la grande tour rectangulaire, puissent remonter au XIIIe siècle. Le XIVe siècle voit une importante phase de reconstruction et d’agrandissement de la partie résidentielle avec l’édification d’un grand corps de bâtiments rectangulaire à l’Est. Le mur d’enceinte et la tour Sud-Ouest peuvent être attribués à la même période qui suit probablement la prise de possession du site par la famille De Fontaines. L’époque moderne voit divers aménagements qui touchent les ouvertures et les niveaux intérieurs. L’essentiel est donc des XIIIe et XIVe siècles. En conclusion : un des plus beaux châteaux de la Piège et du Lauragais.
Continuez votre balade jusqu’à Belpech pour admirer l’église et son célèbre portail roman.
Le portail roman de Belpech est un joyau de la période romane |
Jean ODOL
Bibliographie :
Jean Odol : "La chevauchée des faydits cathares" sur Antioche - 2005
La correspondance du propriétaire de Belflou - archives privées
Jean Paul Cazes : "Le château de Belflou" - 2004 avec bibliographie ; "La Piège au Moyen Age" - 1997
Marielle Nicephor : "Les châteaux du Lauragais du XVIe au XIXe siècles" - Thèse
Jean Ramière de Fortanier : "Les droits seigneuriaux dans la sénéchaussée du Lauragais" - 1981 - pages 137-138