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Sébastien Le Prestre de Vauban : l’homme
Issu de la petite noblesse du Morvan, il est au service de Mazarin en 1653. Il s’occupe du génie. Puis il est nommé ingénieur ordinaire du roi en 1655. Honnête, laborieux, habile dans toutes les techniques, il est protégé par Louvois et distingué par Louis XIV, qui le charge de couvrir les frontières de fortifications. Ses très nombreux ouvrages, enterrés, sont efficaces. Il dirige aussi de nombreux sièges de places fortes ennemies : "une place forte assiégée par Vauban est une place prise".
Son oeuvre est immense
Il a construit 150 places fortes dont 33 élevées ex nihilo. Pour la candidature à l’UNESCO, on n’a retenu que 15 ensembles, tous (sauf un) situés en France : Arras, Besançon, Briançon, Camaret sur Mer, Longwy, Mont Dauphin, Mont Louis, le Palais à Belle Ile, Saint Martin de Ré, Saint Vaast la Hougue, Villefranche de Conflent, ainsi que la trilogie bordelaise : Blaye, Cussac, Fort Médoc et le duo rhénan Neuf-Brisach (Alsace) et Breisach-am-Rhein (Bade), mais aussi Bazoches (Nièvre) l’ancienne propriété du maréchal, qui y est enterré, et deux ouvrages civils liés au canal du Midi. Les forteresses les plus proches du Lauragais sont Mont-louis, Villefranche de Conflent, Bellegarde (au-dessus du Perthus), Port Vendres, Collioure, Bayonne, Socoa.
Vauban : un philosophe des Lumières
Vauban est l’homme qui connaît le mieux la France, en ce début du 18ème siècle et témoignant aux civils la même humanité qu’à ses soldats, il déplore l’appauvrissement qui suit les guerres interminables du règne. Ayant son franc-parler, même à l’égard de Louis XIV, il lui adresse des mémoires qui signalent les conséquences fâcheuses de la révocation de l’Edit de Nantes de 1685 (disparition autoritaire du culte protestant) comme le soulèvement des paysans des Cévennes, les Camisards (1701-1710), qui tiennent en échec l’armée du roi. Vauban est un philosophe des Lu-mières, ce grand courant de pensées politiques : la liberté (contre l’absolutisme), fiscale, l’égalité devant l’impôt. Il fait imprimer, sans autorisation, son livre en 1707 "Projet d’une dîme royale" qu’il avait sans succès présenté au roi. Il préconise un impôt unique, payé par tous les Français, y compris le clergé et la noblesse. Nul n’en serait exempté. Il serait levé en nature et par des agents du roi. Donc un projet de résolution spectaculaire qui conduit Vauban à la disgrâce, l’année de sa mort (1707). Ses idées seront reprises par la Révolution de 1789.
Les travaux de Vauban
Les fortifications sont nouvelles avec des murs à ras de terre (Salses), des fossés, des forteresses à double ou triple enceintes, en pierres ou en terre, avec des parallèles d’attaque, tirs à ricochet. On lui doit encore une perfection dans l’armement : la baïonnette à douille (1703). Il est le sauveur du canal du Midi, avec sa venue sur les lieux en 1685-86. A Saint Ferréol, il fait hausser la digue de plusieurs mètres et porter ainsi la capacité de la retenue de 5 à 6 millions de mètres cubes. Aux Cammazes, il modifie le tracé de la Rigole de la Montagne (qu’avait prévu Riquet) en creusant "la Voûte de Vauban", tunnel de 124 mètres de long, dans lequel s’insinue la Rigole. Il fait construire des contre-canaux au canal, c’est à dire des nauzes (grands fossés) recueillant les eaux des ruisseaux et fossés et les conduisant à l’aqueduc le plus proche. Il fait modifier le Profil des Terriers par une pente orientée vers l’extérieur de la levée pour éviter le ravinement lors des orages et le glissement des terres dans le lit de la voie d’eau. Il met au point le projet de jonction du canal, depuis le Somail, avec la Robine de Narbonne. Les travaux auront lieu vers 1780, d’où la construction du réservoir du Lampy pour alimenter cette jonction et la Robine.
Divers croquis et plans d'aqueducs |
Parmi ces travaux, retenons aussi les aqueducs qui sont appelés indifféremment aqueducs, ponts-aqueducs, ponts-canaux, ou même simplement ponts. Le mot aqueduc est toutefois utilisé principalement pour les petits ouvrages. Le pont-canal sert surtout à désigner celui qui est connu comme un véritable pont, tel le pont-canal sur l’Orb à Béziers qui fût le dernier construit, au 19ème siècle. Riquet avait l’obsession de manquer d’eau pour le remplissage et le fonctionnement du canal, en ayant comme exemple, le canal de Briare (de la Loire à la Seine, par l’intermédiaire du Loing), inauguré en 1642 et où toute navigation s’arrêtait pendant deux mois d’été (juillet - août) par manque d’eau. Il avait imaginé de faire déverser directement les ruisseaux et rivières, dont le lit a été tronçonné, dans le canal. Ces petits cours d’eau connaissent des crues très dangereuses lors des orages estivaux et comblent rapidement, et partiellement le lit du canal par des apports de terres, sables, limons. La navigation inaugurée en 1681 devient très dangereuse ; certains pessimistes parlent d’abandonner le canal à demi ensablé ou de construire d’autres aqueducs, tel celui de Répudre qui fonctionnait très bien (il avait été construit par Riquet).
Le Canal de Ticaille noyé dans la verdure - Crédit photo : Josiane Lauzé
Louis XIV envoie Vauban sur les lieux en 1686
Riquet était mort en 1680. L’ingénieur reprend tous les projets d’aqueducs, ramène leur nombre de 60 à 49 et fait activer les travaux qui dureront cependant jusqu’en 1695.
Voici la liste complète des aqueducs de Vauban (voir ouvrage d’Adgé p. 135) entre Agde et Tou-louse : Saint Victor, Malpas, Eltou, Poilhes, Guerry, Saint Pierre, Saisse (ou Capestang), Notre Seigne (près Capestang), Roubiolas, Malviès, Quarante, Sériège, Frénicoupe, Cesse, Delfieu, Ventenac, Saint Paul, Roubia, Argens, Pechlaurier, Basanel, Argentdouble, Ribassel, Saint Martin, Mercier, Millegrand, Saint Félix, Orbiel, Déjean, Trapel, Arnouse, Saume, Sauzens, Delfay, Lespitalet, Rebenty, Mezuran, Tréboul, Baragne, Radel, Lers (Villefranche), Gardigeol, Négra, Encons, Aiguesvives, Nostre Seigne (Montgiscard), Rieumory, Castanet, Madron. C’est l’ancien em-ployé de Riquet, Dominique Gilade, qui obtient l’adjudication des aqueducs de Toulouse à Car-cassonne dont ceux proches de Baziège, Villefranche (l’Hers) et Castelnaudary. Gilade a laissé son nom à l’aqueduc d’Ayguesvives : "L’aqueduc de Gilade". Les constructions sont adaptées à la puissance et au débit du ruisseau par l’aménagement d’un tunnel ou voûte, généralement 2, parfois 3, très rarement 4 comme à Rebenty. Une voûte a une pente faible (1%) ; les dimensions : 1,5 m de diamètre environ, variable selon le ruisseau. Du côté amont une cale avec un bassin de décantation. Idem du côté aval, les murs sont très solides (1m d’épaisseur) et dépassent de quelques centimètres (20) à peine la surface de l’eau du canal, ainsi ce mur sert d’épanchoir lors d’un violent orage et écoulement dans la partie aval du ruisseau. Tout est prévu dans les caractéristiques de cette merveille qu’est le Canal : l’alimentation, certes mais aussi l’évacuation des trop pleins lors des orages lorsque les eaux du canal montent dangereusement, ou les crues des ruisseaux (avec les épanchoirs). Des aqueducs sont également construits sur les Rigoles d’alimentation.
Le départ des eaux pour l'Atlantique au Conquet Crédt photo : collection Jean Odol |
La maison de l'éclusier, atant de 1758 (gravé dans le linteau de la porte) Crédit photo : Josiane Lauzé |
Vauban mérite bien l’hommage que nous lui rendons et seulement pour le canal du Midi ; en 2007 de nombreuses manifestations sont prévues en Lauragais. A Baziège, les Floréales du mois de mars lui seront entièrement consacrées avec exposition des Voies Navigables de France (VNF) et plusieurs conférences. Pour les Médiévales le matin, Vauban recevra les éloges de plusieurs spécialistes. D’autres manifestations auront lieu à Toulouse, Revel et Castelnaudary.
Jean ODOL
Bibliographie :
- Bergasse : "Le canal du Midi" Edition du tricentenaire 1981 - 4 tomes
- Loubatières : "Le Par-tage des eaux" par Marconis-Marfaing-Rivals