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Couleur Lauragais : les journaux

La voix de nos villages : les cloches

Aujourd’hui les cloches sont associées aux fêtes de Pâques ; c’est parce que les trois derniers jours de Pâques marquent les trois derniers jours du Christ sur terre. Au VIIIème siècle, afin de commémorer dans le recueillement cet événement fondateur de la religion chrétienne, l'église interdit de sonner les cloches durant ces trois jours.
Depuis cette époque, on raconte aux enfants que les cloches sont parties à Rome pour la bénédiction papale. Lorsqu'elles reviennent, elles battent à toute volée et répandent des œufs colorés dans le jardin. Si bien que souvent les œufs étaient rouges : c'était parce que les cloches avaient vu à Rome les cardinaux assemblés dans leur robe de cérémonie. Dans notre Lauragais, on trouve de nombreuses églises agrémentées de magnifiques cloches ; Odette Bedos évoque pour nous la fonction de ces cloches dans nos villages.



Clocher typique du Lauragais

La vie rurale au rythme des cloches

"C’est la cloche chrétienne qui sonne à toute volée vers les quatre horizons...." (d’après Paul Claudel).
Chez les Catholiques, l’appel à la prière de dévotion ou "Angelus" se manifestait par un signal sonore déclenché manuellement par un préposé trois fois par jour : matin, midi et soir. Le chiffre trinitaire caractérise cette religion.

"L’angelus" de Millet - A l’heure de l’Angelus, les paysans cessent leur labeur afin de prier

La cloche, instrument sacralisé, jouait aussi le rôle laïque de crieur public, afin d’informer les populations.

Bien avant l’horloge parlante, la vie rurale était rythmée par cet appel sonore religieux.

Levés dès l’Angelus du matin, à midi les métayers arrêtaient leur "paire de labour" (attelage de boeufs) pour rentrer au foyer. (cf. L’Angelus de Millet).
Il y a encore moins d’un siècle de cela, les enfants de la commune sortaient joyeusement de l’école.
L’Angelus du soir marquait la fin de la journée de labeur. On rentrait le bétail, on fermait les échoppes. Le marteau cessait de taper sur l’enclume. C’était le moment d’allumer les lampes pour la prière du soir en famille.


Le mécanisme de la cloche

Le préposé

Dans nos villages du Lauragais, le sonneur de cloches ou "campanhè" était rétribué par le Conseil de fabrique ou groupe pastoral local, selon une tradition médiévale qui a perduré jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Cette fonction était souvent remplie par une femme. (voir notre article sur la carillonneuse de Fanjeaux, Couleur Lauragais n°11).
Le "campanhè" se rendait trois fois par jour à l’église par tous les temps, afin de tirer sur les cordes de chanvre selon une technique séculaire transmise de génération en génération. Il mettait ainsi en mouvement le "mouton", grosse pièce de bois tenant l’une des trois cloches adaptée au moment et à la circonstance. (voir schéma)

La cloche

Cet instrument sonore métallique, en bronze ou en airain, en forme de vase renversé, genre de corne d’abondance, est muni d’un marteau, le bateau, qui le met en vibration par traction sur la corde.
A l’origine, en latin chrétien, "signum" désignait cet instrument appelant à la prière. L’usage en remonte à l’ère chrétienne (époque des carolingiens), et s’est développé autour de l’An Mil (début du Moyen-Age), époque de la construction des églises et des cathédrales, afin de célébrer le culte catholique.
Au Moyen-Age, l’église sacralisa cet instrument par le baptême. Le curé du village, assisté d’une marraine (la chatelaine ou une autre pratiquante lettrée) lui donnait son prénom que l’on gravait dans le métal. Par exemple Dame Blanche de Montclar fit don de sa vaisselle d’argent pour fondre une cloche dédiée à Saint-Hilaire, patron de ce village.
Mission religieuse
Selon la façon de tirer sur la corde et la fréquence du mouvement, la cloche émettait le signal sonore de circonstance : joyeux ou triste. Elle carillonnait pour Noël et pour Pâques. Plus discrètement, elle appelait les aïeules à la messe de sept heures, et les enfants aux vêpres.

Fonction laïque

La cloche donnait l’alarme par le tocsin, avertissait d’un incendie, d’une guerre, et annonçait l’armistice. Selon la coutume lauragaise, la sonnerie des cloches éloignait les orages porteurs de grêle, calamité du temps. En complément des cloches, il était d’usage d’invoquer Sainte Agathe, martyre sicilienne protectrice des récoltes.

Tradition rurale du Lauragais

Tous les 16 Août, la cloche conviait les paysans du Lauragais à conduire leur attelage sur la place de l’église pour la Saint Roch (martyr de Montpellier du XIVème siècle). Le prêtre bénissait les boeufs, précieux auxiliaires au joug enrubanné de feuillages de maïs pour l’occasion.

Cloche de l’église de Montgeard

Les clochers murs des paroisses du Lauragais

Le clocher trinitaire (à trois cloches consacrées) caractérise les églises locales. Au-dessus du porche, un épais mur de briques en rose toulousain ou "chafrénad", abritait trois cloches dans des baies campanaires en forme de mître d’évêque (voir l’article sur les carillons de Baziège et Villefranche dans le Couleur Lauragais n°32).

Que nous soyons croyants ou non, on peut affirmer que la cloche a rythmé la vie de nos ancêtres. Aujourd’hui, la sonnerie des cloches est automatisée. Le carillonneur a disparu, la cloche perdure.
Si les bâtiments du culte appartiennent au diocèse, les municipalités participent à leur entretien et à la réfection des cloches. Cette collaboration est motivée par le souci de conserver notre patrimoine.

Texte, dessins et photo
Odette BEDOS

Couleur Lauragais n°81 - Avril 2006