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Couleur Lauragais : les journaux

Folklore du Lauragais au 19ème siècle

Hubert Couget, maître d’oeuvre du félibrige, participe dans la lignée de Frédéric Mistral (inventeur du Félibre en 1850) au mouvement qui s’est donné pour but de maintenir la tradition dans toute l’Occitanie. En cette période de fin d’année, propice à la fête et à la danse, il nous raconte les danses traditionnelles qui étaient pratiquées au 19ème siècle.

Le rôle de la danse

La danse est pratiquée pour de multiples raisons qui dépendent du mode de vie, du travail ou des croyances de chacun. On danse pour s’assurer une bonne récolte, on danse pour honorer les saints, pour fêter un mariage ou encore de façon utilitaire pour tasser la terre d’un sol battu. Enfin, on danse pour se détendre par exemple après avoir effectué un travail pénible.


Un joueur de Boudègue
Crédit photo : Couleur Média

Les instruments de musique pour accompagner les danseurs


A cette époque, les danses de la jeunesse se distinguent des danses de l’enfance par la présence des instruments. Ceux qui étaient en usage alors étaient :
- La Boudègue (cornemuse), celle qui a disparu la première et qui était cantonnée dans certaines localités,
- L’Amboueso (hautbois sans clef),
- Le Pifre (fifre), auquel venait se joindre parfois la Clarinetto (la clarinette), le Violoun (violon) et la Violo (vielle),
- Le Tambourn (tambour) et la Bombo (grosse caisse) servaient d’accompagnement en martelant la cadence.


Aux reprises ou dans certaines danses, la voix des danseurs se mêlait au son des instruments, et souvent on modulait l’air avec le classique tra, la, la. Lorsque les instruments faisaient défaut, on dansait en chantant quelques paroles entremêlées du tra, la, la. C’était la "Dansa al soun de la garganto" (la danse au son de la gorge).

Les danses traditionnelles

Au début du 19ème siècle, les danses se pratiquent en cercles fermée ou sous forme de chaîne :

- Les Roundos (rondes) sont la continuation des rondes de l’enfance : Digo Janeto (dis-moi Janette), la Troumpuso (la trompeuse), l’Ingrato Pastourelo (l’ingrate bergère).

- Le Ramelet (petit rameau), était une ronde qui se dansait à la fin du bal. Chaque deux couples formaient d’abord une ronde, puis les rondes particulières se fondaient en une seule ronde générale. Au bout de quelques tours, les rondes particulières se reformaient ressemblant à des rameaux détachés du tronc, d’où le nom donné à cette danse. Nous savons que cette danse se dansait en Lauragais comme à Toulouse en 1846, puisque Vestrepain(1) dit dans la Balotcho de Sant Subra (Las espigos de la lengo moundino, p.124) : "Jamay pus nou s’est bist filhos tant degourdidos per fa les ramelets, ni goujats tant laugiers, per fa la piroueto a l’aunou de lours belos !" (Jamais ne s’est vu plus de filles aussi dégourdies pour faire la la danse du ramelet, ni garçons aussi légers pour faire la pirouette en l’honneur de leurs belles !). De plus, dans le glossaire qui termine son ouvrage, l’auteur explique : Ramelet, danse en rond.

- La Farandolo : la Farandole n’était guère pratiquée que dans la partie orientale du Lauragais et fut l’une des premières danses à disparaître. On sait que pour danser la Farandolo on formait une chaîne dans laquelle filles et garçons alternaient, puis cette chaîne se déroulait en longs rubans sur les places, les rues et les carrefours.

- le Branle ou la Trallo (elle s’appelait aussi Bralle) : les couples se mettaient les uns à la suite des autres, leurs mains entrelacées. A un signal donné, le premier couple se mettait en "branle" en pirouettant sur lui-même et en avançant ; le second le suivait et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les couples aient formé une ronde libre. De temps en temps, on chantait : Trallo-trallo tout se debrallo, trillo-trillo, tout se debrillo !



La trallo ou le Branle
Crédit photos : Collection H. COUGET

- le Rebiroulet (pirouette) : une danse typiquement lauragaise. Un danseur se plaçait entre deux danseuses, prenait de la main gauche sa danseuse du même côté et après avoir exécuté un tour avec elle en se tenant par la main, la remettait en place. Puis il prenait avec sa main droite sa danseuse du même côté et faisait avec elle un tour complet comme avec la première, puis il exécutait un mouvement en sens contraire de manière à faire changer sa danseuse de place, ce qui le forçait à revenir sur lui-même (Rebiroula). Au milieu de ce manège, on chantait : Rebiroulet es un paoure ome, quand a dinat, n’a pas soupat... ah ! Plagnets le... Rebiroulet… (Rebiroulet est un pauvre homme, quand il a diné, il n’a pas soupé...ah ! plaignons le... Rebiroulet...).

- la Bergereto (la petite bergère) : un danseur et une danseuse se placent l’un en face de l’autre et s’avancent en se saluant ; puis ils se retournent et s’éloignent à reculons et rétrogradent toujours à reculons jusqu’à ce qu’ils se touchent, alors on se retourne et l’on bat ses mains contre les mains de son vis-à-vis. Cela fait, on s’éloigne un peu et l’on s’avance de nouveau. Enfin, quand on est près l’un de l’autre, le danseur embrasse sa danseuse.

- le Bourril : un danseur et une danseuse se placent en vis-à-vis et s’avancent lentement l’un vers l’autre en sautillant. Puis, ils se saluent en frappant leurs mains individuellement, mais en même temps. Ils se relèvent, se tournent le dos et se saluent de nouveau dans cette position tout en frappant des mains comme la première fois. Cela fait, ils se retournent, se prennent par une seule main et les bras presque tendus, décrivent un cercle.


Une danse improvisée
Crédit photo : Collection H. COUGET

La disparition progressive des danses traditionnelles

A partir de 1830, les danses traditionnelles sont remplacées progressivement par les danses à la mode venues des pays de l’Europe de l’est ou du nord : la Valso (la valse), la Polka, la Varsouvieno (varsovienne)... Le Quadrilh (quadrille) se composait d’un pot pourri d’airs populaires : la quatrième figure avait pour nom la Menayro (la meneuse) parce que le danseur amène deux danseuses par la main. La cinquième figure avait pour nom la Galoupayre ou la Degourdido.
Désormais, on va danser en couple et non plus pratiquer des danses collectives.
Les instruments qui servaient d’accompagnement aux danses traditionnelles vont disparaître pour faire place aux instruments en cuivre. Leur introduction va entraîner la disparition des chants de danse, car ils se suffisent à eux mêmes pour le chant et l’accompagnement.

Hubert COUGET
Art Populaire Occitan
L’Ostalet Toulouse
Mestre d’abro du Felibrige

(1) Louis Vestrepain, célèbre bottier et poète toulousain auteur de "La balotcho de Sant Subra" (la fête locale de Saint Cyprien) en 1846.

N.B. Hubert Couget nous dit : "Je dois beaucoup de ces informations à Marguerite Dufaur "la Dame de Caraman" auprès de qui j’ai fait de nombreuses découvertes sur notre folklore lauragais : chants, danses, coutumes, costumes. Marguerite Dufaur détenait de nombreuses informations de son ami Pierre Laroche (dit P. Fagot, auteur en 1891 de l’ouvrage "Folklore du Lauragais") qui lui avait offert une suite de documents manuscrits et que j’ai eu l’honneur et le plaisir de consulter".

Bibliographie :
Franck Tanneau : "Les baloches toulousaines" Mémoire de maîtrise

Couleur Lauragais n°78 - Décembre 2005/Janvier 2006