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Couleur Lauragais : les journaux

Beauville d’hier à aujourd’hui

Loin des turbulences qui agitent le monde moderne, le petit village de Beauville est situé sur la route de Revel, non loin de Caraman, Labastide-Beauvoir et Villefranche.
La quiétude qui y règne aujourd’hui, unissant les 140 habitants à l’occasion des nombreuses manifestations organisées par le Comité des fêtes, a-t-elle toujours fait le quotidien des Beauvillois ?


Crédit photo : Guy Alibert

Des recherches historiques tendent à montrer que non… L’ancienne motte féodale devenue seigneurie a connu, lors des affrontements entre Catho-liques et Protestants, la violence et la destruction.
Voici l’histoire, d’hier à aujourd’hui, d’un hameau du Lauragais, ouvrant une nouvelle série d’articles consacrés aux villages qui font l’identité de notre Pays, à l’ombre des grosses bourgades dont "Couleur Lauragais" a brossé le portrait dans ses précédentes éditions.

Beauville hier : les métamorphoses d’un village

Beauville présente une particularité. Le cœur du village, qui s’organise autour de la mairie et de l’église, se situe en contre-bas d’une colline. Au sommet de cette même colline se trouve le lieu-dit de "La Tour", d’une importance quasiment égale à celle du village. Pourquoi une telle symétrie ?
Il est impossible de savoir à quand remonte le premier foyer de peuplement qui se serait installé sur les terres de l’actuelle commune. Des fouilles ont mis au jour une voie gallo-romaine qui suivait une ligne sud-est / nord-ouest, sans pour autant attester la présence d’habitations. En revanche, une prospection aérienne a démontré que le site de "La Tour" n’est pas anodin. Espace arrondi et surélevé, délimité par des talus, il constitue un emplacement typiquement médiéval : une motte castrale (au Moyen Âge, un emplacement aménagé sur une hauteur où l’on bâtissait une agglomération fortifiée). "La Tour", site stratégique qui domine les vallées de la Saune et de la Marcaissonne, n’est autre que l’emplacement qui, au Moyen Âge, accueillait le village de Beauville. Nous devons donc remonter dans le temps et parcourir les archives pour mieux comprendre la configuration actuelle du village.

Qui dit castrum dit fortifications, qui dit fortifications dit seigneurie

Le nom de Beauville apparaît pour la première fois dans un texte de 1257 qui recense des confiscations de biens pour hérésie. L’histoire seigneuriale du village, quant à elle, est mentionné en 1271 dans un document qui atteste que les trois consuls de "Bovevilla" prêtent serment de fidélité au roi. S’ensuivront alors des changements dans le rattachement de la commune à un ensemble plus vaste. En 1279, Philippe III désignera la baronnie comme partie du temporel des évêques de Toulouse. Au XVe siècle la seigneurie de Beauville est rattachée au nouveau comté de Caraman : en janvier 1484, Charles VII attribue à son cousin, Jean de Foix, vicomte de Caraman, le comté de Caraman ainsi que les trois baronnies de Saint-Félix, Auriac, Beauville.

La tour de Beauville
Crédit photo : Collection Mairie de Beauville

Au XVIe siècle enfin, l’histoire du village est marquée par les troubles qui opposent Catholiques et Protestants. On en apprend un peu plus sur l’aspect du village. Les archives nous indiquent que des troupes, parties de Castres le 15 juin 1580, prennent le 30 juin le château de Beauville. L’église Saint-Jean de Beauville - annexe de l’église de Toutens -, qui se trouvait dans l’enceinte du château est pillée et détruite. S’il ne reste rien aujourd’hui de cet édifice religieux, on peut en revanche toujours voir la base de l’une des tours du château. Un témoignage du XIXe siècle nous indique même qu’à cette époque le vestige de la tour (auquel le lieu-dit devra son nom) atteignait 14 mètres de hauteur et portait encore en son flanc les traces d’impacts de boulets.
L’actuel lieu-dit de "La Tour" est donc l’empreinte du passé, la trace d’un ancien barry qui fut le village d’origine.
Ce n’est en effet qu’après ces pillages et destructions que l’on décida de reconstruire l’église et de l’implanter cette fois en contre-bas de la colline, peut-être pour mieux la protéger. Des habitations ont peu à peu vu le jour le long de la route qui menait à l’église, ce qui forme de nos jours le "hameau de l’église", actuel cœur du village.

Beauville aujourd’hui : le village où il fait bon vivre

Loin de l’inflation démographique qui frappe quelques communes alentours, Beauville a su conserver son caractère authentique. Sa population augmente tranquillement, au fil des ans, au gré des arrivées de nouveaux habitants qui s’installent dans l’ancien habitat agricole. Peu de constructions récentes, un habitat rural revalorisé, confèrent au village un cachet qui fait tout son charme.
Selon le maire, Gérard Fournier, la progression démographique, lente mais régulière, enregistrée depuis la fin des années 80 (qui avaient connu, comme le Lauragais dans son ensemble, une baisse significative du nombre d’habitants), est la meilleure garante d’une parfaite intégration des nouveaux administrés. "Beauville connaît une croissance raisonnée et harmonieuse de sa population, propice à la bonne intégration de chaque nouvel arrivant", explique le maire ; "de nombreux acteurs de la vie locale, que ce soit au Conseil municipal ou dans le milieu associatif, appartiennent à cette nouvelle population, constituée essentiellement de jeunes couples venus rajeunir le village depuis une quinzaine d’années." Aujourd’hui, la population de la commune est estimée à 140 habitants.
La qualité du cadre de vie ne suffit pas à expliquer le lien qui unit les Beauvillois. La vie associative, et notamment le dynamisme du Comité des fêtes, contribuent tout autant à rassembler les habitants autour de projets communs, ou plus simplement de bons repas…

4 000 arbres

Parmi ces projets, l’opération "Beauville en vert" a été initiée par la municipalité et les habitants en 1997. Cette réalisation, orchestrée notamment par l’association "Arbres et paysages d’Autan", s’est conclue par la plantation, en l’espace de quelques jours, de 4 000 arbres par plus de 60 personnes.
Au-delà d’une action symbolique, le projet "Beauville en vert" visait surtout à lutter contre l’érosion des terrains. La plantation de végétaux dont le système radiculaire maintient les talus et empêche leur effondrement constituait une solution écologique et économique à un phénomène qui entraînait de nombreux désagréments (fossés comblés, routes inondées…) dont les conséquences se révélaient parfois coûteuses pour la collectivité.



Arbre fruitier
Crédit photos : Couleur Média

Tous les habitants furent associés à cette opération. De multiples compétences ont été mobilisées : scientifiques, spécialistes de l’aménagement rural, agriculteurs… Le travail ne manquait pas : de l’élaboration du projet à la concertation des habitants, en passant par la réalisation proprement dite, de nombreux bénévoles se sont attelés à la tâche et ont refaçonné les talus, planté les arbres (choisis parmi les essences naturellement présentes dans la région, comme le prunellier, le frêne, la viorne…), et partagé, le labeur achevé, un mémorable cassoulet. Depuis, les arbres poussent, les fruitiers produisent des fruits, les talus ne s’effondrent plus sur les routes et les perdreaux sont revenus élire domicile dans ces frondaisons qui n’en attendaient pas moins.


Habitat préservé, patrimoine restauré

Au cours des dix dernières années, d’autres travaux ont été entrepris : rénovation et réaménagement des bâtiments publics (avec notamment la rénovation de la salle des fêtes), enfouissement du réseau électrique, participation à la restauration du patrimoine.
Les travaux de restauration de l’église, réalisés dans le cadre d’un chantier-école, touchent à leur terme. S’il reste encore les deux ailes du chœur à réhabiliter, le bâtiment a néanmoins très fière allure. Après la réfection de la toiture et la réalisation des réparations extérieures, le chantier a migré vers l’intérieur de l’église, où la décoration des murs a été restituée à l’identique.
Parmi les projets qui seront réalisés dans l’avenir, la restauration de la fontaine, alimentée par une source naturelle, et qui appartient au petit patrimoine rural sans lequel les villages perdraient un peu de leur âme.


La fontaine de Beauville
Crédit photo : Couleur Média


L'intérieur de l'église de Beauville
Crédit photo : Couleur Média



Les vitraux de l'église de Beauville
Crédit photo : Couleur Média

Au cœur du Lauragais

Tant par son histoire que par sa situation géographique, Beauville est ancré au cœur du Lauragais. C’est donc en toute logique qu’il adhère à la communauté de communes "Cœur Lauragais", qui regroupe 18 communes. L’inter-communalité ouvre à ce petit village des perspectives qu’il n’aurait pu envisager seul. Des projets de développement économique initiés par la communauté de communes, tant dans le domaine social (maison de retraite) qu’artisanal (zones d’activités), portent la promesse de créations d’emplois. Et la synergie liée à l’intercommunalité permet de réaliser des travaux dont le coût ne pourrait pas être supporté individuellement par chaque village.
Serrés autour de leur église au bourg, ou dominant les collines au lieu-dit de La Tour, les Beauvillois habitent dans un village "où il fait bon vivre". Un privilège qu’ils partagent avec les habitants de ces nombreux villages qui font la richesse du Lauragais, en préservant leur environnement naturel et l’authenticité de leur bâti, tout en s’engageant dans une politique de développement raisonné.

Gersende Cucurou
et Dominique Bardel

Couleur Lauragais n°76 - Octobre 2005