L’agriculture du Lauragais en 2005 |
Le Blé Crédit photo : Couleur Média |
Écrire que le Lauragais est le pays du blé est plutôt banal ; cependant, le blé lauragais a conservé un tel prestige de qualité que sur les emballages de certains gâteaux, on relève toujours, de façon précise : "fait avec des blés du Gers et du Lauragais". Cette étude n’a pas la prétention d’être exhaustive ; il s’agit du résultat d’une série d’enquêtes (une quinzaine) auprès d’exploitants agricoles que j’ai choisis en fonction de leurs productions, souvent récentes et originales, comme un élevage de vaches pour la production d’un fromage lauragais, ou encore l’élevage de chapons. |
Des conditions naturelles toujours favorables
Le climat du Lauragais permet une polyculture qui perdure depuis des siècles. Les précipitations voisines de 650-700 mm par an sont assez bien réparties dans l’année, bien que la sécheresse estivale de juillet-août se combine avec de fortes chaleurs, donc une intense évaporation nécessitant l’arrosage du maïs par exemple. La multiplication des lacs collinaires dans la partie occidentale du Lauragais permet l’aspersion d’immenses parcelles de maïs. Le vent d’autan est un obstacle insurmontable pour les cultures fruitières. Les sols, terreforts et boulbènes sont parmi les plus fertiles du Midi de la France ; les terreforts, notamment, possèdent un grand pouvoir de rétention de l’eau en saison chaude. Les engrais chimiques sont judicieusement distribués et, par leur action, des régions pauvres comme la Piège entre Salles-sur-l’Hers et Belpech donnent aujourd’hui des rendements "honnêtes".
Quelques remarques sur les hommes
Une révolution fondamentale, tragique pour beaucoup de paysans, a bouleversé le Lauragais de 1950 à 1960 avec le triomphe de la mécanisation totale : les spécialistes parlent de la révolution du tracteur et de la moissonneuse-batteuse. En moins de 10 ans, le tracteur a fait disparaître toute traction animale et, en même temps, une masse de paysans, brassiers, maîtres-valets, métayers, ménagers. Le remembrement a bouleversé le bocage lauragais avec ses haies, ses talus, ses fossés, pour laisser place à d’immenses parcelles de 30 à 50 hectares. La plus vaste que l’on m’a signalée serait de 70 hectares, du côté de Montesquieu. Le paysan d’antan est devenu un conducteur d’engin et un mécanicien. En 2005, un "petit" exploitant (1 homme) travaille sur 120 hectares (en blé-tournesol), un "gros" conduit 400 hectares avec 3 hommes.
Les lycées agricoles d’Auzeville et de Castelnaudary forment tous les ans des vagues de jeunes exploitants titulaires de baccalauréats, voire de BTS attestant du haut niveau technique de leur formation. Les résultats sont remarquables avec des gens bien informés, se documentant avec des revues spécialisées, au fait des cours mondiaux du blé et du soja. Nombreux sont ceux qui font appel à l’informatique et les ordinateurs ne sont pas rares dans nos "bordes". Au demeurant, ces bordes traditionnelles en belles briques rouges du XVIIIe siècle sont transformées en résidences principales ou secondaires pour des Toulousains.
Plants de Tournesol
Crédit photo : Couleur Média
Les progrès spectaculaires de la science agronomique aboutissent à des rendements parfois énormes : 140 quintaux par hectare pour le maïs irrigué, 40 à 50 pour le blé dur, 60 à 65 pour le blé tendre. Ces chiffres datent du mois d’août 2005. Par contre, pour le tournesol, l’année est médiocre en raison de la sécheresse et des maladies. La commercialisation est l’un des points noirs de notre agriculture. Grâce aux puissantes coopératives (la Toulousaine, le GCO, les coopératives de Belpech, Bram, Villefranche) et aussi aux dynamiques négociants en céréales, de nombreux débouchés se sont ouverts vers l’Afrique du Nord, l’Italie et l’Espagne, l’Égypte, les pays arabes du Golfe, l’Asie du Sud-Est, la Chine. Certains de ces marchés se ferment progressivement : la Chine aurait couvert ses besoins en blé en 2003 ! Les débouchés sont donc aléatoires, et la production est devenue excédentaire.
Des types originaux de productions J’ai construit un tableau en fonction des productions végétales et animales : Type 1 : blé-tournesol, sur de grandes surfaces (300 à 500 hectares), souvent suréquipés, cherchent à s’agrandir en effectuant des "travaux à l’entreprise" pour de petits propriétaires. Type 2 : blé-tournesol plus colza, soja, sorgho, maïs (peu). Le cours du maïs est très bas sur les marchés internationaux en raison de la concurrence des États-Unis et de l’Argentine. Il est cultivé avec aspersion grâce aux lacs collinaires (une vingtaine recensés) avec des rendements énormes (140 quintaux par hectare). Type 3 : céréales (titricale), maïs non arrosé, plus élevage dominant de volailles, et notamment production de canards gras, pouvant atteindre 2 000 à 3 000 animaux par an, chez un exploitant ; production de foies, conserverie. Type 4 : céréales nécessaires pour les assolements, et produisant des fourrages destinés aux animaux (élevage de bovins pour la viande ou de moutons dans la Montagne Noire et la Piège). Type 5 : fourrages dominants destinés à l’alimentation du bétail (vaches ou brebis pour préparation de fromages). Type 6 : divers ; culture de pastel, lavande, radis et melons, porte-graines, oignons ; agriculture as-sociée à une activité de complément (restaurant, camping sur les bords de la Ganguise, "Bout du Monde" dans la Montagne Noire, pension de chevaux de selle, épandage des engrais tirés d’une station d’épuration. |
Lac collinaire Crédit photo : Couleur Média Fourrage Crédit photo : Couleur Média Elevage d'oies Crédit photo : Couleur Média |
L’élevage des volailles est en plein essor comme en témoigne un livre récent (le Larousse gastronomique, la cuisine des terroirs) avec une carte sur laquelle apparaissent "les volailles du Lauragais" et un paragraphe consacré au "chapon du Lauragais" que l’on peut acheter à la foire de Saint-Julia Gras Capou, le dimanche avant Noël. Les éleveurs de volailles pour foies gras sont souvent groupés autour d’abattoirs spécialisés ultra modernes. La qualité des productions locales suffit à assurer leur promotion, sans qu’il soit nécessaire d’investir dans des campagnes de communication trop coûteuses. On en a la démonstration avec le chapon du Lauragais qui commence à se vendre à l’étranger.
Le succès spectaculaire de la foire au cassoulet de Castelnaudary, qui a attiré 45 000 participants fin août 2005, témoigne de la progression de notre plat-phare. Les haricots lingots doivent venir de Lave-lanet, de Pamiers et de Mazères. À une certaine époque, ils étaient originaires d’Argentine, mais des producteurs lauragais en cultivent. En 2005, du côté d’Avignonet, de Castelnaudary, nous possédons, enfin, nos "haricots du Lauragais".
Moissonneuse Crédit photo : Couleur Média |
Champs Crédit photo : Couleur Média |
Le Lauragais, en 2005, est toujours une riche et puissante région agricole. Les productions sont de plus en plus variées, depuis le blé extrait d’immenses parcelles jusqu’au fabricant de fromage qui surveille pieusement ses tommes dans un local spécialisé, ou encore l’éleveur qui soigne avec amour quelques centaines de chapons. Les vignes ont pratiquement disparu, et cependant le lycée de Castelnaudary commercialise un excellent "vin chaurien".
L’agriculture du Lauragais et son industrie agro-alimentaire sont en pleine évolution. Couleur Lauragais évoquera son avenir dans un prochain numéro.
Jean ODOL
L’auteur de cet article recherche des témoignages de producteurs lauragais, du céralier au fromager, qui souhaitent apporter des contributions originales ou inconnues à son étude : écrire à Jean Odol Couleur Lauragais 31460 Beauville.
Bibliographie
Ouvrages de R. Brunet "Les Campagnes toulousaines"
G. Jorré "Le Terrefort toulousain"
J. Odol "Le Lauragais"
Couleur Lauragais n°76 - Octobre 2005