accueil
Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

A la découverte des Bastides du Lauragais

Couleur Lauragais présente cinq circuits de découverte en fournissant des remarques sur les monuments à voir et quelques points sur l’histoire de ces villages si pittoresques.

Circuit A : de Revel à Calmont
En traversant Saint Félix - Villefranche - Nailloux - Calmont. J’ai choisi plusieurs circuits orientés Nord-Sud, Revel étant le point de départ.

Revel est la bastide la mieux conservée, le centre 2005 est demeuré celui de 1342, le marché actuel du samedi a été créé à la même date ; dès le 12ème siècle les textes mentionnent un château du Mont Revel établi par Isarn Jourdain et Bernard de Saissac sur un territoire relevant de Roger Tren-cavel vicomte de Béziers, Albi et Carcassonne ; plus tard un Isarn de Revel est cité en 1272 parmi les nobles de "la baylie" de Saint Félix. La création et les institutions de Revel reposent sur la charte de fondation accordée par le roi Philippe VI de Valois, le 8 juin 1342.

Les nouveaux habitants bénéficiaient du statut de bourgeoisie moyennant le paiement d’un droit d’entrée (ou "intragia") et devenaient ainsi sujets immédiats du roi ; à la tête de la cité, un bayle royal et des consuls ; la nomination d’un juge royal était réservé aux membres de la communauté. Le roi accordait aux nouveaux arrivants des emplacements pris sur le sol de la forêt ainsi que des terrains (20 arpents) situés à proximité des quatre portes de la ville pour la dépaissance des troupeaux ; chaque foyer recevait un lot à bâtir de "5 brasses et une raze" de large sur "11 brasses et 3 razes" de long pour établir la maison et le jardin. Le tracé orthogonal de la ville est très remarquable et l’enceinte dessinait un polygone presque régulier ; les murailles, après 1355, étaient bordées par un fossé alimenté par une dérivation des eaux du Sor réalisée avec l’accord des moines de Sorèze ; cette rigole sera utilisée par Riquet pour l’alimentation du canal royal de Languedoc (1681). La place centrale comporte une immense halle, un beffroi ; sur les côtés, des couverts (ou garlandes). Pour visiter Revel, il faut aller à l’Office de Tourisme, sous le beffroi où l’on distribue de nombreux documents. L’église, Notre Dame des Grâces date, pour l’essentiel, du "19ème finissant".

Saint Félix : avant la création de la bastide, Saint Félix était un castrum où se tint, à la belle époque du catharisme (1167) un célèbre Rassemblement de dignitaires cathares qui décida la création de 4 évêchés cathares (Agen, Toulouse, Carcassonne, Albi). La date de la fondation de la bastide est discutée, sans doute sous Alphonse de Poitiers ou Eustache de Beaumarchais ; la charte de coutumes est aussi perdue mais connue par une confirmation de 1463. Le plan est adapté au site, un promontoire dominant la haute vallée du Fresquel et celle du Laudot, donc une très intéressante topographie dé-fensive ; un fossé entourait la colline, mais sans murailles, avec des maisons aux murs aveugles vers l’extérieur ; 3 portes : la porte de Cers, celles de Rabecide, de Roqueville. Le château actuel, énorme, constituait la citadelle fermant le village vers l’Est ; il a été en grande partie abaissé à la Révolution. La place centrale est carrée, d’une cinquantaine de mètres de côté ; au centre la halle et le beffroi. L’église collégiale est commencée au début du 14ème siècle, le titre de collégiale date de 1317 ; un bijou gothique méridional, avec une nef unique de 5 travées, 15 mètres de large ; le choeur est la plus belle partie de l’édifice, 7 immenses fenêtres, le clocher a 42 mètres de hauteur, octogonal, en pierre locale (du grès). Voir ensuite la salle de la Commanderie et la maison natale de Déodat de Séverac.


Saint Félix Lauragais


Villefranche de Lauragais : construite vers 1256 la bastide est de "type lauragais", soit un rectangle très allongé adapté à une rue plus large ; c’est l’ancienne voie romaine, la via aquitania, qui est demeurée le coeur commercial. L’ancienne place est devenue une halle avec un accès direct sur la voie principale, de même l’église ; l’édifice religieux est du gothique récemment très bien restauré. Les principales parties à voir sont le clocher-mur à tourelles et la voûte de la nef avec ses splendides croisées d’ogives.

Nailloux : l’autorité du roi de France s’établit à Nailloux en 1291 lorsque les seigneurs locaux, les frères de Villèle, échangent "la vila" de Nailloux contre le domaine des Bastards (sur la commune d’Ayguesvives) ; il s’agit d’une famille d’hérétiques notoires qui étaient inhumés au cimetière cathare de Montesquieu. Le fort de Nailloux était au Nord de l’église actuelle datant du 16ème siècle ; c’est en 1318 que la ville s’étend vers l’Est suivant 4 rues parallèles qui sont celles de Montgeard, de la boucherie, du four, d’Occitanie. Le clocher est un mur pignon, type lauragais avec 5 baies campanaires. De Nailloux, glissons vers Calmont.

Calmont : commande un gué sur l’Hers vif ; la fondation serait de 1452 ; la bastide primitive se situe sur la rive droite, puis un quartier s’est développé sur la rive gauche, un "bout de pont". la cité a été un centre protestant important comme toute la Basse Ariège (Pamiers-Saverdun), avec la conservation d’un temple encore actif.


Calmont


L'église de Calmont

Circuit B :
Revel - Saint Félix - Castelnaudary - Seuil de Naurouze - Salles-sur-l’Hers - Mazères

Pour Revel et Saint Félix, voir le circuit A.

Castelnaudary est une forteresse défendant, à l’Est, le Pas de Naurouze, situé sur la colline du Pech et du Présidial ; les hommes se sont établis ici très tôt et un château a joué un rôle très important durant la Croisade contre les Albigeois, avec deux sièges célèbres en 1211 et 1220. Le noyau urbain autour du château se serait ensuite développé vers l’Ouest, vers la place de Verdun, mais cette extension-bastide est controversée par certains historiens. A Castelnaudary, il faut voir la très belle collégiale St Michel sur la colline du Pech et surtout le canal du Midi, le Grand Bassin et son port au blé, les 4 écluses de Saint Roch.

S’arrêter au Seuil de Naurouze. Il faut voir l’arrivée de la Rigole qui alimente le canal, le bief de partage, les écluses de l’Océan et de la Méditerranée, l’obélisque de Riquet ; à Montferrand les restes du château, le phare de l’Aéropostale (Mermoz, Saint Exupéry), l’église romane et les stèles discoïdales, l’église paléochrétienne du 4ème siècle, les sarcophages wisigoths, les thermes romaines (demander l’autorisation de visiter à la mairie de Montferrand).

Salles sur l’Hers mort : peu de documents sur Salles qui commande les vallées de l’Hers et d’un affluent ; le vieux château des 11-12ème siècles domine légèrement la bastide qui semble des années 1260-1271, par Alphonse de Poitiers. Belle église avec un clocher-mur pignon caractéristique du Lauragais. Des renseignements plus abondants sont à rechercher dans l’ouvrage suivant : "Monographie du canton de Salles sur l’Hers" de F. Poudou, le demander à la mairie.

Mazères : sa fondation est le résultat d’un paréage entre le comte de Foix et l’abbaye de Boulbonne ; cette dernière appartenait à l’Ordre de Citeaux et une des plus importantes du Midi de la France ; autres monastères cisterciens : Fontfroide, Rieunette, Villelongue, Boulbonne étant le lieu d’inhumation des comtes de Foix des 12 et 13ème siècles ; son domaine était immense avec la forêt de ce nom, jusqu’à Pamiers et Belpech, des terres à blé en Lauragais, notamment à Montgiscard. Boulbonne a été détruite et rasée par les huguenots en 1567 ; les moines réfugiés à Toulouse, d’où la rue Boulbonne, l’ont reconstruite à Tramesaygues, au confluent de l’Hers et de l’Ariège. Il faut en admirer les très beaux restes, de l’extérieur, car ne se visite pas. La bastide se présente avec un plan orthogonal systématique, une grande place, une église gothique, des mesures en pierre qui servaient à évaluer le volume du blé et autres grains.


Ponts à Mazères

L'église de mazères

Circuit C :
Castanet - Pompertuzat - Deyme - Montgiscard - Montgeard - Mazères


Depuis Castanet, nous proposons un circuit qui allie des bastides et une série d’églises, en brique, aux clochers-murs pignons et les clochers murs à tourelles. Pompertuzat est le premier de ces clochers-murs pignons ; à l’intérieur une belle tête de gorgone, gallo-romaine ; Deyme : clocher pignon ; Donneville : clocher composite avec deux pignons de différentes dimensions. Montgiscard : clocher à tourelles comme ceux de Villenouvelle, Montesquieu, Villefranche. L’église est du 16ème, âge d’or du pastel.

Montgeard : très belle bastide de 1317 ; pour lutter contre l’influence hérétique de Nailloux qui a été un nid de cathares (famille de Villèle), le roi Philippe V le Long crée Montgeard en 1317 pour inciter la population de Nailloux à déménager. Le mouvement débute mais, en fonction de tractations inconnues, Nailloux obtient le statut de bastide en 1318 et les avantages financiers qui y sont liés ; les deux bastides vont végéter car trop proches l’une de l’autre (2 km) ; Nailloux l’emportera grâ-ce à sa fonction commerciale. L’église est un splendide monument du 16ème siècle, une belle église du pastel ; énorme par ses dimensions, un porche-forteresse inachevé, le clocher pignon minuscule est ajouté plus tard, la voûte de la nef unique repose sur des croisées d’ogives, dans les chapelles sont inhumées les grandes familles de pasteliers qui ont participé à la construction de l’édifice. Pour Mazères, voir circuit B.


Montgeard

Circuit D :
Revel - Villefranche de Lauragais - Montgeard - Mirepoix

Voir plus haut pour Revel, Villefranche, Montgeard.

Mirepoix est une des plus belles bastides du Midi de la France, ancien évêché. Une première ville édifiée sur la rive droite de l’Hers a été détruite par un "mini tsunami" lorsque s’est vidangé accidentellement le lac de Puivert. La bastide actuelle est une création du comte de Foix en 1279. Place immense avec couverts, ancienne porte fortifiée, voir la maison des consuls avec des têtes de poutres sculptées représentant des têtes de monstres, la nef de l’église est d’une largeur exceptionnelle ; cette ancienne cathédrale (jusqu’en 1790) est commencée fin du 13ème siècle.

Circuit E :
Castanet - Montgeard - Mirepoix - Belpech


Le dernier circuit proposé est une variante du circuit D avec un prolongement jusqu’à Belpech. Le déplacement en vaut la peine ; si Belpech n’est pas une bastide, la ville est très intéressante et surtout son église. D’abord un splendide portail roman, l’un des plus beaux du Lauragais ; à l’intérieur, voûtes gothiques, des stèles discoïdales et, dans une chapelle un tombeau d’un évêque quasi inconnu : l’ancien curé d’Antioche. Il s’appelle Jean de Cojordan, né à Belpech au début du 14ème siècle et mort à Mirepoix le 9 octobre 1361 ; il devient le chapelain de Benoït XII ce pape occitan d’Avignon, originaire de Canté, près de Cintegabelle. C’est ce pape célèbre qui a fait construire "le Palais Vieux" d’Avignon, et le curé d’Antioche est propulsé évêque d’Avignon en mai 1336, transféré ensuite sur le siège de Mirepoix en 1349, peut être en disgrâce ; il est inhumé à Belpech. Ce curé d’Antioche m’a permis de découvrir le château de ce nom que je cherchais depuis des années et qui ne figure pas sur les cartes topographiques mais sous le nom de "La Tour" (commune de Payra sur l’Hers) ; il s’agit d’un castrum, vraisemblablement important au 13ème siècle, où couchèrent les faydits de Montségur, en mai 1242, lorsqu’ils allaient massacrer les Inquisiteurs à Avignonet. Le nom d’Antioche a du être ramené de Terre Sainte par des Croisés ; il s’agit actuellement d’une grosse ville de 500 000 habitants, Antikya en Turquie.


La Vixiège à Belpech

L’étude des bastides nous a conduit à Antioche, au curé de ce castrum et à la chapelle où il repose à Belpech. L’histoire du Lauragais est d’une richesse insoupçonnée et souvent méconnue. Après lecture, Couleur Lauragais vous invite à visiter la collégiale de Saint Félix ou la forêt d’Antioche si riche en souvenirs tragiques et en champignons... à l’automne.

Jean ODOL

Bibliographie :
Lauret-Malebranche : "Les bastides, villes nouvelles au Moyen Age" Milan 1988
J. Dubourg : "Histoire des bastides de Midi Pyrénées" 1997
Jean Odol : "La chevauchée des faydits, de Montségur à Avigno-net en 1242-2005"

Crédit photos : Couleur Média



Couleur Lauragais n°74 - Juillet/Août 2005