Que d’artistes et écrivains ont été inspirés par cette voie d’eau ! Cette artère d’eau douce reliant l’océan à la Méditerranée. Nous avons évoqué dans le numéro de juin 2004, par un très beau poème, la mémoire de Pierre Paul Riquet, écrit par notre ami écrivain languedocien Bernard Blancotte. Aujourd’hui c’est en empruntant une partie de ses textes que nous parlerons du Canal du Midi, pour décrire succintement ce parcours limpide, illustré de dessins au pastel d’un autre artiste du lauragais, passionné lui aussi de cette voie d’eau, Michel Litha.
Ecluse de Pompertuzat
Une magnifique artère d’eau, de Toulouse à l’étang de Thau :
le Canal du Midi
"... Un projet qui hantait les esprits depuis des siècles... L’idée d’opérer la jonction des "deux mers" est bien antérieure à Riquet. C’est Tacite (1) qui nous apprend que l’empereur romain Auguste (né à Rome en 63 avant JC) projetait le creusement d’un canal à travers l’isthme gaulois pour épargner à ses barques la traversée difficile des "Colonnes d’Hercule" (rochers de Gibraltar) et ainsi éviter un long détour pour atteindre l’océan. Charlemagne eût semblable dessein. C’est François 1er qui en 1539 fit examiner le plan d’une voie d’eau pouvant relier l’Aude à la Garonne. En 1598, Henri IV à son tour, demande au Cardinal de Joyeuse d’étudier le creusement d’un canal en Languedoc. Sous le règne de Louis XIII, un bitterois, Bernard Anibat envisage lui aussi de creuser une voie d’eau qui joindrait Toulouse à Narbonne. Le projet n’obtiendra pas la faveur des Etats du Languedoc réunis à Pézenas en 1618..."
(1) Historien romain, maître de la prose latine 1er siècle avant JC
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Ecluse de Laval
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Péniche sur le canal
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L’idée géniale de Pierre-Paul Riquet
"... Bien que ni entrepreneur de travaux publics, ni ingénieur, notre homme était épris de tout ce qui toucha aux mouvements de l’eau, à la nature des sols. Il observait et prenait des notes surtout lorsqu’il se trouvait aux abords ou au coeur de la Montagne Noire. Certes, tous ceux qui avaient songé à ce canal savaient que ce massif montagneux était succeptible de fournir de l’eau en abondance. Mais tous avaient buté sur la même difficulté : comment faire franchir à cette eau l’éminence qui sépare le versant des deux bassins fluviaux, Aude et Garonne ? Le premier, il pressent que cette Montagne Noire est un château d’eau inépuisable, donc capable d’alimenter un canal. Encore faut-il "domestiquer", rassembler les eaux, les emmagasiner et les conduire au point de partage naturel (entre l’océanique et le méditerranéen), point qui reste à déterminer ? L’idée s’impose à lui au cours d’une de ses très nombreuses randonnées. Se trouvant au Seuil de Naurouze (véritable ligne de faite délimitant à 189 mètres d’altitude les deux bassins fluviaux), Pierre-Paul Riquet comprend soudain qu’il est devant le point de partage tant recherché. Là, sous ses yeux, les eaux de la fontaine de la Grave se séparent d’elles-même et coulent en deux sens opposés. On peut dire qu’il a alors véritablement la vision de son oeuvre..." |
Le Canal du côté de Ramonville |
Ecluse de Renneville |
Riquet à l’oeuvre..., un titan dans l’action..., le rôle économique du Canal
"... Octobre 1666 : le fameux Edit Royal signé par Louis XIV ordonne que soit "incessamment procédé à la construction du canal de navigation et de communication des deux Mers Océane et Méditerranée". A 60 ans, Pierre-Paul Riquet devenu adjudicataire des travaux peut enfin entreprendre l’ouvrage dont il a rêvé avec passion. Quatorze années de luttes quotidiennes commencent pour lui. Inlassablement, souvent miné par la fièvre, il se rendra sur les différents chantiers de canal et là-haut dans la Montagne Noire, lorsqu’on construira le barrage-réservoir de Saint-Ferréol (premier grand ouvrage de ce genre en Europe et peut-être au monde). Hiver 1667, début des travaux, avec ses 12 à 14 000 têtes, ouvriers, ouvrières, techniciens, ingénieurs, "l’armée" de Riquet se met à l’ouvrage, durant 14 années. Le Canal Royal du Languedoc sera achevé en 1681, quelques mois après la mort de Riquet. Il sera inauguré en grande pompe le 15 mai 1681. Vingt trois barques de Garonne chargées de marchandises destinées à la foire de Beaucaire glissaient sur le canal, précédées des bateaux qui composaient tous les officiels régionaux et nationaux du régime.
Cette merveilleuse voie d’eau transforme nettement l’économie de la province grâce au trafic commercial qu’elle suscite. Très vite, les barques éclipsent les transports par voie de terre. Chacune d’elles emporte dans ses flancs jusqu’à 1 200 quintaux de denrées et marchandises de toute nature. Parallèlement au transport des voyageurs. Les barques étaient halées par des chevaux ; une véritable organisation se met en place tout au long du canal. Et cela durera plus de deux siècles..."
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Ecluse du Sanglier
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Aujourd’hui : loisirs et tourisme nautique
"... Cette artère d’eau douce reliant "la Mer Océane" à la Méditerranée est si parfaitement soudée au paysage qu’elle paraît être l’oeuvre de la nature. Le canal épouse le couloir du Lauragais et serpente harmonieusement entre les Corbières et le Minervois. A croire que ce passage lui était vraiment destiné..." C’est avec ces belles citations, encore, de notre écrivain-poète languedocien Bernard Blancotte que nous ouvrons les pages : nature, loisir et tourisme. Le Canal du Midi a été classé, en décembre 1996, au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Ce label, nous le recevons comme un très grand honneur, mérité certainement car cette oeuvre grandiose, voulue au XVIIème siècle, par un homme de chez nous, le génial Pierre-Paul Riquet né à Béziers (en 1604 ou 1609) est maintenant reconnue mondialement et visitée par de très nombreux touristes étrangers. Au même titre que de nombreux édifices religieux de Toulouse, la cité de Carcassonne, le pont du Gard, les arènes de Nîmes, pour ne citer que les plus remarquables monuments historiques de notre province du Languedoc.
"... Tracé dans un cadre merveilleusement touristique et sous un ciel le plus souvent clément, le Canal du Midi ne pouvait qu’attirer, séduire les plaisanciers : une vocation à laquelle Riquet ne pouvait penser !"
Et puis, il y a la beauté des paysages traversés, ses attraits architecturaux, ses sites naturels, qui se découvrent en bateau, en auto, en vélo et en rando sur les chemins de halage, le long du Canal et des rigoles.
Jacques BATIGNE |
Le Canal entre Pompertuzat et Renneville
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Michel Litha, bien connu de nos lecteurs pour ses chroniques sur les plantes et leurs vertus a une passion que nous dévoilons aujourd’hui : La technique du pastel. Originaire d’horizons très divers en l’occurrence les Antilles et la Normandie, il réside dans le Lauragais depuis 30 ans.
Dès la maternelle, Michel dessine déjà, suivant l’exemple de son frère aîné : il représente alors des animaux et des personnages tirés de livres illustrés. Son frère lui apprend les secrets de la perspective. Progressivement , il se familiarise à la pratique du fusain, de la plume, et du pinceau qui lui sert à étaler ses lavis et ses gouaches. Il découvre des effets de matière originaux en diluant le pastel gras sur du papier glacé à l’aide d’essence de térébenthine.
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La peinture à l’huile lui paraît trop fluide et ne retient pas son attention.
Mais un jour, sur les murs d’une salle de restaurant, une exposition de pastels secs représentant des paysages des Corbières l’émerveille au point qu’une véritable vocation pour le pastel sec naît alors et ne le quittera plus.
Sa formation universitaire le pousse à créer des animations "nature" sur le thème des plantes médicinales, comestibles et utiles à l’adresse de tous les publics ; les plantes cultivées ont un coût, les plantes sauvages ont un goût, qu’il désire faire découvrir au plus grand nombre.
La nature est une source inépuisable d’inspiration et il la met en couleurs grâce à l’étude des Impressionnistes. Après la forme, vient le fond : les mouvements symbolistes nés vers la fin du 19ème siècle l’influencent durablement et les personnages peuplent parfois ses paysages, tandis qu’il réalise des paysages-portraits. L’imagination remplace peu à peu le travail d’après modèle. Puis le pastel se mêle à d’autres techniques (collages) et à des matières naturelles telles que les terres d’ocre.
Paradoxalement, la matière peut être vecteur d’images au réalisme cru mais aussi "porteuse de rêve". Désormais, deux voies parallèles se présentent à lui : les paysages évanescents aux atmosphères oniriques et les peintures concrètes qu’il exécute en tant que témoin de son temps. Michel Litha n’a cessé d’être inspiré par le Canal du Midi. Tout comme les écrits de Bernard Blancotte et de bien d’autres, ses oeuvres picturales donnent une dimension artistique à cette oeuvre grandiose. Interview : Christine LE MORVAN |
Couleur Lauragais n°74 - Juillet/Août 2005
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