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Couleur Lauragais : les journaux

BALADE EN LAURAGAIS

Des châteaux à découvrir

Les châteaux du Lauragais sont nombreux, souvent 2 ou 3 par commune. Leur diversité est grande avec des caractères architecturaux très différents entre les forteresses du Moyen Age et les belles demeures du 18ème siècle. On peut tenter un classement en fonction des trois grandes périodes de construction.


Château de Labécède Lauragais
Crédit photo : Jean-Luc Sarda

Type A : les châteaux-forteresses du Moyen Age, avec de rares ouvertures, une porte défendue par des machicoulis et archères, des tours d’angle, donjon sans ouverture, appartements primitifs ; tout est organisé pour la défense. Exemples : Salles sur l’Hers, le vieux châteaux de Ferrals, Roquefort, le clocher d’Auriac sur Vendinelle (ancien donjon).
Type B : les châteaux du pastel (1), 15ème, 16ème siècle, caractères dominants d’une forteresse avec un trait original : "les bouches à feu" pour placer de petits canons, des couleuvrines, de l’artillerie de rempart. Exemples : Montmaur, Belflou, Tarabel, Mauremont, Marquein, Escalquens, Vallègue.
Type C : les châteaux du froment (2) (17,18,19ème siècle) : le souci de défense a disparu, les tours d’angles sont devenues des pigeonniers, les appartements occupent l’ensemble du château, la fonction de résidence l’emporte sur le souci de sécurité. Exemples : Mourvilles Basses, Préserville, Lanta, Labécède, Seyre, Saint Léon, La Terrasse (à Baziège), Villefranche.
Nous vous proposons l’étude de quelques châteaux moins connus car loin des grandes routes.

Le château de Baraigne

Château de Baraigne
Crédit photo : Jean Odol

Baraigne est une petite commune, au Sud de Port Lauragais. Construit sur une petite éminence dominant le village, à 300 mètres à l’Ouest du bourg, la construction est attribuée à Barthélémy de Buisson (1568-1622), Seigneur de Baraigne et autres lieux. Le monument délimite un vaste quadrilatère, flanqué de trois tours d’angle et nanti d’une cour intérieure. L’ensemble était ceinturé par des douves (3). A l’Est, la porte d’entrée a conservé deux longues rainures qui constituent les restes d’un pont levis. Cet accès est défendu par une puissante bretêche supportée par quatre consoles. L’ouvrage est percé d’embrasures qui devaient être utilisées pour le tir de mousquets. Les deux tours d’angle, côté Sud, sont de forme circulaire et protégées par plusieurs canonnières réparties sur deux étages, de forme rectangulaire à l’extérieur et circulaires à l’intérieur. Une tour d’escalier octogonale a été aménagée à l’angle Nord Est de la cour intérieure. Par une porte remarquable, on accède aux cuisines et surtout à la salle des gardes. Flanquée d’une majestueuse cheminée, cette immense salle possède un magnifique plafond boisé, la salle est construite sur 9 "crozes" taillées dans le roc, ces citernes ovoïdes sont des silos dans lesquels on conservait le blé et les récoltes du seigneur (4).
Le château a été possédé par de très anciennes familles lauragaises, surtout les de Buisson, prolongés par les "Roquettes-Buisson" ; ils apparaissent dans l’Histoire du Lauragais au 14ème siècle et possèdent d’immenses terres nobles et seigneuries comme Beauteville, Baziège, Montmaur ; plusieurs sont capitouls de Toulouse durant le 16ème siècle.
Baraigne est un des joyaux architecturaux du Lauragais.

Le château d’Antioche
Je l’ai longtemps appelé "le château inconnu", car il ne figure pas sur les cartes topographiques, même à grande échelle. Il est situé sur la commune de Payra sur l’Hers, au coeur de la Piège. Quelle est l’origine de l’appellation Antioche ?
Antioche, ville merveilleuse au 11ème siècle.
Antioche est une ville prestigieuse de Terre Sainte, au Nord de Tripoli, ce pays où le Christ vécu et subit sa Passion. Aujourd’hui Antioche est situé en Turquie. Les Croisés de la première Croisade (1096-1099) sous l’autorité du Comte de Toulouse Raimon IV furent émerveillés par cette ville géante, avec des kilomètres de murailles soutenues par 400 tours de défense. Aucune ville en Europe n’était comparable à cette merveille. Le siège dura plusieurs mois avant de devenir la capitale d’un Etat latin de Terre Sainte : la Principauté d’Antioche, dont les princes furent des Normands comme le roi Bohémond. L’on peut formuler l’hypothèse qu’il s’agit de Croisés qui, de retour dans le Lauragais, ou à Toulouse, choisirent le nom d’Antioche pour ce castrum qui devait sans doute, présenter une réelle importance aux 11-12-13ème siècles ? Etait ce seulement un château avec de nombreuses tours (5) ? La tradition locale nous a renseignés sur le nombre de tours qui serait de 6, il en reste une aujourd’hui, ou un véritable castrum, avec village et château accolé ? Je penche pour le castrum.

Moulin proche du château d’Antioche
Crédit photo : Mme Sarrazin Colombier

A Antioche, en mai 1242
Par le traité de Paris (1229) le Comte de Toulouse Raimon VII est vaincu et doit accepter toutes les conditions imposées par le roi de France Louis IX (ou Saint Louis). Sa fille Jeanne doit épouser un frère du Roi. Vers 1241 Raimon essaie de secouer la tutelle royale et fomente un complot avec le Roi d’Angleterre, le Comte de Foix, le Comte de la Marche. Le signal du soulèvement sera un évènement fort, au retentissement exceptionnel, ce sera le massacre d’un tribunal d’Inquisition.

Pierre Roger de Mirepoix attend à Antioche
Un commando de 50 cavaliers descend de Montségur, traverse les forêts de la Piège et marche sur Avignonet. Le chef Pierre Roger demeure à Antioche pour superviser les opérations car il avait installé un deuxième groupe de cavaliers entre Castelnaudary et Saint Martin Lalande. Ceux d’Avignonet, après le massacre, reviennent à Antioche et c’est ici que se place une fameuse phrase, je cite un historien : "Pierre Roger demanda à Jean Asermat : où est la coupe ? Il lui répondit : elle est brisée. Pierre Roger dit alors : Si je l’avais, je la ferais cercler d’or et je boirais toujours dedans". La coupe était la boîte crânienne de frère Guillaume Arnaud, l’Inquisiteur....

Le curé d’Antioche devient Evêque d’Avignon
L’importance d’Antioche apparaît dans l’extraordinaire promotion du curé du castrum qui devient évêque d’Avignon en 1336. Il s’appelait Jean de Cojordan, né à Belpech et décédé à Mirepoix le 9 octobre 1361. C’est un protégé du pape occitan Benoît XII originaire de Canté près de Saverdun. Ce pape peuple la Curie de ses amis occitans et Jean de Cojordan est curé d’Antioche puis évêque d’Avignon. Il est ensuite transféré à Mirepoix ; sa dépouille est transportée à Belpech dans la chapelle Sainte Madeleine où son tombeau est toujours visible.
Antioche est donc un château très intéressant, au passé riche et brillant ; il en reste des bâtiments imposants, avec une tour très haute. On connaît l’emplacement de l’église et du cimetière, ainsi que des vestiges de murs d’enceinte (6).

Le château de Seyre

Château de Seyre
Crédit photo : Jean Odol

Le château de Seyre (à 5 km de Nailloux) a été construit pendant la seconde moitié du 19ème siècle. L’histoire de la seigneurie de Seyre est assez bien connue. Vers 1550 elle appartient à parts égales à Jean de Garaud et à Philippe de Vernon ; en 1715 elle passe dans la famille d’Hautpoul par le mariage de Pierre marquis d’Hautpoul avec Marie Jeanne de Vernon. Les d’Hautpoul sont une des plus anciennes familles illustres du Lauragais, avec plusieurs branches dont l’une est établie à Saint-Papoul. Elle a donné un général d’Empire sous Napoléon. La famille d’Hautpoul-Seyre compte toujours des descendants à Seyre. C’est dans ce château que, en 1940-1941, furent accueillis 80 enfants, orphelins et juifs, d’origine allemande et autrichienne. Ils étaient protégés par la Croix Rouge suisse. En 1941 ils s‘installèrent au château de la Hille, en Ariège, près de Varilhes. Cette épopée tragique se termina pour 10 d’entre eux au camp de la mort d’Auschwitz, un autre sera tué au maquis de Roquefixade. Le château a conservé sur les murs de très beaux dessins de ces malheureux.
Le château de Seyre est une très belle bâtisse de briques et de pierre, de moyennes dimensions (7), il est remarquable par son toit d’ardoise immense, des cheminées interminables, des échanguettes sur la façade Sud, des machicoulis décoratifs. Un bijou architectural.

Le château de Labécède-Lauragais

Gravure du Château de Labécède Lauragais
Crédit photo : Collection privée du château

Le château de Labécède et le village sont à 10 km de Revel et 12 de Castelnaudary, au Nord de Castelnaudary, au milieu des forêts de la Montagne Noire. Le village est parfaitement camouflé, invisible, on le découvre lorsqu’on est à l’intérieur. Un village voisin, Verdun, lui ressemble étrangement, avec des ruisseaux et de nombreux moulins à eau (aujourd’hui hors d’usage). Cet isolement dans la forêt apparaît dans le toponyme. Labécède signifie la forêt de bouleaux ("bes" se traduit par bouleau), cela explique que ces villages, au 13 et 14ème siècles furent des refuges pour les derniers Parfaits pourchassés par l’Inquisition. Au 19ème siècle, Labécède a été un gros village, 1207 habitants en 1833, 234 en 1975. Rien n’a changé depuis le 14ème siècle avec des restes de remparts, une porte fortifiée, des ruelles très étroites et en forte pente, une église romane. Au 13ème siècle, les cathares sont nombreux avec des noms célèbres comme Bertrand de la Mothe, l’évêque Guilhabert de Castres et surtout le seigneur des lieux Pagan, lui même Parfait. En 1227 les troupes du Roi s’emparent du castrum et allument le célèbre bûcher collectif, Pagan put s’enfuir. Ce fut en 1232 qu’il périt sur un deuxième bûcher avec une vingtaine de Bonshommes. Durant les siècles suivants, parmi les seigneurs, nous avons relevé la famille des Rigaud de Vaudreuille qui donna deux gouverneurs au Canada français (au 18ème siècle).
Le château est imposant par ses dimensions bien qu’il fut amputé de la partie orientale où subsiste une tour ronde, l’ensemble s’appelle la "citadelle" construite vraisemblablement au 14ème siècle, avec des tours d’angle, des murs impressionnants donc une puissante forteresse. A la révolution, il fut endommagé et les blasons sculptés sur les murs du 14ème grattés avec rage (il en subsiste des traces). Le château est remanié à la fin du 19ème siècle par la famille du vicomte de Carayon Latour qui lui apporte un style Renaissance et beaucoup de clarté. A souligner, au Sud du village, les terrasses ensoleillées où les paysans cultivaient les fraises. Aujourd’hui, le château est toujours entretenu. Il est ouvert aux particuliers et aux entreprises (visite gratuite du jardin les 20 juin, 4 juillet, 22 août et en septembre pour la journée du patrimoine).

Couleur Lauragais vous propose trois circuits de découverte des châteaux du Lauragais.


Un circuit de découverte en Nord Lauragais
Depuis Saint Orens, prendre la direction d’Auzielle avec son château du pastel (16ème siècle), puis Lanta : église intéressante. Loubens Lauragais : château type du 16ème. Caraman, Auriac : un vieux pont, le donjon, une église romane d’accès difficile : Notre Dame de Noumérens. Cambiac : château du 16ème. Juzes : château du 16ème. Montmaur : château du 16ème, avec nombreuses bouches à feu. Avignonet : immense église gothique, la base des murs du château médiéval. Castelnaudary : église Saint Michel, le port, les écluses Saint Roch.

Un circuit Sud Lauragais
Depuis Castanet, s’arrêter à Pompertuzat : une église du pastel typique avec clocher mur pignon. Grimper à Montgiscard : clocher mur à tourelles, château de Roqueville. Donneville : église avec 2 pignons. Baziège : voie romaine, la bataille de 1219, le cimetière des Anglais (1814). Nailloux : une bastide, l’église. Montgeard : une bastide, énorme église du pastel, château du 16ème siècle. Filer sur Marquein : château du 16ème. Fajac la Relenque : château du pastel. Salles sur l’Hers : une bastide, le donjon, le clocher. Belpech : portail roman, très belle église gothique. Puis prendre la vallée de la Vixiège, s’arrêter à Cazalrenoux : église forteresse. Terminer à Fanjeaux : le site, la maison de Saint Dominique, l’église, Prouille monastère dominicain, retour vers Castelnaudary.

Un Circuit Nord-Sud
Depuis Revel : voir à Revel, la place, le beffroi, les garlandes. Les Cammazes : le lac, la voûte de Vauban. Le Conquet : la fameuse tranchée par laquelle les eaux méditerranéennes glissent vers le bassin versant atlantique. Verdun Lauragais : le vieux village. Labécède : le vieux village, la porte, le château. Saint Papoul : le village, l’abbaye, le château de Ferrals. Bram : village circulaire, l’église, le château. Fanjeaux : la maison de Saint Dominique. Mirepoix : la bastide, la place, les galeries, la cathédrale.

 

Jean ODOL
(1) voir Couleur Lauragais n° 34, juillet 2001 sur les châteaux du pastel
(2) voir Couleur Lauragais n° 54, juillet 2003
(3) je remercie très chaleureusement la propriétaire qui m’a communiqué un dossier très riche sur son château
(4) Marty-Jeanjean : "Vilatges al païs dans la Piège" 1997 ; J. Ramière de Fortanier : "Les droits seigneuriaux en Lauragais", page 125
(5) Tous les historiens du catharisme (Roquebert, Brenon, Duvernoy) parlent du château et de la forêt d’Antioche, sans préciser l’importance du castrum. On parle parfois d’une "force" c’est à dire un château de petites dimensions. Antioche appartenait aux seigneurs du Mas Saintes Puelles
(6) L’expédition de 1242 revit de nos jours avec "une chevauchée des faydits" de 50 cavaliers, organisée par le Comité Départemental du Tourisme équestre de la Haute Garonne
(7) Voir J. Odol : "Le Patrimoine des communes de la Haute Garonne" Tome 2 page 1135

 

Couleur Lauragais N°62 - Mai 2004