Gens d'ici
Jean Odol : historien passionné du Lauragais
Jean Odol écrit dans nos colonnes depuis l'origine du journal. Ses articles racontent l'histoire du Lauragais, une région qu'il a étudiée et qu'il connaît par cœur. Couleur Lauragais retrace aujourd'hui le parcours de ce passionné aux multiples compétences, amateur d'histoire, amoureux de son pays et historien patenté du Lauragais.
Jean
Odol
Crédit
photo : Couleur Média
Des
origines paysannes
Jean Odol est né en 1927 à Ayguesvives dans la maison où
il vit encore aujourd'hui. Il est le second enfant d'une famille d'origine
paysanne. "Dans ma famille" explique-t-il, "on trouve en fait
un seul grand propriétaire, capitoul au 18ème siècle,
et maître d'une exploitation de 18 hectares. Mais cette propriété
sera vendue à la fin du 19ème siècle pour une exploitation
plus modeste au lieu-dit les Landes à Ayguesvives. En 1890, ma grand-mère,
maîtresse femme, décide de demander le divorce. Nouveau déménagement
: la famille s'installe au lieu dit Ticaille où je suis né et
où je vis encore aujourd'hui".
Jean se souvient de la vie à cette époque : la famille doit
vivre sur une exploitation de 4 hectares. Sa grand-mère vendait du
lait à Baziège. La mère de Jean était brodeuse
chez les religieuses. L'événement de la famille reste le mariage
de ses parents. Son père, un fonctionnaire, instructeur militaire à
Toulouse, apportait une certaine aisance financière à la famille.
"Mon père", explique Jean, "était un intellectuel
passionné d'histoire". Il détonnait sans doute dans ce
milieu de paysan mais il s'est malgré tout bien intégré.
Jean
Odol enfant
Crédit photo : collection Jean Odol
Devenir
instituteur
Et c'est ce père si présent qui pousse Jean à devenir
instituteur et s'appliquera, année après année, à
lui transmettre sa passion de l'histoire. Jean débute sa scolarité
à Baziège. La famille achète peu de temps plus tard une
maison dans le quartier toulousain de Saint Agne et Jean poursuit ses études
à l'école Berthelot. Mais il est collé au concours d'entrée
à l'école normale pour un sombre problème mathématique
non résolu. Il continue donc le lycée et intègre ensuite
la facultée des Lettres section histoire-géographie, alors située
au centre de Toulouse. Il commence dans le même temps à travailler
en devenant surveillant d'abord à Auch puis au lycée Berthelot
pendant six ans. Il est aussi jeune père de famille et doit donc assumer
ses études et sa vie familiale puisqu’il élèvera
avec son épouse cinq enfants.
Il est cependant reçu 12ème à l'agrégation d'histoire
en août 1957. Son premier poste, il l'occupe à Béziers
de 1955 à 1957. Il intègre ensuite le lycée Bellevue,
un lycée pilote où les enseignants font de la recherche pédagogique.
Jean y restera de 1957 à 1975. Il mène, en parallèle
de sa carrière d'enseignant, des travaux de recherche en liaison avec
l'Institut Pédagogique de Paris, étudiant tour à tour
le vocabulaire pédagogique en histoire-géographie pour les classes
de sixième ou comment traduire un concept par un dessin. Des études
qui lui servent encore aujourd'hui notamment dans les nombreux schémas
dont il étaye chacun de ses articles.
Jean Odol écolier
à Ayguesvives en 1934"
Crédit photo : collection Jean Odol
Jean Odol écolier
à Baziège en 1936/37
Crédit photo : collection Jean Odol
L'inspection
pédagogique régionale
En 1975, Jean devient inspecteur pédagogique régional d'abord
à Bordeaux jusqu'en 1976 puis à Toulouse jusqu'à sa retraite
en 1991. "Je me voyais plus comme un conseiller pédagogique itinérant
que comme un véritable inspecteur". Il se refuse à abaisser
la note d’un professeur et voit plutôt son rôle comme une
aide aux enseignants en difficulté. "Elève ou professeur,
j'ai toujours veillé à respecter chaque individu : les remarques
et éventuels reproches se sont toujours faits en tête à
tête avec la personne concernée". Avec deux inspecteurs
en Midi-Pyrénées pour 4000 professeurs à inspecter :
le travail ne manque pas. "Au rythme de 200 à 250 professeurs
par an, j'ai sillonné la région Midi-Pyrénées
du sud au nord et de l'est à l'ouest en faisant près de 60 000
kilomètres par an".
Parallèlement, Jean occupe les fonctions de directeur pédagogique
du Centre Régional de Documentation Pédagogique de Toulouse.
Une carrière professionnelle bien remplie à laquelle s'ajoute
une disponibilité permanente pour Ayguesvives et plus largement pour
le Lauragais.
Une
certaine idée de la politique...
Car en plus de ses activités professionnelles, le reste de son emploi
du temps est également bien rempli. En 1959, des camarades de classes
arrivent à le con-vaincre, malgré ses réticences, à
se présenter à la mairie d'Ayguesvives. Il est élu cette
année-là et entame un carrière de Maire qui durera pas
moins de seize ans. "Ayguesvives était alors une petite commune
de 400 habitants, sans eau, sans électricité ni chemin goudronné".
Tout est à faire et Jean va s'y employer. A cette époque, les
Maires avaient très peu de moyens financiers mais à force de
conviction, il décroche des subventions et obtient, pour sa commune,
la mise en place du tout à l'égoût, la construction de
nouveaux lotissements ou l'installation de l'eau potable sous pression. Il
est également à l’origine de l'installation de l'entreprise
ZODIAC sur sa commune en 1971, une entreprise qui emploie encore nombre d'habitants
d'Ayguesvives et des alentours. Il reconnaît pourtant une erreur : celle
d'avoir voulu aller parfois un peu vite. L'intégration aussi rapide
de nouveaux habitants dans sa commune ne se fait pas sans heurt surtout quand
une population rurale voit arriver les jeunes cadres et ingénieurs
de la métropole toulousaine. "Ma carrière politique, je
l'ai toujours menée sans prétention politicienne au sens péjoratif
du terme : certains me voyaient me présenter comme député
ou sénateur mais j'ai toujours refusé". En 1975, sa nomination
comme inspecteur pédagogique lui interdit d’occuper des fonctions
politiques et il est donc obligé de démissionner de son mandat
de Maire.
Crédit photo : Couleur Média
La
passion du Lauragais
Un dénominateur commun fait le lien entre toutes ses activités
: la volonté de rester proche du Lauragais qu'il aime tant. Cette passion
a en fait commencé au fil de sa carrière de professeur d'histoire
géographie. Les exemples qu'il livre à ses élèves
sont toujours tirés du Lauragais. Mais la rédaction de ses premiers
articles commence bien auparavant : en 1952, il écrit déjà
dans "La revue des Pyrénées du Sud-Ouest" ou dans
la revue "Les amis des Archives". A l'âge de la retraite,
il commence une nouvelle vie en réalisant des conférences sur
les cathares, le pastel ou le canal du midi. "De 1991 à aujourd'hui,
j'ai réalisé 246 conférences dans toute la région
mais aussi en Espagne ou prochainement en Italie". Un chiffre facile
à retenir puisque lui et ses amis fêtent par un "gueuleton"
tous les cycles de 10 conférences : un bonne manière de faire
cohabiter culture et art de vivre ! Cette passion pour son pays natal, on
la retrouve aussi dans les ouvrages qu'il a écrits : "Le Lauragais"
paru en 1996 aux Editions Privat et qui continue encore aujourd'hui à
se vendre, "L'abbaye de Saint Papoul" également paru en 1996
et pas moins d'une vingtaine de publications sont à son actif.
Crédit photo : Couleur Média
Les
projets
Et ses projets sont nombreux. Un nouvel ouvrage devrait paraître en
2004 intitulé "Le Lauragais cathare, terre de feu et de sang".
Jean continue aussi à suivre les associations qu'il a contribué
à créer : la société d'études du Lauragais
(créée en 1991), la société d'études histoire
et patrimoine d'Aygues-vives (créée en 2002) ou encore l'animation
des médiévales de Baziège qui ont fêté cette
année leur 9ème édition. Il vient aussi d'obtenir des
subventions pour mettre en place un cycle de conférences pour les écoles
sur le thème de l'Aéropostale et travaille à un autre
projet sur le Canal du Midi pour fêter le 4ème centenaire de
la naissance de Riquet.
A tout cela s’ajoute encore l'écriture régulière
des articles dans les colonnes de Couleur Lauragais. Il est à chaque
fois agréablement surpris des retombées de ses articles : ils
suscitent des questions de la part des lecteurs du Lauragais et des internautes
du monde entier, et ces lecteurs lui font part d’ informations qu’il
ne possédait pas encore ou qu’il recherchait .
Un emploi du temps bien rempli, et une vie riche au service de sa région
pour ce passionné de l'histoire du Lauragais, un missionnaire culturel
au Pays des Mille Collines.
Interview :
Pascal RASSAT
Couleur Lauragais N°56 - Octobre 2003