HISTOIRE
La croisade
contre les Albigeois et
Simon de Montfort (1209 -1218)
C’est en 1209, à Carcassonne, qu’apparaît dans l’Histoire le nom d’un petit seigneur de la région parisienne : Simon de Montfort. Quelque temps auparavant cependant, en 1204, il s’était singularisé en refusant de participer au pillage et à la mise à sac d’une illustre ville chré-tienne : Constantinople ; plutôt que de tenter de reconquérir la Terre Sainte sur les musulmans, les Croisés de la 4ème Croisade s’emparent de la capitale de l’Empire Byzantin et chrétien et se partagent l’Empire ; Simon de Montfort refusa d’être complice de ce monstrueux sa-crilège. Le personnage est très discuté chez les historiens ; pour les uns, ceux du Midi, les occitans, il est le bourreau de l’Occitanie avec sa responsabilité directe dans les atrocités, les massacres, les bûchers ; pour d’autres et pour l’Eglise catholique et romaine, le pape, il est le soldat de Dieu, le soldat du Christ qui a fait reculer l’hérésie cathare sans cependant aboutir complètement. Le Sauveur de la chrétienté est adulé par les uns avec une "Marche de Simon de Montfort", ensemble musical chanté à Castelnaudary vers 1867 ; pour les autres, c’est "la goïra", la buse.
"Simon
de Montfort" (Crédit photo : Collection Jean Odol) |
Le
Catharisme et la croisade 1209-1229
Le catharisme est une religion européenne qui s’est développée
dans les Balkans, par exemple à Sarajevo où le bogomi lisme
est religion d’Etat pendant deux siècles ; les cathares sont
encore nombreux en Italie (plaine du Pô), en Allemagne, en Flandre,
en Bourgogne, dans la région de Paris. C’est en Occitanie, et
en Lauragais, qu’ils sont le plus puissamment implantés ; en
1145 Saint Bernard est chassé de Verfeil ; en 1167, quatre évêchés
cathares sont nés à Saint Félix ; l’évêque
cathare de Toulouse vit à Lavaur ; chaque village lauragais a un passé
cathare, avec des diacres à Lanta, Caraman, Auriac, Montmaur, Laurac,
Fanjeaux. Le catharisme est une religion chré-tienne avec son livre
sacré : l’Evangile selon Saint Jean.
Après l’assassinat de Pierre de Castelnau, en janvier 1208, sur
les bords du Rhône, à l’instigation, peut-être, du
comte de Toulouse Raimon VI, le pape Innocent III lance une croisade contre
les Albigeois, ou hérétiques cathares, du Languedoc. L’armée
croisée, en 1209, massacre la population de Béziers et s’empare
de Carcassonne.
Simon de Montfort, chef de la Croisade puis Comte de Toulouse en 1215
Après l’assassinat de Raimon Trencavel, vicomte de Carcassonne,
les chefs croisés donnent la couronne vicomtale à Simon de Montfort
qui s’était fait connaître par sa bravoure dans les combats,
puis très vite, ses qualités de stratège en font le chef
militaire de la Croisade. En 1215, au concile de Latran, il est fait comte
de Toulouse par le pape.
Un chef de guerre, brillant et courageux, un cavalier exceptionnel
Simon est un cavalier qui parcourt des milliers de kilomètres avec
ses compagnons, dans toute l’Occitanie, de Montpellier à Agen,
de l’Auvergne au comté de Foix. C’est surtout un stratège
brillant dont les qualités éclatent dans deux batailles.
A Castelnaudary, en septembre 1211, une armée innombrable d’occitans,
a quitté Toulouse à "l’époque des vendanges"
avec à sa tête Raimon VI, le comte de Foix, des routiers, la
milice urbaine. Simon de Montfort avec une poignée de ca valiers (60)
s’enferme dans le château de Castelnaudary, en envoyant des émissaires
pour demander des secours ; l’armée toulousaine s’installe
sur la colline du Pech et met le siège. Un convoi croisé de
ravitaillement, protégé par Bouchard de Marly, arrive de l’Est
; les cavaliers du comte de Foix se précipitent sur lui, le mettent
en pièces, s’occupent surtout de le piller ; le combat eut lieu
vers Saint Martin Lalande. Depuis le château de Castelnaudary, Simon
de Montfort voyant le désordre qui régnait dans les troupes
ariégeoises pillardes, sort du castel avec une poignée de chevaliers,
tombe sur les ariégeois et écrase ceux qui se croyaient vainqueurs.
Voilà comment les Occitans "perdirent une bataille pour des jambons"
! Montfort n’avait que 60 chevaliers.
A Muret, septembre 1213, Simon se bat à un contre dix. Vicomte de Carcassonne,
il ambitionne de conquérir de nouvelles terres et il fait peser une
me-nace directe sur la région toulousaine et la ville même de
Raimon VI qui demande du secours auprès de son beau frère le
roi d’Aragon, Pierre II. Celui ci est un roi puissant possédant
l’Aragon, Barcelone, la Provence, le Gévaudan, Montpellier ;
profondément catholique il a reçu sa couronne du pape en personne
; il est surtout le fer de lance de la papauté contre les Arabes d’Espagne
et il remporte en 1212 une victoire célèbre à Las Navas
de Tolosa (dans le Sud de l’Espagne). Répondant à l’appel
de Toulouse, Pierre II traverse les Pyrénées centrales et met
le siège devant Muret où s’était enfermée
une garnison française et croisée. Simon de Montfort était
à Fanjeaux avec un millier de cavaliers ; il court à Muret et
n’hésite pas à attaquer l’immense armée occitano-aragonaise
stationnée à l’Ouest de la ville. Le 12 septembre 1213,
le choc des deux armées est demeuré célèbre par
les manoeuvres de Montfort qui attaque avec une force mo-deste, un croisé
contre dix occitans. La victoire de Simon est complète, totale : Pierre
II est tué, la mi- lice toulousaine est massacrée, Raimon VI
s’enfuit. Le génie militaire de Simon est éclatant.
"A
Montgey-Auvezines, les Croisés de Simon de Montfort sont battus par le Comte de Foix" |
Un chef impitoyable et cruel, un allumeur de bûchers
La cruauté de Simon de Montfort est bien connue avec le massacre de
nombreux prisonniers et les atrocités de Bram en Lauragais (1210) ;
après la reddition du château de Bram, Simon fait cre-ver les
yeux aux survivants sauf à un chevalier pour qu’il conduise l’horrible
troupe jusqu’au château de Cabaret, dans la Montagne Noire, et
incite Pierre de Cabaret à se rendre.
C’est surtout avec de nombreux bûchers allumés à
son initiative que Simon est dépeint en occitanie ; ainsi à
Minerve en 1210 Guillaume de Minerve capitule, victime de la soif et de la
perte du puits ; à l’intérieur de la cité les Parfaits
s’étaient réfugiés et lors de la capitulation on
leur offre un choix, revenir à la foi catholique ou monter sur le bûcher
; 140 martyrs préférèrent le bûcher, aucun n’abjura.
A Lavaur, Simon de Montfort s’empare de la ville de vive force (voir
la rue de la brêche) ; les chevaliers occitans sont pendus, dame Guiraude,
seigneuresse des lieux, est livrée aux soldats puis jetée vivante
dans un puits ; 400 Parfaits brûlés.
Au Cassès en Lauragais, mai 1211, le château est aux mains de
Raimon de Roqueville, seigneur des Cassès, Montgaillard, Montgiscard
et Ayguesvives ; Simon de Montfort s’en empare rapidement et brûle
60 Parfaits qui s’étaient réfugiés dans une tour.
"Lavaur : les murailles et tour de défense" |
"Lavaur : rue de la Brèche" |
Une pierre, et des femmes de Toulouse l’ont tué le 25 juin 1218
Une guerre de libération pour les toulousains commence en 1217
par le débarquement en Provence du futur Raimon VII et l’occupation
de Beaucaire ; Raimon VI, lui, franchit les Pyrénées, entre
dans Toulouse en utilisant le gué du Bazacle ; la ville se soulève
et Simon doit assiéger sa propre capitale.
Au cours de ce siège de dix mois, il trouva la mort le 25 juin 1218,
frappé à la tête par un boulet de catapulte. Je cite la
Chanson de la Croisade, tome 3, page 207 : "il y avait dans la ville
un pierrier construit par un charpentier, et ce pierrier fut trainé
depuis Saint Sernin jusque sur la plate forme ; c’étaient des
dames, des jeunes filles et des femmes mariées qui le manoeuvraient.
Et la pierre vint tout droit là où il fallait ; elle frappa
le comte sur son heaume d’acier si fortement qu’elle lui mit en
morceaux les yeux, la cervelle, les dents supérieures, le front et
les mâchoires, et le comte tomba à terre, mort, ensanglanté
et livide". La goira était morte.
Le fils de Simon, Amaury, perd rapidement tous les territoires conquis par
son père, et en 1224 il quitte la région en abandonnant tous
ses droits au roi de France. Une Croisade royale commence alors et s’empare
d’un Languedoc exangue rapidement ; le comté de Toulouse perd
aussi son indépendance (Traité de Paris).
Simon de Montfort avait travaillé pour le roi en faisant le lit de
l’annexion ; les comtes de Toulouse ont disparu, les officiers du roi
administrent les terres toulousaines, la langue française pénètre
dans le domaine de l’occitan.
"Les
Cassès : le site du bûcher collectif des Cassès allumé par Simon de Montfort (1211)" |
Jean
ODOL
Bibliographie : Michel Roquebert :"L’épopée cathare"
4 tomes
Jean Odol : "Le Lauragais cathare, terre de feu et de sang"
Crédit photos : Jean Odol
Couleur Lauragais N°49 - février 2003