GENS D'ICI
Nadine Denis, styliste de la récupération
Champenoise d'origine, Nadine Denis réside aujourd'hui sur la commune de Saint Julia. Elle a travaillé comme vendeuse dans un magasin de confection avant d'abandonner son activité professionnelle pour élever ses trois enfants. Très manuelle, elle a décidé, il y a quelques années, de se lancer dans un passe-temps original : la réalisation de vêtements uniquement fabriqués avec des matériaux de récupération. Couleur Lauragais l'a rencontrée pour un nouveau portrait passionné.
Nadine Denis
(Crédit photo : Couleur Média)
La concrétisation
d'une passionnée de la mode
Ses premières réalisations, Nadine y pensait depuis de nombreuses
années déjà, mais elle n'avait pas franchi le cap. Il
a fallu une demande de la part d'une de ses amies pour se lancer dans cette
aventure. En 1998 en effet, l'association le Tire Bouchon à Saint Julia,
qui connaissait ses talents de couturière, lui propose d'apporter son
aide pour créer des costumes qui serviront lors d'un défilé
prévu le 21 juin de la même année. Nadine accepte mais
souhaite utiliser des matières originales. Elle va en effet s'approvisionner
dans les déchetteries pour trouver les matières premières
qui vont composer ses vêtements. Ces matières, ce sont celles
du quotidien que Nadine valorise et auxquelles elle redonne une seconde vie
: du sac à pommes de terre aux emballages alimentaires les plus divers
en passant par des bouchons en liège ou du papier journal. Elle utilise
aussi des objets aussi étranges que des filets de badmington, des toiles
moustiquaires ou
des boîtes de camembert.
De
l'idée à la création
Pour réaliser ses modèles, Nadine a besoin de beaucoup d'imagination
et d'un grand sens artistique. Pour elle, concevoir des vêtements, ce
n'est pas un simple travail de couturière, c'est aussi maîtriser
le bricolage, le collage, le perçage, en un mot, utiliser toutes les
techniques qui vont permettre d'assembler des matières plus qu'hétéroclites.
Pour démarrer une création, Nadine réfléchit d'abord
au modèle. Elle réalise un premier croquis qui constitue une
base mais qu'elle ne suivra pas forcément à la lettre pendant
la création. Elle pense ensuite aux matières qui vont permettre
de composer le vêtement. Le choix se fait en fonction des couleurs et
des matières. L'assemblage est la période la plus longue. En
fonction des contraintes techniques, Nadine pourra changer de matière
ou utiliser d'autres méthodes d'assemblage. Le résultat est
souvent assez loin du premier croquis mais toujours aussi réussi.
Des vêtements
"sensuels"
La plus grande originalité de ces vêtements, c'est qu'ils font
aussi appel à plusieurs sens, beaucoup plus que les habits classiques.
- La vue bien sûr. Les créations de Nadine sont souvent très
colorées. Mais ce n'est souvent qu'en s'approchant qu'on remarque leur
composition extraordinaire. De loin, ils paraissent en effet tout à
fait traditionnels.
- L'ouïe ensuite. La plupart des vêtements sont réalisés
dans des matières qui, entrechoquées les unes contre les autres
ou froissées, composent des mélodies originales faites de bruissements
et de sonorités étranges. C'est le cas par exemple de cette
robe composée de paquets de gâteaux apéritifs ou encore
de cet ensemble réalisé à partir de bouchons de bouteilles
de lait ou de canettes de bière.
- L'odorat. Les matières utilisées ont eu une première
vie. Ils sont bien sûr lavés mais gardent encore une odeur de
plastique, de liège ou de polyester qui leur donne une partie de leur
originalité.
- Le toucher n'est pas le moindre des sens utilisés. La juxtaposition
de ces matières si différentes réalise curieusement une
composition harmonieuse et souvent agréable au toucher.
Une autre particularité reste cependant leur fragilité. Ces
vêtements sont souvent conçus pour être éphémères,
telles ces robes réalisées avec les journaux du jour et qui
vieillissent (et jaunissent) aussi vite que les supports qui les composent.
Clôture
de défilé (Photos : Collection Nadine Denis)
La préparation
du premier défilé
Une fois les vêtements terminés, il faut ensuite préparer
le défilé qui va permettre de les faire connaître. Les
mannequins sont déjà tous trouvés, tous habitants de
Saint Julia : chacun portera une réalisation sur-mesure.
Le défilé se prépare aussi en famille. Le mari de Nadine,
représentant de profession, maîtrise l'art de parler en public
: il prendra donc le micro pour assurer les commentaires et présenter
les modèles. Leur fils, passionné de musique, choisit les accompagnements
musicaux et les mixe pour accompagner le défilé. Nadine se prépare
avec une certaine anxiété à ce premier passage en public.
Elle réalise à la fois les robes, pantalons, vestes, manteaux
mais aussi tous les accessoires, excepté les chaussures. Le grand jour
arrive : un peu d'anxiété bien sûr comme chaque créateur
au moment de dévoiler ses modèles mais la manifestation est
finalement un franc succès.
Robe réalisée à partir : de paquets de pâtes, vieux rideaux, couvercles de bocaux de cornichons, capsules de biéres (Photos : Collection Nadine Denis) |
Robe réalisée avec : emballages d'amuse-gueules, vieux rideaux, bouchons d'eau minérales (Photos : Collection Nadine Denis) |
Les
autres défilés
L'aventure ne peut terminer ainsi
Encouragée par ses proches,
Nadine contacte une association tarnaise "Recycl'Art", installée
à Guitalens dans le Tarn qui utilise des matériaux recyclés
pour réaliser des statues ou autres sculptures. L'association est intéressée
et propose à Nadine de préparer son deuxième défilé
qui aura lieu à l'occasion d'un vernissage. Nadine se replonge donc
dans les affres de la création. Cette seconde manifestation aura finalement
lieu en juillet 2002 en plein air et sera également un succès.
Nadine a cette fois choisi le thème de la transparence en proposant
de nouveaux modèles composés de matières plus fluides
et moins dures que lors du premier défilé.
Robe réalisée à partir : de rideaux et
bouchons de bouteilles en plastiques
sur le thème de la transparence
(Photos
: Collection Nadine Denis)
Une créatrice en quête de reconnaissance
Nadine a aujourd'hui une trentaine de modèles dans son "press-book".
Chacun a nécessité de 7 à 8 jours de travail plein.
Pour son dernier défilé, par jeu, Nadine a contacté une
célèbre marque de la grande distribution pour proposer de sponsoriser
ses modèles mais sans succès jusqu'à maintenant. Car
cette activité, reste bien sûr une passion bénévole.
Elle a aussi pensé à envoyer aux magazines féminins des
photos d'une de ses réalisations les plus originales : un ensemble
justement composé des couvertures de grands magazines nationaux. Elle
n'a pas franchi le cap national, mais bon début elle fait ce mois-ci
la couverture de Couleur Lauragais.
Robe réalisée avec des capsules de bouteilles de lait (Photos : Collection Nadine Denis) |
Robe de mariée réalisée avec des sacs à pommes de terre, des sacs en plastiques de récupération et du film rétractable (Photos : Collection Nadine Denis) |
En attendant cet événement, Nadine ne manque pas de projets. Elle compte d'abord se lancer dans la sculpture avec une réalisation entièrement composée de bouteilles de jus d'orange. Les articles décoratifs font également partie de ses projets à court terme. Une passion dévorante dont les résultats sont vraiment à la hauteur de ses espérances.
Interview :
Pascal RASSAT
Couleur Lauragais N°48 - décembre 2002