Le
relief du Lauragais
ou le Pays des Mille Collines (2ème partie)
Après avoir étudié dans le numéro 45 les roches, la Montagne Noire et la dépression périphérique, voici l’étude par Jean Odol des massifs de collines et la formation du seuil de Naurouze.
La zone des mille collines
Nous entrons dans le domaine de la molasse entrecoupée de bans de grès
et de calcaires et qui occupe la majeure partie du Lauragais, de St Félix
à Lanta, de Laurac à Castanet en passant par Nailloux et Montgiscard.
Les pentes longitudinales sont faibles : Laurac 350 m, Caraman 250, Lanta
220, St Félix 320, Nailloux 280, Montgiscard 250.
Cet immense massif de collines est coupé en deux par la gouttière
de l'Hers mort.
La
gouttière de l'Hers Mort (Baziège-Villefranche)
Orienté Nord-Sud, de Naurouze à Castanet, un couloir s'étire
sur une trentaine de kilomètres et une largeur variable : 2 km à
hauteur de Montesquieu, 2,5 vers Montlaur. Il s'agit du grand axe des voies
de communication, depuis l'antique voie romaine d'Aquitaine (via aquitania)
du 1er siècle avant Jésus Christ, jusqu'à l'autoroute
A 61 et le canal de Riquet. Ce fossé est limité par deux cassures
des couches de molasse ; entre ces deux failles un bloc molassique s'est affaissé
en dessinant un couloir ; au Nord les couches ne semblent pas avoir bougé
; au Sud au contraire la molasse est beaucoup plus élevée :
271 m à Ayguesvives, 280 à Nailloux, Baziège est à
150 m.
L'Hers s'est ensuite introduit dans la gouttière à la pente
très faible et l'Hers vieux dessinait de multiples méandres
dans des marécages boisés : c'est la célèbre forêt
de Baziège-Saint Rome, 10 000 hectares sauvages où l'on chassait
l'auroch à l'époque de Charlemagne. Les inondations de l'Hers
étaient annuelles ; à partir de 1710 des travaux transforment
la plaine par la construction d'un lit artificiel et rectiligne ; l'essentiel
du creusement est terminé vers 1750, on endigue ensuite l'Hers sous
Napoléon III ; les derniers travaux sont de 1975-80.
Au delà de Naurouze, la gouttière se prolonge par une longue
échine de terrain, une serre, jusqu'au Présidial de Castelnaudary
; cette serre sépare le bassin versant du Triboul et celui du Fresquel.
Le pointement rocheux du présidial est la clef du col de Naurouze par
sa position dominante ; toujours couronné par une forteresse il l'est
encore par le château du pastel (XVIème) construit par Catherine
de Médicis (actuel musée).
La Piège
Les
collines du Nord
Elles sont drainées par un curieux dispositif de rivières indigentes
avec des tracés parallèles : l'Hers, la Marcaissonne, la Saune,
la Seillonne, la Sausse, le Girou ; des fonds larges et souvent humides. Les
collines dessinent d'interminables serres entre ces ruisseaux ; les pentes
des versants sont faibles, donc plus faciles à travailler notamment
à l'époque des attelages tirés par des bœufs ; c'est
la micro région du pastel par excellence, celle où les châteaux
dus à la richesse liée à cette plante sont les plus nombreux.
Laurac - la Piège - la Montagne Noire
La
formation du Seuil de Naurouze
Dans la région de Naurouze, le tracé du Fresquel de Labastide
d'Anjou constitue un trait curieux : il vient des collines de Baraigne comme
la Ganguise et l'Hers. Il s'écoule vers le Nord Ouest puis tourne brutalement
de 180° et se dirige vers le Nord Est, s'encaisse dans la molasse et rejoint
à Souilhe le Fresquel de St Félix. Ce tracé, qui s'est
réalisé en trois temps, parallèlement à l'évolution
du relief, aboutit à l'ouverture du seuil de Naurouze.
A la fin du Pliocène et au début du Quaternaire, un réseau
hydrographique conséquent se constitue dans le Lauragais de part et
d'autre de l'Hers qui en est l'axe médian ; ce réseau est conservé
au Sud (Ganguise et Hers supérieur) et vers l'Ouest et le Nord : le
Marès, la Marcaissonne, la Saune ont des tracés à peu
près parallèles ; à Naurouze trois ou quatre ruisseaux
en éventail drainaient les collines vers l'Ouest.
Deuxième étape : l'érosion hydro-éolienne détruit,
à l'Est du seuil, l'ancien relief de collines pour lui substituer la
vaste dépression qui draine actuellement le Fresquel et le Tréboul.
Troisième étape : une reprise de l'érosion creuse les
vallées qui vont du côteau de St Félix au Fresquel ; celui
ci s'encaisse vers Labastide d'Anjou et fait la capture du Fresquel de Baraigne
qui est ainsi détourné vers la Méditerranée. Les
Pierres de Naurouze sont le résidu témoin d'une couche de conglomérats
(cailloux cimentés) beaucoup plus vaste ; à Castelnaudary un
pointement rocheux de grès dur est dégagé de la molasse
: c'est la colline du Présidial, position stratégique qui commande
le seuil, comme à l'Ouest Avignonet et Montferrand.
Depuis Montferrand
: au loin, la Montagne Noire dissymétrique
Le
massif des collines du Sud
Au Sud à Baziège, il s'agit de la micro région qui commence
à la Piège (Salles sur l'Hers) et qui comprend les villages
de Montgeard, Nailloux, Montgis-card, Montbrun ; elle est limitée au
Sud par l'Hers vif, à l'Ouest par l'Ariège (Auterive). Ce bloc
de collines est beaucoup plus élevé que celui qui est situé
au Nord de la gouttière de l'Hers (Lanta) ; les pentes des versants
sont souvent très fortes et délicates à travailler avec
les machines agricoles. L'axe est la vallée de la Hize ; ce ruisseau
prend sa source vers Gibel et conflue avec l'Ariège à Venerque
; la largeur de sa vallée est considérable : l'on suppose que
les couches de la molasse sont déformées par une puissante ondulation
(un synclinal) en creux.
En
conclusion nous vous livrons quelques lignes sur la végétation
naturelle du Lauragais ; elle a été sérieusement détruite
par les hommes et le Pays de Laurac est actuellement l'une des régions
les plus déboisées de France ; seule la Montagne Noire a conservé
quelques très belles forêts dans la région des Cammazes
et de Verdun (chênes, hêtres, conifères). La végétation
lauragaise est le lieu de rencontre d'espèces venant de l'Est (plantes
méditerranéennes) et de l'Ouest (variétés atlantiques)
; si l'olivier atteint difficilement Villepinte et Montolieu, le chêne
vert remonte jusque dans la Piège, à Verdun ou à Saint
Papoul ; le kermès est à Saint Félix. Les bois actuels
sont un mélange de chênes blancs (ou pédonculés)
et de chênes noirs (pubescents). Dans la Piège dominent "les
chênaies mélangées" avec prédominance des
pubescents où se glisse souvent le chêne vert.
Les sols très fertiles du Pays des Mille collines abritent une riche
palette de plantes cultivées de climat atlantique : céréales
comme le blé, seigle, orge, sorgho ; la vigne qui était omniprésente
est venue de Grèce et d'Italie. Le phénomène le plus
original est l'adoption des plantes tropicales d'origine américaine
: maïs, haricots, tournesol, mais aussi le manioc, la pomme de terre,
le tabac et un oiseau : le dindon.
Jean
ODOL
Agrégé de géographie
Bibliographie : G. Jorré : "Le Terrefort toulousain"
R. Brunet : "Les campagnes toulousaines"
J. Odol : "Le Lauragais, pays des cathares et du pastel"
Crédit photos : Jean Odol
Couleur Lauragais N°47 - novembre 2002