GENS D'ICI
La restauration du moulin à eau de Lauzy
Le moulin de Lauzy, cest cette grande bâtisse sur la droite de la route départementale menant de Revel à Sorèze. André Frède, son actuel propriétaire, y a entrepris, depuis son acquisition, un formidable travail de restauration que vous raconte aujourdhui Couleur Lauragais.
Les origines du moulin
Lhistoire du moulin de Lauzy commence en 1771 avec la construction dun
premier bâtiment entre le Sor, petite rivière descendant de la
montagne noire, et la rigole de la plaine, qui amène leau jusquau
canal du Midi. En 1870, un bâtiment dhabitation est ajouté
à la première bâtisse. Le nom Lauzy vient de la présence,
près du moulin, de chênes verts, "lausin" en
occitan.
Au début du 20ème siècle, le moulin de Lauzy est lun
des treize moulins à eau installés au bord du Sor (des martinets
pour le travail du cuivre vers Durfort, moulins à blé au delà).
Jusquen 1941, la minoterie fonctionnera à son plein potentiel
avec ses 4 meules, employant jusquà douze personnes. Après
la seconde guerre mondiale, elle conservera uniquement une fonction de meunerie,
essentiellement pour lalimentation du bétail.
Vue
générale du Moulin de Lauzy
La
restauration progressive des deux bâtiments
Cette activité, Fernand Escaffre, fils du meunier du début du
siècle, lexercera jusquen 1975, date de son départ
à la retraite. André Frède est alors ingénieur
sur Bordeaux. Il cherche une habitation à retaper dans la région
et achète le moulin. A partir de 1975, il va entamer la restauration
du bâtiment dhabitation afin de préparer son départ
à la retraite qui aura lieu en 1996. A partir de cette date, André
se lance dans la restauration du moulin lui-même. Sa formation dingénieur,
un solide talent de bricoleur, complété par la lecture de nombreux
ouvrages sur la question, lui permettent de devenir un expert du fonctionnement
des moulins. La plupart des mécanismes sont rouillés et nont
pas fonctionné depuis des dizaines dannées. André
relève les plans, graisse les rouages, répare les roues et vérifie
tous les assemblages. Un travail de titan qui nécessite tour à
tour de simproviser menuisier, ferronnier, forgeron ou tôlier.
Un travail qui a aussi souvent nécessité des trésors
dimagination pour régler les plus complexes des problèmes
de fonctionnement. André compte heureusement de nombreux amis artisans
qui le conseilleront tout au long de la restauration et laideront à
en venir à bout.
Moulin à eau
de Lauzy : Déplacement d'une meule au moyen de la grue
Visite
du moulin
Le moulin restauré occupe quatre niveaux de la bâtisse la plus
grande. Au niveau inférieur, ce sont les six roues à aubes :
un système de vannes permet de faire circuler leau sous la maison
entre le réservoir situé devant la maison et le bief de sortie
relié à la rigole de la plaine.
Au rez-de-chaussée, ce sont les meules elles-mêmes : le moulin
en possède quatre paires. Chaque meule est en effet montée en
double : au-dessous une meule dormante fixe et au-dessus une meule tournante.
Le blé est broyé entre ces deux meules, plus ou moins fin en
fonction de lespace que lon règle entre les deux énormes
masses de pierre.
Le moulin recèle aussi un véritable trésor : une authentique
dynamo très ancienne appelée machine de Gramme (sans doute la
première de la région). Celle-ci permettait dalimenter
une douzaine dampoules en courant 50/60 volts. Le rez-de-chaussée,
cest aussi létage de la paquerie, la pièce où
la farine était ensachée avant dêtre emportée
par charrette dabord, puis plus tard par voiture, chez les clients de
toute la région.
Au premier étage, ont été placés lépurateur
et lhumidificateur. Lépurateur permet de tamiser et de
trier les grains de blé. Lhumidificateur sert quant à
lui à augmenter le degré dhumidité du grain, condition
indispensable avant lécrasement par les meules. En fonction des
saisons, plus sèches ou plus humides, on peut choisir la quantité
deau qui permettra au blé davoir la consistance idéale
pour le broyage.
Au deuxième étage se trouve le tarare, un nettoyeur fonctionnant
par aspiration qui permet dextraire tous les corps étrangers
pour ne garder que les grains qui serviront à faire la farine la plus
pure possible.
Tous les outils sont reliés dun étage à lautre
par dingénieux dispositifs, telle par exemple cette courroie
à godets qui permet de monter le blé du rez-de-chaussée
au deuxième étage. Mais cest lorsque le moulin se met
en marche que lon sent vraiment toute la passion mise dans cette restauration.
Pas un rouage ne grince : cest un moteur parfaitement huilé que
lon remet en route et lon peut entendre les mêmes bruits
que ceux quentendait déjà le meunier du début du
siècle et surtout voir sortir cette farine merveilleusement odorante
de ces énormes machines.
Manipulation de la grue
Réapprendre les gestes du meunier
Létape suivante, une fois le moulin restauré, fût
bien sûr de produire de la farine. André sest alors adressé
à la coopérative la plus proche pour acheter du blétendre.
Il choisit dabord une variété présentant toutes
les garanties de traitement vis-à-vis de parasites. Il ouvre les vannes
pour lancer le fonctionnement des meules et, moment émouvant, voit
ainsi sortir des meules sa première farine.
En juin 2000, André tente une nouvelle expérience. Il décide
de se fournir en blé biologique. Quelle nest pas alors sa surprise
de constater que les meules sont envahies par les charançons, des insectes
nuisibles qui sattaquent au blé. André doit nettoyer toutes
ses meules et revenir à un blé traité pour éviter
ces désagréments. Une expérience qui prouve toute la
difficulté à produire une farine réellement biologique,
du moins au stade artisanal.
Ancien et nouveau
meuniers : Fernand Escaffre et André Frède
Une
initiative individuelle au service de la valorisation du patrimoine local
Aujourdhui, la restauration est terminée. Même si André
accepte de montrer à quelques passionnés le fonctionnement du
moulin à eau, ce sont les membres de sa famille qui sont ses visiteurs
essentiels. Sa petite-fille notamment, aime à se barbouiller le visage
avec la farine à peine sortie des meules et a déjà rebaptisé
le moulin de Lauzy en moulin de Padou (diminutif quelle a inventé
pour son papy "Doul").
André a mis autant de passion dans la préparation de ces visites
que dans la restauration elle-même. Près de chaque machine, un
plan indique son fonctionnement et son utilité. Il a également
réalisé un document retraçant ses longues années
de travail. Son objectif principal est en tout cas bien atteint : valoriser
le patrimoine local en lui conservant toute son authenticité. Une initiative
privée qui fait rentrer pleinement le moulin de Lauzy dans les richesses
de notre patrimoine local.
Interview : Pascal RASSAT
Le
document présentant les étapes de la restauration est disponible
sur demande auprès de Mr André Frède :
Moulin de Lauzy - 81540, Sorèze
Crédit photos : André Frède
Couleur Lauragais N°46 - octobre 2002