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Couleur Lauragais : les journaux

Au fil de l'air

Histoire du Centre de Vol à Voile de la Montagne Noire

Toute l’histoire du vol à voile français passe par La Montagne Noire, la majeure partie de nos grands pilotes y ont vécu leurs premières expériences et les plus grands records y ont été battus. Cette magnifique épopée constitue une part importante de notre patrimoine national que l’APPARAT s’emploie à conserver et à mettre en valeur dans le musée installé dans ces locaux historiques. Une grande rétrospective sera faite lors de la journée du patrimoine, le 22 septembre 2002.

Le vol à voile
Plusieurs procédés sont utilisés pour mettre un planeur en vol. Au tout début, se pratiquait le lancer au sandow : une équipe tend les deux bouts d'un sandow accroché au nez du planeur, alors qu'une autre équipe retient la queue jusqu'au signal "Lâchez tout" du pilote. Ensuite, est apparu le treuil : le planeur est tracté par un câble d'environ 1 000 mètres, enroulé autour du moyeu d'une voiture (ou d'un appareil spécialement conçu). Le troisième procédé, le plus efficace sinon le plus économique, consiste à faire remorquer le planeur par un avion, jusqu'à l'altitude désirée.
Différentes techniques permettent de maintenir un planeur en vol. Le vol à voile thermique exploite les courants ascendants déclenchés par les différences de température des surfaces au sol ou dans la masse d'air elle-même. Le vol voile dynamique profite de la déviation vers le haut d'un vent qui frappe une pente. Le vol à voile thermodynamique bénéficie de la conjugaison des deux effets précédents.
L'enseignement du pilotage a été entravé, jusqu'en 1945, par l'absence de planeur-école biplace. L'élève, quasi-autodidacte, s'entraînait alors à maintenir le planeur au sol, face au vent, en agissant sur les commandes. Il effectuait ensuite de petites lignes droites après avoir été "giclé" au sandow à faible hauteur. Puis il s'enhardissait en tentant quelques virages.


Décollage en remorque

Découverte de La Montagne Noire
Le Club des Ailes, créé en décembre 1931 à Toulouse par Jean Thomas et Jean Garrigue, découvre le site à l’extrémité ouest du vieux massif de La Montagne Noire, sur un contrefort en forme de balcon dominant la plaine du Lauragais. Limite climatique, cette bosse dénudée se révèle, par vent d'ouest à nord-ouest, favorable au vol à voile dynamique et thermique.
Le dimanche 6 juin 1932, Jean Thomas y effectue le premier vol, sur un planeur Sulky Spécial lancé au sandow tendu par des bœufs. L'atterrissage s'effectue dans un potager de Vaudreuille, après un magnifique vol de 6 minutes et 15 secondes ! Après cet exploit, l'activité s'installe et les deux précurseurs parviennent à tenir l'air plusieurs heures.
L'engouement pour le vol à voile, plus sportif et plus économique que le vol à moteur, amène les aéro-clubs de la région à créer, en mars 1933, la Fédération Française de Vol à Voile du Midi qui prend en main les destinées de La Montagne Noire, devenue le Centre Fédéral de Revel, et lui donne l'impulsion qui en fera un grand centre. Elle implante un premier hangar sur le terrain loué à Paul Boutes pour 2 Francs par an.


Bréguet 904 sur la Montagne Noire

Le développement de l'activité
Au printemps 1935, une tempête de vent d’autan détruit le hangar mais ne ralentit pas l'enthousiasme des vélivoles.
Le 4 juillet 1935, débute la longue série des records battus au Centre, avec le record de France de distance (33 km) jusqu’à Mazamet par Jean Thomas, alors que plus de 2 000 lancers ont lieu au sandow et au lanceur (sandow plus auto) depuis le premier vol.
Le 5 avril 1936, débute la Quinzaine Internationale de Pâques, la première des manifestations importantes qui jalonneront la vie du Centre.
En 1937 sont construits les bâtiments techniques avec une tour métallique météo. Des bâtiments d’hébergement en bois sont également construits.
En mai 1937, se déroule la Quinzaine de Pentecôte, deuxième concours international, sous le patronage du Ministère de l’Air, avec la participation des grands vélivoles Charles Fauvel, Marcel Spire, Eric Nessler, Langlais et Messine.
En 1938, La Montagne Noire devient un Centre Régional géré par l’Aéro-club de Revel et dirigé par Jean Thomas, avec le chef-pilote Georges Rouchouse.
Avant la fermeture du Centre, à la déclaration de guerre, nouveau record national de durée, le 2 août 1939, avec 6 h 57 par Georges Rouchouse et Edmond Voirgard sur le Castel 24 construit par l'ingénieur Castello et judicieusement baptisé "Yanapour 2", première solution au planeur-école biplace.


Le folklore
A cette époque se crée le folk-lore vélivole, résultat conjugué des longues soirées, des périodes de mauvais temps, des libations, de la malice de certains et de l'ingénuité des autres, avec deux points forts : L'intronisation du Cardinal Paf (intronisation obtenue devant un conclave intransigeant, après une longue et difficile initiation à la dégustation, selon un rite complexe et bien défini, de boissons fortement alcoolisées et de n'importe quelle nature) et la chasse au Dahu (n.m. Oiseau mythique aptère qui chemine sur les flans des coteaux de la Montagne Noire, dans le sens qui lui est le plus favorable car il a une patte plus courte que l'autre. Pour le capturer, il est nécessaire de l'interpeller de l'arrière, afin qu'il perde son équilibre en se retournant. Le Dahu se chasse par nuit chaude et généralement en couple). Le Ban zobé, manifestation spontanée de liesse, apparaîtra quelques années plus tard.

La Guerre
La pratique du vol à moteur étant interdite, le vol à voile permet de faire voler tous les impatients qui attendent des jours meilleurs. Le Centre rouvre en février 1941, avec la construction d'un hangar et le montage des baraques Adrian (récupération de la Première Guerre). La flotte se compose des Avia XIA, XVA, 32 E et 40 P, du CM Aigrette et du C 242.


Le treuil en 1941

Le 16 avril 1941, La Montagne Noire, devenue Centre National, est inaugurée par Jean Borotra, commissaire général aux Sports. Sous la direction de Roger Duchesne, les pilotes élaborent la première méthode de pilotage de planeur. Le Centre s'oriente alors vers sa vocation définitive : la formation des instructeurs.
Deux mille heures de vol sont effectuées et 140 instructeurs sont formés avant l'arrêt des vols, le 5 décembre 1942, avec l'envahissement de la zone dite "libre" par les Allemands. Auparavant, le 20 juin 1942, Eric Nessler, sur SPAL S18, avait battu le record du monde de durée en 38 heures et 21 minutes.


Lancer d’un avion 15A au sandow

La reprise et les records
Aussitôt le territoire libéré, les vols reprennent, le 17 septembre 1944, sous la direction de Jean Noirtin (auquel succèdera Pierre Capgras). Les stages de formation des instructeurs sont de nouveau organisés avec une flotte, enrichie de quelques planeurs allemands, et constituée d'Eider, C800, C25S, PM200, C301, C310P, C311P et Kranisch.
Raymond Jarlaud, chef du bureau d’études de la Société Avia, qui avait produit les tout premiers planeurs, conçoit le biplace-école C 800 qui sera la bête de somme de l'instruction, il concevra également l'Air 100, monoplace de performance.
Les périodes de vent d'autan contraignant le Centre à l'inactivité, le site de Puivert (Aude) est équipé pour accueillir les stagiaires et poursuivre la formation sans interruption.
Les records de durée reprennent, le 29 avril 1945, avec le record de France féminin monoplace (12 h 20) par Marcelle Choisnet sur Avia 40P. Le 23 mai 1946, le record de France féminin biplace (7 h 21) par Marcelle Choisnet et Lu-cienne Lafarge sur Castel C 242 et, le 5 octobre, le record de France de durée féminin monoplace (16 h 44) par Suzanne Melk sur Avia 40 P. Le record de France féminin biplace est de nouveau battu, le 25 mars 1947, par Suzanne Melk et Thérèse Buguet sur Castel C 242 (16 h 30). Le 23 juin 1948, record de France biplace (28 h 50) par Jean Noirtin et Guy de Lasageas sur Castel C 242.
Le 15ème anniversaire et la 10 000ème heure de vol depuis la Libération sont fêtés, le 20 avril 1947, par une grande soirée dansante au cabaret "Vol de Nuit" à Saint-Ferréol, géré par les instructeurs du Centre.
Les travaux d'agrandissement et d'infrastructure, poursuivis en 1944 avec la construction du hangar Mistral 1, continuent en 1949 avec la construction du hangar Mistral 2, de la cuisine et du restaurant avec véranda. Le Centre prend alors la physionomie caractéristique qu'il conservera jusqu'à nos jours.


Les installations en 1950

L'Organisation Régionale
L'institutrice revéloise Paule Robert, première femme vélivole à La Montagne Noire (avril 1942), anime l’Organisation Régionale. Propagantiste infatigable, elle amènera au vol à voile de nombreux jeunes de la région, durant des stages ou pendant les week-ends. Plusieurs de ces jeunes poursuivront des carrières aéronautiques. La Chaurienne Dominique Gouzy remportera, le 6 juillet 1962, le record de France de distance en circuit fermé (320 km). Le 26 juillet 1963, elle remportera le record de France féminin de vitesse sur 100 km à Vrsac (Yougoslavie). Elle deviendra pilote de ligne.

Un grand "Patron" : Guy de Lasageas
Le 1er Juillet 1956, Guy de Lasageas devient chef de centre. Ancien pilote militaire, élève instructeur en 1941, instructeur en 1944, chef-pilote en 1952, il est un technicien inégalé du vol à voile et de l'instruction. Jusqu'en 1971, il dirigera avec passion une équipe d'une douzaine d'instructeurs et d'une vingtaine de menuisiers et mécaniciens (animés par Jacques Aubriot). Il mènera La Montagne Noire au plus haut niveau, pour l'activité et la qualité de l'enseignement.
A partir de 1956, l'arrivée du planeur Bréguet 901, puis du biplace Bréguet 904, permet d'envisager des performance nouvelles. Le 1er mai 1959, louis Abeille effectue 330 km. Les vols dans les ondes induites par les Pyrénées et le Massif Central sont entrepris et les pilotes s'attaquent aux records d'altitude. Le 7 janvier, 9 300 m sont atteint au mont Carlitte par Jean-Paul Weiss et Jacques Aubriot, le 1er mars 1961, record de France d’altitude (10 400 m) et de gain d’altitude (8 900 m) par Jean-Paul Weiss et René Siaudeau au pic de Nore et au Carlitt. Le même jour, Jean Orssaud et Guy de Lasageas atteignent 9 800 m et Jacques Aubriot 9 100 m.
En juin 1961, le Centre renoue avec les grandes manifestations d'avant-guerre en organisant le Championnat de France de vol à voile.
De nouveaux planeurs très performants, en matériaux synthétiques, permettent d'améliorer encore les performances réalisées, des vols de distance sont entrepris et Louis Passerieux parcourt aisément plus de 600 km.
Mais, en 1980, pour des raisons budgétaires, la Direction de l'Aviation Civile décide la fermeture du Centre, malgré les résultats exceptionnels obtenus. En effet, de 1941 à 1979 le Centre National de la Montagne Noire a réalisé plus de 250 000 heures de vol, soit en moyenne de plus de 6 600 heures par an, avec des pointes à plus de 10 000 heures. Plus de 200 pilotes ont suivi chaque année des stages de perfectionnement ou d'instructeur. La sécurité a été parfaitement assurée puisque le seul accident fatal, celui du moniteur René Séguy et son élève, le 4 mai 1961, a été causé par un défaut de fabrication du planeur.

L'AASACT
En novembre 1983, est créée l’Association d’Animation Sportive Aéronautique Cultu-relle et Touristique de la Montagne Noire (AASACT). L’Education Nationale place Gustave Camilieri, ancien instructeur technique du Centre, comme chef de Centre, avec pour mission : "La création et le fonctionnement des activités aéronautiques au bénéfice des lycéens et étudiants". Roger Blan (en 1993), puis Bernard Gabolde (en 1996), succèderont à Gustave Camilieri.
L'AASACT réalise environ 2 000 heures de vol par an en assurant des stages de formation et de perfectionnement au pilotage, en liaison avec l'Aéro-club de Revel. De 1987 à 1998, elle forme avec succès plusieurs dizaines de mécaniciens aéronautique, dans une section du LEP de Revel. Cette formation, intéressante car elle débouche sur un réel besoin, ne sera malheureusement pas poursuivie.
L'Aéro-club Vol à Voile à La Montagne Noire
Depuis 1998, le Centre est animé par un aéro-club orienté vers la formation du pilotage et la pratique du vol à voile. Des classes d'initiation aéronautique sont organisées à Revel, à Castelnaudary et à l'IUT de Rangueil permettant aux étudiants d'accéder à l'instruction en vol. Près de 2 000 heures de vols sont réalisées chaque année. En octobre 2000, François Hersen succède à Bernard Gabolde comme président.

 

Pierre JARRIGE
Sources : APPARAT
"Le vol à voile à La Montagne Noire" par Roger ALBY

 

Couleur Lauragais N°44 - juilet/Août 2002