Le climat du Lauragais et le vent du diable
En
décembre 2001, le thermomètre est descendu à -10°,
- 13° et le gel a persisté pendant trois semaines environ; ce retour
inattendu d'une vague de froid très sévère a conduit
Couleur Lauragais à présenter une étude sur le climat
du Lauragais, quelques traits originaux.
Des géographes, écrivant sur notre climat, parlent d'un "climat décevant" ou "modérément capricieux"; un autre décrit les méfaits de l'autan, soufflant à 100 km/heure. Ce climat aux caractères si discuté permet d'obtenir sur les sols fertiles lauragais, et si l'on dispose de l'eau nécessaire pour arroser durant la saison chaude, des rendements de maïs-grain de 100 quintaux à l'hectare du côté d'Avignonet, ou 50 quintaux de blé dur vers Bram.
Platanes déformés
Le
cadre géographique
Nos collines sont à 150 km de la mer Méditerranée et
200 km de l'Atlantique; vers le Sud la barrière des Pyrénées
arrête généralement les masses d'air venues d'Espagne.
L'altitude est partout modeste: 700 à 1000 m dans la Montagne Noire,
300 m vers Nailloux, 250 à Lanta. Le Lauragais est largement ouvert
aux influences venues de l'Est comme celles qui arrivent de l'Ouest, de l'océan
Atlantique.
Ciel d'autan
à Revel - nuages tentaculaires traduisant l'onsulation atmosphérique
liée
au flux de sud-ouest, arbres ployés dans le sens du vent
Le
jeu des masses d'air
Le climat du Lauragais s'explique par le jeu des masses d'air qui circulent
au dessus de nous ; c'est sur l'Atlantique Nord que naissent les dépressions
apportant les pluies et qui se déplacent d'Ouest en Est. Du Nord -Est,
en hiver peuvent arriver des masses d'air très sec et très froid
: c'est l'autan de Sibérie qui a soufflé en décembre
2001. Du Sud, arrivent des masses chaudes, en provenance parfois du désert
du Sahara et qui abandonnent sur nos voitures des poussières rougeâtres,
des grains de sable très fins. Enfin de l'Est des masses d'air méditerranéen
balaient le pays sous une forme spectaculaire : le fameux vent d'autan.
Des
étés chauds et secs
C'est vers la Saint Jean (24 juin) que l'été caniculaire éclate,
brutalement, sans transition ; l'été présente deux caractères
essentiels : de très hautes températures avec une moyenne de
juillet de 26° et des records qui peuvent dépasser 40°, et
une grande sécheresse ; sous un ciel bleu intense, un soleil implacable
déverse ses flots de lumière crue sur les tournesols qui se
développent à une vitesse impressionnante, surtout si des orages
providentiels brisent la période sans pluie.
Des pierres pour tenir les tuiles sur des maisons neuves
à Dourgne
Des
pluies irrégulières*
Certaines régions reçoivent plus de 800 mm de pluie annuelle
; la Montagne Noire est très hu-mide : entre 1000 et 1500 mm ; ailleurs
il tombe entre 700 et 800 mm ; le couloir central, de Castanet à Naurouze,
la plaine de Bram ; les dépressions du Fresquel et du Tréboul
sont relativement moins arrosées : moins de 700 mm. Partout c'est le
printemps qui est le plus humide ; puis la sécheresse s'installe jusqu'en
septembre.
Le
pays des vents
L'agitation de l'air est incessante et rares sont les journées calmes
; à Villefranche, 68 jours par an seulement sont qualifiés de
"sans vent". La rose ci-jointe nous montre une bonne douzaine de
vents ; les principaux : venant du Nord la bisa, du Nord Est : l'autan de
Sibérie (ou manja fanga = qui mange la boue) ; de l'Est : la soledra,
le levant ; Est : le vent blanc, le marin l'auta ; du Sud Est : l'autan, marin,
vent de naut ; du Sud : miégjorn, vent de bas, trasmontana, vent d'Espagne,
vent d'avant, de Saint Gaudens ; Ouest Sud Ouest : vent de Baiona, ponental
; de l'Ouest : ponent, le plojal ; de l'Ouest Nord Ouest : rosal, bordalès
( vent de Bordeaux) ; du Nord Ouest : le vent de darré, vent terral,
le cers ; Nord Nord Ouest : bisa negra. Dans certaines régions du Lauragais,
le cers désigne tout vent venant de l'Ouest.
Le
vent d'autan ou vent fou
Le vent d'autan est le vent maître du Lauragais comme le mistral celui
de la vallée du Rhône et de la Provence ; à Castelnaudary
et à Bram on l'appelle le marin ; son domaine ne se limite pas à
nos collines molassiques car son souffle se fait sentir jusqu'à Rodez,
Cahors, Agen et Auch, mais sa vitesse maximale se localise vers Castres, Revel
et Saint Félix.
Plusieurs jours avant qu'il ne souffle, on voit très nettement la chaîne
des Pyrénées ; "l'auta bol bufa", disent nos paysans
; puis il se lève, lentement d'abord, furieusement ensuite ; sa course
s'accélère jusqu'à des pointes de 100-120 km/heure (le
record absolu est cependant détenu par un coup de cers, le vent venant
de l'Ouest). L'autan est un véritable fléau pour la végétation,
couche les blés au printemps, dépouille les arbres de leurs
fleurs, brise les branches chargées de fruits (ce qui explique l'absence
d'arbres fruitiers en Lauragais), casse les tiges du maïs, abîme
les vignes. Il abat les cheminées ou renverse les 2 CV ; en juin 1916
il y eut mort d'homme lorsqu'il renversa sur la voie, près de Revel,
plusieurs wagons du petit train du Lauragais. Généralement,
après plusieurs jours de déchaînement, le vent tourne,
le cers s'installe avec la pluie.
Comment expliquer ce vent du Diable, ce vent fou ? On distingue souvent deux
types d'autan ; un autan noir qui amène rapidement la pluie, et un
autan blanc anticyclonique, plus vigoureux, chaux et sec qui souffle longtemps
(une semaine) et correspondant à une circulation de Sud Est à
tous les niveaux. Les radios sondages, les lâchers de ballons, les satellites
ont permis d'étudier la circulation en altitude ; mais au sol, quelque
soit son type, l'écoulement de l'air se fait selon les mêmes
caractères de violence et de tourbillons hurlants.
L'autan
et les hommes
Les paysans sont des observateurs exceptionnels ; ils orientent leur maison
en fonction des vents et l'axe principal de la borde est toujours parallèle
à l'autan ; le mur oriental est toujours sans fenêtre ou protégé
par un hangar, même chose à l'Ouest, d'où surgit le cers
et la pluie. Les pièces d'habitation sont ouvertes au Sud, au midi,
au soleil.
Les vents sont assimilés aux luttes entre deux divinités ; le
bon vent est "le vent de Dieu" (vent d'Ouest), alors que le vent
d'Est est "le vent du Diable".
Le climat du Lauragais reste très favorable aux plantes cultivées,
blé, tournesol, maïs, deux caractères cependant sont parfois
négatifs : l'autan et la sécheresse estivale. Malgré
"le vent du Diable", le Lauragais demeure toujours le Pays de Cocagne.
Jean ODOL
Crédit photos : Collection Pierre ESPENON
Couleur
Lauragais N°41 - avril 2002