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Couleur Lauragais : les journaux

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Roger AIME, artiste du bâtiment à Villefranche de Lauragais

Aujourd’hui à la retraite, Roger Aimé a exercé le métier de peintre de façon très éclectique : de la peinture en bâtiment à la restauration de fresques anciennes dans les églises, en passant par la réalisation d’enseignes publicitaires. Couleur Lauragais lui a demandé de nous raconter cette vocation qui commence, une fois de plus, par une histoire de famille.


Enseigne de Roger Aimé

Cinq générations de peintres en bâtiment
Roger est né en 1927. Un an avant, son père, jeune marié, s’est installé à Villefranche où il exerce le métier de peintre comme le faisait son propre père avant lui. Car la peinture chez les Aimé, c’est une histoire qui porte déjà sur plusieurs générations. Cinq générations se sont en effet succédées au bout du pinceau : le grand-père et le père de Roger Aimé d’abord, puis aujourd’hui, son fils et son petits fils qui suivent les traces de leurs aînés.

Départ en Belgique
A 14 ans, Roger commence à travailler aux côtés de son père. Mais le tournant décisif dans le choix de son futur métier a lieu durant la guerre. A cette époque, son père héberge une famille de réfugiés belges. A la fin de la guerre, ils rentrent sur Bruxelles et conseillent à Roger d’intégrer une école particulièrement réputée : l’Ecole supérieure Van Der Kelen. Elle forme des peintres décorateurs spécialisés et polyvalents capables aussi bien de restaurer une peinture ancienne que de maîtriser les techniques plus spécifiques de la peinture d’enseignes commerciales.
A 19 ans, Roger part donc en Belgique pour intégrer cette école cosmopolite où se côtoient des étudiants belges, suisses, hollandais ou encore tchèques. Six mois de formation pour apprendre le métier de peintre décorateur et découvrir les techniques les plus spécialisées. Toutes les "ficelles" pour peindre des imitations de bois, de marbre, dessiner des enseignes, créer des filets, étudier les styles décoratifs lui seront enseignées. Il y apprend aussi et surtout l’alchimie des couleurs : comment mélanger les pigments, poudres et l’huile d’essence qui donneront la teinte exacte recherchée.
Des cours intensifs qui durent toute la journée et se prolongent également le soir jusqu’à 21h30. Et la journée n’est pas terminée puisqu’il lui faut encore accomplir les travaux personnels ordonnés par les professeurs. Un apprentissage dur mais que Roger n’a jamais regretté. Cette formation lui apporte en effet une véritable spécialisation qui lui servira tout au long de sa carrière. C’est d’ailleurs avec son diplôme en poche accompagné d’une mé-daille d’or et d’une distinction qu’il rentre à Villefranche.


Cahier de notes deRoger Aimé à l'école Van der Kelen

Le retour au terroir
Roger reprend le travail avec son père à partir de 1947. A la sortie de la guerre, toutes les enseignes commerciales sont à refaire. Roger se souvient ainsi de sa première année de travail passée à repeindre toutes les enseignes de la rue principale de Villefranche de Lauragais.
Il se marie quelques mois plus tard : sa femme tient une droguerie en ville, un commerce complémentaire de l’activité de peinture. Grâce au savoir-faire acquis en Belgique, Roger sait en effet comme personne mélanger les couleur pour obtenir n’importe quelle teinte ou nuance. Un talent appréciable quand on veut apporter une retouche à un volet ou reprendre un ravalement de façade.
Les marchés se diversifient rapidement. Toujours une majorité de maisons et de bâtiments à re-peindre bien sûr mais aussi des travaux plus artistiques qui nécessitent des compétences plus pointues. Et Roger est parmi les seuls dans la région à pouvoir le proposer.

La peinture … sous toutes ses formes
Au fil des ans, Roger va travailler à la restauration des fresques de plusieurs églises de la région : Nailloux et Avignonet dans les années 50, Montgaillard dans les années 60, Caragoudes dans les années 70 ou encore Les Varennes en 1987. Son travail consiste à remplacer des morceaux de frise effacés par le temps. Il réalise également des autels peints en imitation marbre. Il reçoit les commandes de particuliers qui souhaitent peindre des portes classiques en imitation bois plus rustique. Roger étend enfin ses activités aux publicités sur les voitures. Il travaille avec un carrossier de la région pour proposer, bien avant les signalétiques adhésives, des voitures aux couleurs de leur société.


Enseigne de Roger Aimé

L’évolution des techniques et des matières
Même si les compétences restent les mêmes, les techniques évoluent énormément avec le temps. Les matières utilisées pour les couleurs changent radicalement. Ainsi, pour obtenir une pâte de couleur blanche, on utilisait autrefois le céruse, un champignon obtenu par l’oxydation du plomb. Une matière qui avait cependant un inconvénient majeur : sa toxicité. Elle a progressivement été remplacé par d’autres substances, plus neutres et moins dangereuses, comme le blanc de zinc ou le titane.
Les peintures à l’eau, celles que Roger a utilisées tout au long de sa carrière, ont également beaucoup évolué. Dans l’après guerre, on utilisait des peinture à émulsion où l’on mélangeait des poudres et des substances huileuses. Ces peintures ont ensuite été remplacées par des substances chimiques au vinyl puis par la peinture acrylique.

Un métier plus spécialisé
Le métier de peintre décorateur polyvalent tel que l’a exercé Roger, est devenu plus rare au fil des ans. Peindre des imitations de bois ou de marbre, explique Roger, est devenu trop cher. Traiter une porte de cette façon nécessite en effet une bonne journée de travail entre le ponçage, les trois couches de peinture, sans compter le glaçage et le vernis. Des papiers peints permettent aujourd’hui à moindre coût d’imiter une porte ancienne, mais sans doute aussi avec un résultat moins convaincant. Les peintres d’aujourd’hui se spécialisent de plus en plus.
En 1987, Roger a pris sa retraite. Mais pour son plus grand plaisir, la relève est assurée : son fils Jean-Claude a pris le relais et son petit-fils Jérôme est déjà passionné par ce métier.


Interview : Pascal RASSAT

Crédit photos : Collection Couleur Média

Couleur Lauragais N°41 - avril 2002