Au fil de l'air
L'aviation en Lauragais
Créée en 1974, lAssociation pour la Préservation du Patrimoine Aéronautique et la Restauration dAvions Typique se consacre à recueillir tout ce qui peut contribuer utilement à lenrichissement du patrimoine aéronautique du Lauragais. Les articles sur laviation sont le fruit des recherches de Jacques Batigne, Bernard Gabolde, Pierre Jarrige et Roger Alby, auteur de Cent ans daviation en Lauragais. Pierre Jarrige nous raconte ce mois-ci lhistoire de laviation en Lauragais.
CASTELNAUDARY
Berceau de laviation
Clément Ader, le Père de laviation, a séjourné
à Castelnaudary de 1971 à 1874 en qualité dingénieur
attaché à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi et devient
lami de Douarche, propriétaire dune fabrique de céramique
là où sélèvent actuellement les ateliers
de radoub. Clément Ader observe, au-dessus du Grand Bassin, le vol
des mouettes et se procure des oiseaux pour mieux étudier leurs ailes
et leurs muscles. Lidée lui vient de fabriquer un planeur de
8 mètres denvergure, en bois et toiles avec des plumes doies.
Les femmes de Villeneuve-La-Comptal collectent les plumes et Bacquier, un
ouvrier particulièrement adroit, laide à terminer lentoilage
et lassemblage en piquant et en collant dans larmature des ailes
en bois creux, les tiges en fibres et les barbes en plumes.
CESSNAF 150L
Les essais de lOiseau se déroulent sur les côteaux deVilleneuve,
au lieu-dit La Citadelle, là où Douarche extrait largile.
Le planeur est maintenu par des cordes le reliant à quatre points en
équerre éloignés dune quinzaine de mètres
et le laissant libre dans le sens vertical. Par vent dautan, Clément
Ader peut faire monter et descendre son Oiseau à volonté et
démontrer la possibilité de piloter un planeur. Ces expériences
seront très fructueuses pour la suite de ses recherches qui le mèneront
au premier vol humain sur avion motorisé, le 9 octobre 1890 à
Satory. LOiseau sera exposé dans le magasin du photographe Nadar,
rue dAnjou à Paris.
Laviation entre réellement dans la vie chaurienne le 11 mars
1911, avec latterrissage du célèbre Jules Védrines
à bord dun monoplan Deperdussin au Champ-de-Manoeuvre (lactuelle
Zone Industrielle) sous les vivats dune foule enthousiaste et dense.
La même année, Castelnaudary reçoit, avec autant de succès,
le lieutenant Henri Laffargue et son Hanriot.
La guerre
Les premiers pilotes de la région sont brevetés à titre
militaire durant la Première Guerre Mondiale. Il sagit de Gaston
Thel (de Villesiscle), breveté le 15 décembre 1915, suivi des
chauriens Jean Mas, Hervé Alby et Antoine Reynès. Le Lauragais
sera une pépinière de pilotes durant la guerre.
La Ligne
La paix revenue, le ciel lauragais est sillonné par les avions de la
Compagnie Ernoul qui tentent, entreprise téméraire, de relier
Bordeaux à Marseille moyennant quelques atterrissages forcés
dans la région, à Saint-Papoul et même dans le Grand Bassin
du Canal du Midi.
La Compagnie Ernoul disparaîtra rapidement mais la Compagnie Latécoère,
menée avec pugnacité par son fondateur et par Didier Daurat,
mènera à bien son projet, encore plus ambitieux, de relier Toulouse
à Dakar, puis à lAmérique du Sud. Le seul trajet
possible, pour contourner les Pyrénées, amènera les Salmson
et les Bréguet 14 à passer plusieurs fois par semaine entre
Montagne Noire et Corbières, le long de la voie ferrée de jour
ou, de nuit, en suivant les phares implantés le long de la ligne (voir
Couleur Lauragais n°8 "Sous les ailes de laéropostale").
Les pannes de moteur ou le mauvais temps entraîneront des atterrissages
plus ou moins catastrophiques tout au long de la plaine lauragaise.
PIPER CUB
PA 11
LAéro-club de Castelnaudary
1928-1939
Dans la remise dune maison de la route de Carcassonne, Antoine Reynès,
fort de son expérience militaire, construit, en 1928, un Nieuport.
Autour de lui se groupent, dans une association dite "Aéro-club
du Lauragais-Les Amis de lAviation", quelques pilotes, observateurs
et mécaniciens dirigés par Léopold de Scorbiac, ancien
pilote de chasse. Les essais du Nieuport, équipé dun moteur
Anzani 35 ch, ont lieu en 1930 à En Tourre, propriété
de Noubel à deux kilomètres au sud-est de la ville. En dépit
des efforts de son pilote, lappareil ne parvient pas à prendre
lair, et pour poursuivre le mouvement entamé, les Amis de lAviation
organisent un meeting à Co-de-Gris (commune de Souilhanels) avec laide
de lAéro-club de lAude (de Carcassonne) qui présente
deux Hanriot 14, et un Farman 231.
En 1932, devant les difficultés financières et matérielles
à mettre en oeuvre des avions, Les Amis de lAviation, qui sadjoignent
le titre dAéro-club de Castelnaudary, se tournent vers le vol
à voile. Lactivité commence avec un planeur Eole construit
par le Toulousain Lagasse. Cet appareil rustique, avec le pilote à
lair libre installé sur une poutre, est mis en oeuvre dans une
prairie entre Saint-François et le Pont Rouge. Lapprentissage
du pilotage consiste à acquérir les réflexes élémentaires
en maintenant le planeur immobile face au vent, par une action judicieuse
sur les commandes. Les "points fixes" à peu près maîtrisés,
lEole est transportée à La Montagne Noire.
Mais le vol moteur attire les jeunes gens. Grâce à la générosité
de trois dirigeant de lAéro-club, un Hanriot 32 biplan, arrive
à La Cassignole le 2 juillet 1933. Basé à Barrié,
à trois kilomètres à louest de Castelnaudary, le
biplan participe aussitôt à des journées de propagande
et de baptêmes dans des champs de la région. Le bel Hanriot bleu
traverse le ciel chaurien comme un météorite, il termine son
existence à Carcassonne-Salvaza le 30 septembre 1934, dans un accident
sans gravité pour ses occupants, dont Madame Devole, premier élève-pilote
féminin de la région. LArmée de lAir prête
un autre Hanriot en octobre et lactivité continuera jusquà
la guerre, sous la férule de linfatigable Reynès.
1948 La reprise
1948 est lannée du redémarrage sous le nom d"Aéro-club
de Castelnaudary, Jean-Doudiès". Ce Chaurien est un pilote de
chasse, titulaire de sept victoires aériennes, qui a disparu en Méditerranée
le 8 août 1944 aux commandes de son Spitfire.
Le 19 février 1948, un Morane-Saulnier 502, inaugure le nouvel aérodrome
de La Grave (toujours en service de nos jours), acquis par la municipalité
après de longues tractations. Le vol à voile reprend avec un
planeur Eider biplace construit dans la clandestinité à Villeplas.
De nouveaux planeurs monoplaces et biplaces apparaissent au fur et à
mesure que lactivité augmente, en sappuyant sur le Centre
de la Montagne Noire.
Le renouveau se manifeste par la grande fête de la Nuit des Ailes à
lhôtel de France en mars 1949 et par un grand meeting en septembre.
Ce sont les premières manifestations dune série de bals
et de meetings attendus avec impatience par la population chaurienne.
Le vol moteur reprend le 19 novembre 1951 avec larrivée dun
avion-école De Havilland Tiger Moth. A partir de ce moment, le vol
à voile est pris en compte au Centre de la Montagne Noire et le club
ne pratique plus que le vol moteur.
1960-2002
Le club maintiendra dès lors une activité soutenue. Les avions
évoluent avec larrivée des Jodel, du Piper Cub et du Morane-Saulnier
Rallye. Des bourses de pilotage sont accordées et de nombreux pilotes
sont formés.
Arrivée en 1969, du chef-pilote Bernard Soyer, ancien instructeur de
lAéronavale. La piste bitumée est inaugurée. Lavion-école
Cessna, est acheté, suivi des Robin. La mécanique maintient
le rythme moyen de 1000 heures de vol par an. Lactivité se diversifie
avec le vol de nuit, la voltige et le vol en montagne.
REVEL
Le premier meeting aérien
Revel peut revendiquer davoir organisé le premier meeting aérien
du département, avant même Toulouse, avec une "Journée
de laviation" organisée le dimanche 3 juillet 1910 à
loccasion des fêtes de la ville. Une foule énorme accueille
laviateur albigeois Louis Gibert et son monoplan Blériot sur
un aérodrome improvisé en bordure de la route de Sorèze,
à la ferme dEn Blanc. Les trois vols, après le remontage
de lavion et la mise au point au garage Dombre, saccomplissent
sans incident devant les spectateurs ébahis par laudace du pilote.
Une autre exhibition a lieu le 29 octobre 1912 par laviateur Lucien
Demazière qui regagne ensuite Castres par la voie des airs.
Le lac de Saint-Ferréol offre le spectacle rare dune "base
aéronavale" avec lamerrissage dun bimoteur Lioré
et Olivier 13 le 27 décembre 1925, piloté par Guilbau et Duberville,
et par une autre visite dun FBA 17 le 30 juin 1929. Les équipages
décollèrent sans problème après le repas pris
à lHôtellerie du Lac.
L'hydravion de l'aéronavale
LEO-H13
sur le lac St -Ferréol le 27 décembre 1925
LAéro-club
de Revel
1930-1969
Lactivité du club commence dans les années 1930 à
La Montagne Noire sous le nom dAssociation des Sports Aériens
de la Montagne Noire.
Laérodrome, créé à côté du
village de Vaure, au lieu-dit Belloc, pour servir de dégagement au
Centre de vol à voile de la Montagne Noire, est inauguré le
21 septembre 1951 à loccasion des fêtes du village. Cest
un grand succès avec 255 baptêmes avec des Morane 502. Les manifestations
se renouvèleront régulièrement les années suivantes.
Un accord est passé par lAéro-club avec le Centre afin
dassurer la formation des revélois en vol moteur.
L'hydravion
de l'aéronavale
FBA 17 sur le lac Férréol le 30 juin 1929
1969-1975
Noël Gabolde devient président puis Charles Jarrige. LAéro-club
prend alors une nouvelle orientation. Sous limpulsion du chef-pilote
Gustave Camilieri, il séquipe dun Stampe et dun Jodel
120 et commence une activité importante sur laérodrome
de Belloc devenu municipal. Un quadriplace Gardan, puis un Robin 220, sont
ensuite achetés et les élèves-pilotes affluent. Ce succès
est couronné en 1974 par un grand meeting qui se déroule devant
une foule de spectateurs à loccasion de la mise en service de
la nouvelle piste bitumée. Une section vélivole très
active fonctionne avec succès.
1976-2002
Claude Carrière devient président en 1976 et entame une série
de grands vols qui le mèneront jusquau Sud Marocain, en Grèce,
au Groënland et aux Amériques. Gustave Camiliéri lui suucède.
Un Stampe, puis un Zlin, assurent, infatigablement, lactivité
de voltige et un Cessna 150 et un Wassmer Europa viennent renforcer la flotte
de cinq avions qui assurent annuellement plus de 800 heures de vol.
Un deuxième hangar est construit pour abriter la flotte qui se compose
maintenant de quatre Cessna et un moto-planeur. La piste est équipée
pour le vol de nuit.
En 1993, Michel Godat (pilote professionnel de Sorèze, ancien pilote
militaire dhélicoptère) prend la présidence. Gilbert
Regnier, ancien moniteur du Centre de vol à voile, lui succède
en 1995. Un avion Robin est acheté et lanimation est toujours
aussi importante, des journées de baptêmes et des rassemblements
sont organisées avec succès. De grands voyages sont entrepris
vers le Maroc et même, à plusieurs reprises, vers Saint-Louis-du
Sénégal quand Bernard Vilotte et Jean-Louis Cigliana, au nom
de lassociation Aviation Solidarité Sans Frontière quils
ont créée, mobilisent les écoles publiques de Revel pour
faire partager leur action humanitaire vers le Sénégal.
Pierre
JARRIGE
Revel
Crédit photos : Collection APPARAT
Couleur Lauragais N°40 - mars 2002