Histoire
Mariages d'antan en Lauragais
Pour remonter dans le temps, les minutes notariales nous renseignent sur la vie de nos ancêtres. Les générations passées perpétuaient la lignée en fondant une famille chrétienne bien enracinée dans le "terradou". Odette Bedos nous raconte la tradition du mariage en Lauragais.
Us et coutumes
Après avoir effectué son service militaire, un garçon
du terroir épousait une fille de sa condition. Les candidats au mariage
faisaient connaissance aux veillées, à la fête locale,
à celle du cochon ou à des épousailles. On se mariait
à la morte saison, en février, après l'époque
du gras, en dehors des jeûnes du Carême. Le temps de Carnaval
était idéal.
Mariage autour des années 20
(Crédit photo : Odette Bedos)
Chronologie
des évènements
Lorsque les promis avaient échangé leur engagement mutuel (la
coussento), le père et le beau père fixaient la date des noces.
Le prêtre publiait les bans au prône des messes pendant trois
dimanches consécutifs. Environ trois mois avant la cérémonie,
les deux chefs de famille, assistés de témoins, se rendaient
chez le notaire local afin de conclure des pactes ou faire établir
par le tabellion le contrat de mariage coutumier. Même chez les plus
humbles, la constitution dotale était de rigueur. Elle se composait
de biens meubles : un lit avec ses couettes et ses coussins (oreillers), suffisamment
garnis de plumes et un coffre à vêtements en bois de "fay"
(hêtre).
Le contrat précisait le contenu du trousseau : quatre ou six draps
(lensols), une nappe de chanvre ou de lin et quelques serviettes en toile
de maison ainsi qu'une couverture en laine blanche de Toulouse (la flessado).
L'armoire à deux ouvrants avec serrure à la clé remplaça
la "caisse". La dot d'une fille de laboureur ou "ménager
de ses biens" avoisinait les vingt livres (une maison de village valait
40 livres et la "bonne terre", 3 livre l'arpent ou le demi hectare).
Les gagés et les valets de ferme se contentaient de quelques "pugnères"
de grains (1/4 hl) ou d'outils aratoires (foussou etanduzac = houe et pelle
bêche).
Nouvelle
condition sociale
La tradition ancestrale voulait que le nouveau couple aille vivre " à
même pot et feu " dans la métairie locative du "pater
familias" avec les frères et belles surs, parents et grands parents.
Car l'agriculture, à cette époque, avait besoin de bras.
On disait : "la noro s'ajendro", (la bru va habiter chez les beaux
parents). Sens du partage chez le rural : "pa et bi et coumpanatge"
(pain, vin et nourriture).
Pour célébrer un mariage, l'un des sept sacrements, l'exploitant
n'hésitait pas à tuer le veau gras. Lorsque son fils Pierrou
épousa Mariette de la "Rivière", il y eut à
"Bordeneuve" une centaine d'invités. Tous figurent sur la
photo couleur chamois, autour des mariés (ou nobits).
C'était un précieux souvenir de cette messe solennelle assistée
du Suisse et de ce repas composé par les femmes avec les produits de
la métairie : charcuteries, poules farcies, poulets et pintades rôtis,
croustades, le tout arrosé d'un petit vin au goût du terroir.
Epousailles d'antan
Autrefois à la campagne, la mariée était en noir. Pour
la cérémonie des épousailles, elle revêtait la
robe de rase noire (genre de serge). Elle enserrait ses cheveux dans la coiffe
blanche traditionnelle. Un bouquet de fleurs d'oranger artificielles témoignait
de sa virginité. Une expression qui apparaît dans les minutiers
de notaires nous fait sourire. Elle était ainsi libellée : "
les parents pareront leur fille de bagues et de joyaux selon leur condition
".
Le plus souvent, il s'agissait d'une alliance en laiton.
Cas particuliers
Si l'épouse décédait prématurément des
suites de couches ou de maladie, ses parents récupéraient la
dot : c'était la restitution dotale. Pour certains veufs, il était
urgent de se remarier afin de prendre une marâtre qui puisse s'occuper
de ses enfants souvent en bas âge.
Mariage autour des années 20
(Crédit photo : Odette Bedos)
Citons le cas d'un forgeron de Trébons mariés trois fois avec
contrat. Cet homme, deux fois veuf était père de sept enfants.
Il n'était pas rare qu'une veuve épouse un beau frère,
pour la même raison. Ainsi, les biens restaient dans les familles. Après
le mariage le cercle familial s'agrandissait de quelques "bras".
Alors, le métayer pouvait envisager de prendre à sa charge une
exploitation plus importante.
Faire part
de mariage extrait d'un registre paroissial de Trébons
Telle était la tradition du mariage dans le Lauragais d'autrefois.
Odette
BEDOS
Dictons sur le mariage
Qualité
d'une bonne épouse : "Efant, malfisto té de las filhos d'en Cabos qu'an pla de mino é paouc de cos", (Fils, méfie toi des filles d'en Cabos qui ont bonne mine mais sont chétives). La future devait être robuste. |
Conseil
aux parents des filles et aux filles : "Qui filho a, de las aoutros déou parla. Qui filho es, de las aoutros déou pas diré rés", (Celui qui a une fille ne doit pas critiquer celle des autres. Les filles ne doivent pas trouver à redire de leurs semblables) |
Evidences
: "Quand on se marido, on es dous ya toutjoun un qu'es maï chançous", (Le mariage est une loterie). "Qui fenno a cabestro a", (Celui qui a une épouse a un licou). |
Counçel
d'un aujol (conseil d'un ancien) : "Goujat, préné uno fenno es coumplicat, se croumpos pas coumo dé blat", (Prendre une femme c'est compliqué, on ne l'achète pas comme du blé). |
Bonheur
du paysan : "Per estré irous dins soun bé séména soun blat, fa soun pa, dintra soun fé e se marida a soun plase", (Pour être heureux chez soi, il faut semer son blé, faire son pain, rentrer son foin et épouser celle qui vous plaît). "Bal maï uno fenno fangouso qu'uno trop gloriouso" (Mieux vaut une terrienne qu'une fille émancipée). |
Mise
en garde : "Ba mal dins un oustal quand la galino fa lé gal", (Tout va mal dans une maison quand la poule se prend pour le coq). |
Contrat
de Mariage de Bernard Astric et de Jacquette de Saint Jean Maître
Soulages, notaire à Trébons : Contrat recueilli dans les archives de Maître Soulages par Odette BEDOS |
Chez
l'époux, défauts à éviter : Dicton
émanant du bon sens paysan : |
Couleur
Lauragais N°39 - février 2002