Histoire
Mémoire de cendres : la route des Bûchers de la Croisade (1209-1244)
Couleur Lauragais vous immerge dans le lointain passé du Moyen Age et plus précisément dans les évènements tragiques qui ont ensanglanté le Lauragais, nous présentons ici quelques épisodes célèbres, les plus spectaculaires, que sont les bûchers collectifs. On les appelait cathares...., et à ce titre, les Croisés les livraient aux flammes.
Montferrand : la porte du château
Le
Lauragais, coeur de l'occitanie cathare
Le catharisme est une religion chrétienne qui apparaît au début
du XIème siècle dans le Toulousain : le premier bûcher
est de 1022 ; le dernier sera de 1329 à Carcassonne. On rencontre des
cathares pendant plusieurs siècles et dans toute l'Europe, notamment
en Bulgarie et Dalmatie. En Bosnie (Sarajevo), le catharisme est religion
officielle d'Etat pendant deux siècles (XIIIème et XIVème).
Les cathares sont nombreux en Italie du Nord, en Lombardie, dans la plaine
du Pô, c'est là que beaucoup de cathares lauragais trouvèrent
un refuge, à Sirmione (lac de Garde) avant de périr dans les
flammes des arènes de Vérone (vers 1280). Des hérétiques
encore en Allemagne, en Flandres, en Catalogne. C'est en Lauragais qu'ils
furent proportionnellement les plus nombreux ; selon l'éminent spécialiste
Michel Roquebert, ils forment 50% de la population ; c'est un record car ailleurs,
ils sont très minoritaires. Tous les villages du Lauragais ont un passé
cathare ; une carte des diacres (ce sont des dignitaires qui administrent
plusieurs villages) nous permet d'en dresser une liste impressionnante dune
exceptionnelle densité : Lanta, Caraman, Saint Félix, Auriac,
Lavaur, Montmaur, Laurac, Fanjeaux ; hors du Lauragais : Mirepoix et Montréal.
Le catharisme est une religion chrétienne, avec un Livre sacré,
le Nouveau Testament Ils acceptent le Christ, envoyé de Dieu, mais
refusent d'adorer la Croix, symbole abhorré du sacrifice de Jésus.
Un seul sacrement : le consolament.
Une
croisade contre des chrétiens
Le catharisme progresse rapidement en Lauragais lorsqu'à Saint Félix
en 1167 sont créés quatre évêchés cathares,
ceux d'Agen, Albi, Toulouse et Carcassonne. Les prédicateurs catholiques
échouent dans leur oeuvre pastorale. Le prestigieux Saint Dominique
s'établit à Fanjeaux dont il est le curé desservant la
paroisse de 1206 à 1214. Il fonde Prouille pour quelques femmes repenties,
mais son action est un échec. Le pape Innocent III décide alors
une Croisade après l'assassinat du légat Pierre de Castelnau.
Une Croisade est une expédition militaire avec des combattants venus
de toute l'Europe et dont le pape est le chef représenté par
le légat. En Languedoc et Toulousain, la Croisade après des
causes strictement religieuses se transforme rapidement en conquête
politique par les chefs croisés : Simon de Montfort, chef militaire
de la Croisade, devient comte de Toulouse en 1215 ; le comte légitime
Raimon VI est chassé. En Lau-ragais les Croi-sés accumulent
les massacres et pillages.
Pour étudier les bûchers, je vous propose deux circuits (voir
la carte ci-contre) :
- Un circuit A : de Lavaur au Cassès et Labécède,
- Un circuit B : de Montségur à Minerve.
A Lavaur dame Guiraude est jetée vive dans un puits
Beaucoup de Parfaits (les prêtres du catharisme) s'étaient réfugiés
à Lavaur. Un témoin nous dit qu'il en a vu 300 passer la porte
du château de Roquefort, dans la montagne Noire, entre Durfort et les
Cammazes. Le siège de Lavaur est d'avril - 3 mai 1211. La ville admirablement
située sur les bords de l'Agout est puissamment fortifiée ;
elle est placée sous l'autorité de la seigneuresse dame Guiraude
de Laurac et de son frère Aymeric de Laurac. Le château était
sur l'actuelle place du Plô. Les Croisés, après plusieurs
assauts infructueux, ouvrent une brêche (une rue porte actuellement
ce nom) dans les remparts et s'emparent de la ville. La population est massacrée.
Aymeric est pendu avec quatre vingt chevaliers. Dame Guiraude livrée
aux soudards est jetée vive dans un puits que l'on comble de pierres.
Les Parfaits, 400 environ, sont brûlés : c'est le bûcher
le plus important de la Croisade. C'était le 3 mai 1211 ; parmi les
victimes, beaucoup de lauragais.
Aux
Cassès un bûcher bien lauragais (mai 1211)
Le village des Cassès (signifie les chênes) est situé
à 5 km au sud-est de Saint Félix, dans le département
de l'Aude. Le château était au lieu dit "le fort",
500 m environ à l'est du village, sur le rebord d'un petit plateau
se terminant par des falaises. Panorama admirable, avec la Montagne Noire.
C'est la grande famille cathare des Roqueville qui en était les seigneurs
sous la suzeraineté du comte de Toulouse Raimon VI. Le berceau des
Roqueville est à Montgiscard avec un château, 800 m au sud du
village. Cathares farouches, ils disparaissent avec la croisade et leurs biens
sont confisqués plus tard par le roi de France. "Aux Cassès,
les Roqueville avaient donné asile à de nombreux Parfaits.,
Simon de Montfort assiège la place qui capitula au bout de peu de temps.
Les chevaliers eurent la vie sauve car ils étaient vassaux de Toulouse
; comme à Minerve les religieux catholiques de l'armée croisée
tentèrent de convertir Parfaits et Parfaites, mais ce fut en vain ",
écrit Michel Roquebert. Alors de nouveau on dressa un bûcher
où l'on jeta quelque soixante hérétiques, de nouveau
" avec une très grande joie " écrit le chroniqueur
Pierre des Vaux de Cernay. Quant aux chevaliers Bec, Pierre Guillaume, Bertran
et Raimon de Roqueville (4 frères), c'est peut-être dans ce bûcher
qu'ils virent disparaître leur mère Alazaïs dont toute trace
se perd à partir de 1211.
Labécède : stèle discoïdale
A
Labécède c'est l' armée du roi qui brûle - été
1227
Le village de Labécède est situé à 12 km au Nord
Est de Castelnaudary, dans les forêts de la Montagne Noire. Le bourg
est intéressant à visiter avec des vestiges de remparts, une
très belle porte fortifiée, des stèles discoïdales.
En 1227, c'est l'armée du roi de France Louis IX (c'est à dire
Saint Louis) qui intervient dans la lutte contre les cathares. Après
la mort de Simon de Montfort à Toulouse le 25 juin 1215, son fils Amaury
perd toutes les terres conquises par son père et repart en 1224 vers
la région parisienne, mais il abandonne tous les droits qu'il avait
en Languedoc et comté de Toulouse au roi de France ; ce dernier intervient
pour faire valoir ses droits. L'armée royale occupe Carcassonne puis
assiège le castrum de Labécède dans lequel s'étaient
réfugiés de nombreux Parfaits. Le seigneur de Labécède,
Pagan, était lui même cathare ; dans le château se cachait
un diacre hérétique, Giraud de Lamothe. Le castrum est pris
rapidement et après le massacre de la population, un bûcher est
dressé, comme dans tous les sièges ; on ignore le nombre de
victimes. Pagan réussit à s'échapper car on le retrouve
caché dans un cluzel, près de Lanta en 1229.
Le
circuit B de Montségur à Minerve
Pour bien décrire le tableau des bûchers il est nécessaire
de sortir du Lauragais pour étudier deux grands bûchers célèbres
: Montségur et Minerve.
Montségur est au sommet d'une colline, un pog, aux parois verticales,
sauf le versant sud. Le château paraît imprenable et constitue
un refuge sûr pour les cathares. Le castrum est devenu la capitale spirituelle
du catharisme occitan où s'étaient réfugiés des
évêques cathares, diacres et de nombreux Parfaits et Parfaites.
En 1242, le comte de Toulouse Raimon VII prépare un soulèvement
général du Midi contre le roi de France et un signal devait
être adressé à tous les participants : c'était
le massacre d'un tribunal d'inquisition à Avignonet (mai 1242). Les
exécutants sont un groupe de chevaliers descendus de Montségur.
Le roi, l'église, Rome décident alors de détruire Montségur.
Avec 10.000 hommes le siège dure 10 mois, et en mars 1244 le château
capitule. Pour les Parfaits un immense bûcher consume 220 cathares ;
c'est le plus célèbre du XIIIème siècle. L'Eglise
cathare est certes décapitée mais le catharisme perdure encore
soixante dix ans, avec une Eglise qui se reconstitue en Italie. Des Parfaits,
les frères Authié, animent un spectaculaire et éphémère
sursaut en Lauragais en 1300-1320. Le dernier bûcher est de 1329 à
Carcassonne.
Lavaur
Les remparts
De
Montségur on atteint Minerve en suivant des routes qui permettent de
voir Puivert (le château des troubadours), les ruines de Termes, de
Lastours (4 châteaux côte à côte), enfin Minerve.
Le site est admirable avec une ville cernée de profondes vallées
(celles de la Cesse et du Brian). Guillaume de Minerve est un seigneur qui
s'est longtemps opposé aux Croisés, en sécurité
dans son castrum. En 1210, Simon de Montfort met le siège devant la
place et la soif conduit les défenseurs à se rendre. Il y avait
parmi les prisonniers 140 Parfaits auquels on propose la vie sauve s'ils abjurent.
Aucun ne le fit et tous préférèrent la mort atroce des
flammes.
Couleur Lauragais a évoqué les aspects tragiques de l'histoire
du Lauragais au XIIIème siècle, dans cette région où
partout rôdent des fantômes cathares.
Texte et photos : Jean ODOL
Couleur Lauragais N°37 - Novembre 2001