Dossier
Yves BORREL, facteur à Revel
Yves Borrel a connu le métier de facteur sur le tard. D'abord paysan,
il est devenu facteur par nécessité, mais ce nouveau métier
est bien vite devenu prenant et passionnant. Il raconte aujourd'hui ses années
de carrière sur Revel.
De
paysan à facteur
Yves
Borrel est né en septembre 1933 à Montmaur (Aude). Il est le
dernier né d'une famille de trois enfants. Après l'école
primaire, il s'inscrit au Centre d'apprentissage de Castelnaudary en mécanique
agricole. Dans les années 1950, il travaille dans les campagnes comme
paysan à Mont-maur. Les premières années, tout fonctionne
bien à une époque où la mécanisation du secteur
agricole demande de la main d'uvre. Mais, à la fin des année
soixante, le secteur se dégrade brutalement. Deux possibilités
s'offrent alors à lui : emprunter pour pouvoir passer cette crise,
ou mettre la clef sous la porte et chercher un autre métier. Or, en
1973, une opportunité se présente : le facteur qui avait l'habitude
de passer sur Labastide d'Anjou cherche un remplaçant sur le secteur.
Après une longue réflexion, Yves décide de franchir le
pas et devient auxiliaire de la Poste en remplacement pour une période
de quatre à cinq mois.
Des débuts
difficiles
En 1974, les auxiliaires font une grève massive pour obtenir leur titularisation.
Yves passe alors un examen ainsi que son permis administratif sur Montpellier.
Il obtient les deux et est ainsi titularisé. Mais avant de pouvoir
espérer un poste dans la région, le chemin obligé passe
par Paris. En 1978, il est muté sur la capitale. Yves n'y a jamais
mis les pieds mais, à 45 ans, il se voit obligé de quitter sa
femme et sa fille pour s'installer dans le 20ème arrondissement (près
du cimetière du Père Lachaise). Avec sa 4L de fonction, Yves
apprend vite à connaître les rues du quartier qu'il sillonera
pendant près de quatre ans. Une période difficile : entre ses
allers-retours entre l'Aude et Paris, Yves perd sept kilos durant les 2 premiers
mois. De plus, la communication avec les usagers dans cette grande ville en
est réduite à son plus strict minimum.
La mutation sur
Revel
Le 1er Sept. 1982 est une date importante : Yves obtient en effet sa mutation
sur Revel, non loin de la ville audoise où il a passé toute
sa jeunesse et surtout tout près de sa famille. Une mutation inespérée
qui lui permet de revenir habiter Montmaur.
C'est alors une autre vie qui commence : les contacts n'ont rien à
voir avec la capitale et les journées sont beaucoup plus chaleureuses.
La mentalité revéloise lui convient parfaitement : le facteur
a une certaine notoriété dans la ville et Yves apprécie
la souplesse des usagers. Le rapport avec ses nouveaux clients est toujours
très enrichissant. Sur une ville de taille moyenne, le facteur est
souvent pris comme confident et connaît la vie des uns et des autres.
Il a aussi un véritable rôle social : il doit savoir prendre
un peu de temps pour discuter avec les plus isolés ou encore pour ramener
les médicaments à une personne âgée. Le pharmacien
préparait ainsi souvent les ordonnances le matin afin qu'elles soient
prêtes au prochain passage du facteur.
Qu'il amène de bonnes ou de mauvaises nouvelles, il est de toute façon
très attendu. Yves raconte ainsi comment, pendant la guerre du Golfe,
une dame attendait avec impatience les lettres de son fils, soldat engagé
dans les opérations militaires. Yves s'arrangeait également,
en cas d'absence du destinataire d'un recommandé, pour repasser en
fin de tournée afin de lui livrer le courrier sans attendre le lendemain.
En fin d'année, la période de la vente des calendriers était
toujours très appréciée : cela permettait aux personnes
à qui l'on avait rendu un service dans l'année de remercier
le facteur. C'était aussi pour certains un rituel immuable : ils souhaitaient,
tous les ans, avoir telle photo ou telle illustration sur la couverture du
calendrier (un animal, une chute d'eau ou encore un palmier, et certains étaient
très exigents).
La journée
du facteur
Sa journée commençait vers 6h00 par un solide petit-déjeuner.
Yves prenait alors sa voiture pour rejoindre Revel où il était
à pied d'uvre, vers 7h15, dans les locaux de la Poste. Les plis non
urgents arrivaient la veille au soir à Revel, les plus urgents le matin
même. C'est alors l'opération dite de "piquage" qui
commençait : les courriers étaient classés par casiers,
chaque casier correspondant à une rue.
A 10h, c'était le départ pour la tournée qui, selon les
jours, pouvait durer jusqu'à 14h ou 14h30. Une tournée, c'était
la distribution du courrier pour 500 foyers sur un parcours de 12 km en vélo
ou à pied, selon les conditions atmosphériques. Une distribution
qui, bien sûr, devait avoir lieu quel que soit le temps (soleil, pluie
ou neige) mais aussi quelle que soit sa forme du jour.
La tournée, raconte Yves, était scindée en trois ravitaillements.
On allait chercher le courrier déposé dans des boîtes
le long du parcours et on le distribuait alors dans les boîtes aux lettres.
A son retour à la Poste, le facteur devait encore remettre ses comptes
avec un état du nombre de mandats ou de recommandés distribués
pendant la tournée.
L'évolution
du métier
En 20 ans, souligne Yves, beaucoup de choses ont évolué : le
prix du timbre, qui est passé de 1,80 franc à 3,00 francs ;
les tournées se faisaient toujours en vélo mais, sur les dernières
années, l'administration avait enfin doté ses agents de vélos
"professionnels". Finie la période où le facteur était
obligé d'utiliser son vélo personnel ; le nombre de publicités
a aussi beaucoup augmenté. Le travail en lui même n'a pas connu
de grosses évolutions : s'il est parfois un peu routinier, la passion
et la richesse des contacts restent bien le plus important.
Aujourd'hui à la retraite, Yves se plaît encore souvent à refaire une tournée amicale auprès de ses anciens clients.
Interview : Pascal RASSAT
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Lauragais N°32 - mai 2001