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Couleur Lauragais : les journaux

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Eugène BOYER, docteur-vétérinaire en Lauragais

De 1948 à 1978, Eugène Boyer, bien connu dans la Lauragais, a assumé en parallèle des mandats électifs et une activité professionnelle de vétérinaire, mis au service des autres. L'occasion d'évoquer avec lui trente ans de souvenirs avec les animaux et les hommes.


Les débuts dans l'après-guerre

CrŽdit photo : Collection E. BoyerEugène Boyer, un nom qui résonnait déjà comme une vocation. Ethymologiquement, en effet, Boyer est une déclinaison de Bouvier, soigneur de bufs. En 1940, Eugène Boyer termine ses études secondaires. Son père l'encourage à passer différents concours. Douanes, impôts, école vétérinaire : Eugène les réussit tous et choisit finalement de rentrer à l'école vétérinaire. Mais la guerre passe par là et Eugène doit partir dans les chantiers de jeunesse puis en Allemagne, d'où il pourra revenir en permission en février 1944. Mais il ne repartira pas et attendra à Toulouse la Libération du 19 août.
L'école vétérinaire rouvre ses portes début 1945, et commencent alors trois années d'études couronnées en 1947 par le diplôme, puis la thèse de Docteur vétérinaire. Il empoche à cette occasion un prix de thèse en médicaments de 5000 frs de l'époque, généreusement offerts par une grosse société pharmaceutique. Pendant un an, le tout nouveau vétérinaire effectue des remplacements de Périgueux à Figeac en passant par Toulouse. Mais son objectif reste de s'installer sur Caraman, la ville de son enfance. C'est chose faite en 1948.
C'est l'époque héroïque : avec l'aide financière de son père, Eugène s'achète un vélomoteur et part sur les routes du Lauragais. Les chemins ruraux n'étaient pour la plupart ni goudronnés, ni même empierrés, explique-t-il. On devait donc laisser son engin au bord de la route et partir à pied sur les chemins boueux souvent pour plusieurs kilomètres de marche. Il tourne ainsi jusqu'à Escalquens, St Julia et parfois même Lavaur.

La vie d'un vétérinaire
Le métier de vétérinaire à cette époque explique-t-il, c'était près de 40 000 km de route par an, des journées où s'enchaînaient plus de 35 visites et un travail non-stop avec parfois 36 heures sans repos. Le Lauragais n'est pas une terre d'élevage mais plutôt de culture. On s'occupait alors essentiellement des animaux de la ferme : bovins, porcins, volailles, quel-ques ovins et quelques chevaux. Vaches et boeufs, qui assuraient la traction des instruments aratoires, devaient être en bon état pour que les travaux soient effectués. Lorsqu'ils étaient indisponibles, il fallait intervenir rapidement et efficacement. Les pathologies rencontrées concernaient d'abord les membres inférieurs des bêtes, mis à rude épreuve sur les sols très durs du Lauragais. Pour les animaux domestiques, moins utiles dans les exploitations agricoles, les traitements étaient quant à eux beaucoup plus sommaires voire accessoires. Le vétérinaire assurait d'ailleurs souvent ces soins gratuitement.

Une méthode de rémunération originale
A l'époque, on ne se faisait pas payer à la consultation mais à des périodes définies, souvent une fois par an. Les métayers recevaient en effet le paiement de leur récolte à la Toussaint et en profitaient pour régler leurs dettes en une seule fois. Pour les ouvriers agricoles, c'était quelques jours plus tard, autour du 11 novembre que ceux-ci pouvaient solder leur compte.

Seules quelques grosses propriétés du Tarn faisaient exception à la règle en optant pour un système d'abonnement. En général, celles-ci donnaient l'équivalent en argent d'1/5 de blé par ferme auxquels s'ajoutaient les coûts des médicaments et des opérations ou interventions plus spécifiques. Chacun, quelle que soit sa situation, mettait un honneur à payer et le vétérinaire n'a jamais eu à réclamer son dû.

Accomplir son métier de manière désintéressée reste de toute façon une règle de tout bon praticien. On ne refuse bien sûr jamais de soigner gratuitement un faucon blessé ou une cigogne amenée par un gamin du coin. On s'amuse alors toujours de la petite question gênée et rituelle : "combien je vous dois ?". Du canari à l'éléphant, Eugène Boyer a soigné de nombreuses espèces. Mais, selon lui, les pathologies animales ne sont jamais aussi complexes que celles des humains. Avec quand même une différence majeure, c'est que les animaux, s'ils se plaignent plus rarement, réagissent souvent violemment et il faut bien souvent être suffisamment leste pour éviter un coup de corne ou de sabot.

On demande souvent aussi au vétérinaire de jouer le rôle de médecin. Eugène raconte avec amusement l'histoire de cet homme qui venait le voir chaque année pour lui montrer ses pieds et demander un révulsif capable de calmer des douleurs articulaires. "Le médecin, il n'y connaît rien, c'est vous que je veux voir" assurait ce malade peu ordinaire.

L'évolution progressive du métier
Le métier a aujourd'hui évolué vers une pratique plus domestique que rurale. Le vétérinaire passe sans doute aussi plus de temps dans son cabinet et un peu moins en visite à domicile. Mais, de manière générale, les techniques n'ont pas considérablement évolué, excepté peut-être pour la chirurgie et les prothèses réalisées dans des matières "high-tech". La profession s'est par contre considérablement féminisée : en 1947, la promotion des élèves vétérinaires nouveaux diplômés ne comptait pas une seule femme alors qu'aujourd'hui 60% des effectifs sont de sexe féminin.

Au service des hommes
En 1972, Eugène contracte la fièvre de Malte. Cette affection frappe les articulations et Eugène a de plus en plus de mal à exercer son métier. Il a alors le choix de s'orienter vers le soin des animaux domestiques, nécessitant une mobilité moins grande. Il préfère à ce moment passer la main. Comme il l'explique lui-même, c'est souvent plus le propriétaire de l'animal qu'il faut rassurer que l'animal qu'il faut soigner et cela l'intéresse moins. Il décide donc d'abandonner le métier en 1978 et de reprendre la charge d'une exploitation agricole. Il conserve son mandat électif de maire de Caraman, obtenu en 1967, et s'investit plus encore dans la fonction élective au Conseil Général de la Haute-Garonne, au Conseil Régional de Midi-Pyrénées, et finalement au Sénat en 1986.

"Un peu de nez et beaucoup d'écoute", une maxime qui lui a servi durant toute sa carrière, autant dans l'aide au genre humain au travers de ses mandats électifs que dans le soin des animaux grâce à ses activités professionnelles de docteur vétérinaire. Avec, toujours, un dénominateur commun : être au service des autres !

Pascal RASSAT


Couleur Lauragais N°30 - mars 2001