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Couleur Lauragais : les journaux

Balade

Balade de Villefranche à Castelnaudary :
sur les pas de Jules César

Couleur Lauragais vous engage à suivre une voie illustre, fraction de la grande route Toulouse-Narbonne. Les légions romaines sont passées ici et leur chef Jules César a évoqué les collines qui entourent Toulouse "couvertes de céréales". L'Histoire imprègne chaque pavé de cet axe stratégique, depuis les thermes romains de Montferrand jusqu'au phare de la navigation aérienne utilisé par Mermoz et Saint Exupéry. Nous vous guiderons dans les siècles passés mais aussi vers l'architecture gothique qui s'épanouit à Villefranche ou Castelnaudary.

Villefranche - CrŽdit photo Couleur MŽdia

Le cadre naturel : un fossé et une serre
Cette voie correspond, entre Baziège et Naurouze, à un couloir résultant de cassures dans la roche naturelle (la molasse) et l'effondrement d'un bloc, dessinant ainsi une gouttière large de 2 km, longue de 30. Dans ce couloir s'insinuent deux modestes rivières, l'Hers mort et le Marès. Vers l'Est, au delà de Naurouze, une longue échine (une serre) s'élève doucement de Naurouze (190m) jusqu'à la colline du Présidial à Castelnaudary (218m). Cette serre sépare les bassins versants du Fresquel au Nord et celui du Tréboul au Sud. La nature a donc préparé le cadre de la grande route. Au-dessus de ces zones relativement basses un pointement rocheux domine toute la zone : le Présidial de Castel-naudary, on voit d'ailleurs le grès sous les bâtiments du musée.
Cette gouttière était occupée par une immense forêt marécageuse. Elle fut défrichée par Catherine de Médicis qui en possédait une grande partie. Le seuil de Naurouze sépare les bassins versants du Fresquel qui se jette dans l'Aude, donc ses eaux vont à la Méditerranée. Vers l'Ouest, les eaux de pluie descendent vers le Marès, l'Hers, la Garonne, l'Atlantique. Le seuil est un des lieux les plus fréquentés de France avec la RN 113, le canal, la voie ferrée et l'autoroute A 61.

Eglise d'Avignonet - CrŽdit photo : Couleur MŽdiaL'empreinte gallo-romaine
La voie attire les hommes depuis la plus ancienne Antiquité. Les Romains s'installent à Narbonne puis à Toulouse en 118 avant J.C. Ils construisent tout de suite une route empierrée, la voie d'Aquitaine ou via aquitania, qui suit, en gros, le tracé de la RN 113. Trois villes apparaissent le long de cette route : Badera (Baziège) ; Elusiodunum (au pied de Montferrand), exactement à Saint Pierre d'Alzonne. On peut visiter des thermes privés à côté des restes d'une église paléochrétienne du IVème siècle après J.C. Sostomagus est devenu Castelnaudary ; Plus loin Eburomagus (Bram). Les restes de la voie romaine les plus spectaculaires sont à Baziège (départementale 24).

Une voie privilégiée et bien gardée
La route est protégée très tôt par des forteresses qui permettent de contrôler le trafic. Nous avons localisé trois villes gallo-romaines. Cinq castra (pluriel de castrum signifiant village fortifié) sont datés du haut Moyen-Age : Montgiscard, Montes-quieu, Montgaillard, Avignonet, Montferrand. Tous sont situés au sommet de collines dominant la gouttière. Au XIIIème siècle apparaissent les bastides qui sont des forteresses royales près de la route. Ainsi sont créées par les officiers du roi, Villenouvelle, Saint Rome, Villefranche, Labastide d'Anjou, une partie de Castelnaudary (la place de Verdun). La voie est bien gardée. Au Nord de Castelnaudary, deux bastides, Revel et Saint Félix surveillent la route Castelnaudary-Castres.

Des invasions innombrables
Le nombre des envahisseurs est impressionnant : les Gaulois (Volques Tectosages) au IIIème siècle av. J.C, les Romains au Ier siècle av. J.C, les Wisigoths, les Francs, les Arabes en 720 ou les Normands. Au Moyen-Age, les Croisés de Simon de Montfort arrivent de Carcassonne en 1209. Pendant la Croisade, c'est à Avignonet que sont assassinés les Inquisiteurs. Des armées ont défilé : les Anglais du Prince Noir en 1355 qui brûlent le Lauragais et encore des Anglais en 1814 après la bataille de Toulouse.

Autour de Villefranche
Villenouvelle est une bastide du XIIIème qui a remplacé un très ancien village qui se trouvait sur l'emplacement du cimetière actuel. Saint Rome ne s'est pas développée, c'est une bastide avortée. A voir, un château unique par ses styles complexes et originaux et surtout ses toits. Villefranche fondée en 1252 reçoit une charte de coutumes en 1280. En 1355, après le passage du Prince Noir, la ville est équipée d'un système défensif comprenant des remparts de 6 à 8 m de haut, quatre tours d'angle et deux portes aux extrémités de la grand rue (actuelle rue de la République). De 1450 à 1562, Villefranche est un grand centre commercial pour le pastel. Pendant les guerres de religion, la ville est un centre actif de protestantisme. Une nouvelle période de prospérité économique commence avec l'ouverture du canal du Midi et le port de Gardouch devient l'un des plus importants du canal pour les céréales. La halle, par ses dimensions immenses, témoigne de cette puissance économique et aussi du commerce : elle a conservé le nom de "halle aux marchands". L'église est un joyau gothique récemment fort bien restauré ; le clocher est de type mur avec deux tourelles (c'est un des plus beaux du Lauragais). A l'intérieur, les voûtes sont d'une pureté exceptionnelle avec croisées d'ogives et briques foraines disposées à plat. Avignonet a un passé gallo-romain avec la découverte d'une statue de Jupiter capitolin, d'une villa, de son sanctuaire impérial, l'emplacement d'un fanum ou temple et une figurine de Mercure. En 1242 des chevaliers faydits (dépossédés et exilés) venus de Montségur massacrent le tribunal d'Inquisition de Guillaume Arnaud et Etienne de Saint Tibéry. En riposte, l'armée royale fait le siège de Montségur et s'en empare. Avignonet est, au XVIème siècle, un grand centre pastelier. La ville a conservé de remarquables murailles et l'église est gigantesque par ses dimensions : c'est un édifice de la Reconquista catholique et Rome veut impressionner le Lauragais par ce splendide vaisseau gothique géant.

Montferrand
Montferrand est un des villages lauragais les plus riches en vestiges archéologiques. Des thermes gallo-romains, les restes d'une église paléochrétienne du IVème siècle correspondant aux débuts du christianisme en Lauragais, et transformée en cimetière, elle abrite une quarantaine de sarcophages wisigoths des VI et VIIème siècles. L'église Saint Pierre d'Alzonne est romane, excepté pour le clocher. A l'intérieur, on peut trouver une belle collection de stèles discoïdales. Sur la colline, des murailles de soutènement du château disparu, défendu par Beaudoin contre Simon de Montfort. Mais Beaudoin a trahi et est passé du côté des Croisés ; il sera pendu quelques années plus tard sur l'ordre de son frère.
Le phare nous transporte quant à lui vers les pilotes de l'Aéropostale, Mermoz, Saint Exu-péry, Guillaumet et nous ouvre d'imaginaires périples vers Barcelone, le Maroc, le Sénégal, le Brésil, le Chili ...

Castelnaudary, capitale du Lauragais et centre mondial du cassoulet
Sur son piton rocheux, le Présidial domine d'une soixantaine de mètres les plaines orientales du Fresquel et du Tréboul. C'est un verrou stratégique qui commande le seuil de Naurouze. Ville active, dynamique (11 000 habitants), elle a remplacé Laurac le Grand comme capitale historique du Lauragais. Lorsque Catherine de Médicis, comtesse du Lauragais avant de devenir reine de France, crée la sénéchaussée, elle installe le tribunal du Présidial à Castelnaudary.
Ami lecteur, il vous faudra au moins une journée entière pour visiter la ville.
Voici quelques éléments d'histoire pour vous orienter depuis le Grand Bassin jusqu'au Pré-sidial. Castelnaudary a été le principal port du Lauragais sur le canal de Riquet. Le carrefour chaurien, la route de Revel--Castres au Nord, la route de la Piège au Sud, les routes de Toulouse et de Carcas-sonne expliquent la concentration du pastel au XVIème siècle. Les céréales (blé, orge, maïs, avoine de la Piège) prendront le relais sur les quais du Grand Bassin. De là, les barques les transportent vers Narbonne et Béziers. Le Grand Bassin a été conçu par Riquet pour servir de réservoir pour le canal. Il faut voir l'escalier à quatre bassins de l'écluse Saint Roch.

CollŽgiale St Michel a Castelnaudary - CrŽdit photo : OTSI Castelnaudary - L.PaciLa collégiale Saint Michel est un pur joyau gothique. Elle a dû être construite de 1240 à 1270. L'édifice est imposant par ses dimensions : 60m de long, 20 de large, 25 de haut. En 1317, le pape Jean XXII crée le diocèse de Saint Papoul et en 1318 St Michel est élevé au rang de collégiale. En 1355, elle est incendiée par le Prince Noir. Les contre forts épaulant la nef et la tour carrée supportant le clocher sont de style roman. C'est aux XIVème et XVème siècles que l'édifice est remanié en gothique. Le clocher est une tour à 8 côtés. Une restauration récente de la voûte de la nef lui a rendu son aspect d'origine puisqu'elle est en lambris comme le réfectoire des Jacobins à Toulouse, la chapelle des Dominicaines à Fanjeaux et la cathédrale de Mirepoix.
Le Présidial est l'édifice qui se trouve à l'emplacement de l'ancien château féodal qui fut longtemps appelé le castellum. Il subit deux sièges célèbres pendant la Croisade en 1211 et 1220. En 1554 Catherine de Médicis installe le sénéchal (ou officier royal de justice) et le présidial (tribunal civil et criminel) dans le bâtiment actuel. La partie Est est attribuée au Présidial, l'Ouest sert de prison. Remarquons la très belle façade Renaissance. Il faut aussi admirer, encore à Castel, quelques hôtels particuliers des XVIIème et XVIIIème siècles comme ceux de Gauzy, St Sernin, Ménard, St Raymond, ou Guillermy.

Jour de marchŽ ˆ Castelnaudary - CrŽdit photo : OTSI Castelnaudary - L.Paci

Enfin, que serait une visite de Castelnaudary sans une dégustation de notre cassoulet. Chaque restaurant a sa recette spécifique et son vin d'accompagnement. C'est bien ici que réside la capitale de ce plat merveilleux. Il faut impérativement revenir le lundi, jour de marché, pour flâner sur les allées.

Jean ODOL


Couleur Lauragais N°30 - mars 2001