Histoire
Lé cantou del foc
Chez nos aïeux, le coin du feu était un des endroits favoris des habitants de la maison. Odette Bedos nous raconte les coutumes de l'époque.
Le logement de nos aïeux était constitué d'une longue pièce
qui servait de salle à vivre, de chambre des anciens (aujols) et de
bureau où l'on faisait les comptes, reconduisait les baux de fermage
et cuisait les soupes quotidiennes, le millas et les ragoûts (estoufets).
La cheminée à manteau y régnait en maître.
Dans
les bordes lauragaises, durant les longs mois d'hiver, pluvieux et ventés,
le "cantou" était l'espace préféré des
parents (lé pépi et la ménino) et des chats frileux (gats
cendrassous).
Bêtes et gens étaient tellement habitués à vivre
ensemble que parfois, un caneton audacieux se hasardait dans la pièce
par la porte donnant sur l'étable.
Conformément à la coutume ancestrale, le père de famille
disposait d'un petit banc individuel en bois de hêtre. C'était
"l'archibanc" ou banc de celui qui commande.
Le tic-tac de la pendule séculaire et le crépitement familier
du feu endormaient l'aïeul fatigué. Tout en tricotant, la "mémé"
surveillait le pot (faïre foc a l'oulo).
Les ustensiles usuels étaient à portée de main : la poële
à long manche (la padéno), le gril (lé grilh), la casserole
en laiton (lé cassét de latou) qui servait à remplir
la marmite (lé toupi).
A la droite de l'âtre, bien au sec, la réserve de sel (la salignero).
Pour activer le feu (lé récalhïou), on utilisait le soufflet
(lé buffét), le tisonnier (le ferrét) et les pincettes
(les espincétos) pour manipuler tisons et braises. La pelle (la rispo)
servait à enlever les cendres.
Sur le rebord de la cheminée, habillée d'un pare feu de toile
rouge noircie par la fumée (lé fum), la maîtresse de maison
rangeait la cafetière en terre vernissée, la lampe à
pétrole et des vieux bougeoirs (lès candhelhès) dont
l'un conservait le petit cierge de la Chandeleur traditionnel (lé candélou
dé Nostro Damo de la Candilièro) que l'on allumait pendant les
orages. Il y avait aussi quelques objets de piété sans grande
valeur : une Vierge en faïence blanche, agrémentée de dorures
effacées, un souvenir ramené de Lourdes, une Sainte Ger-maine
en plâtre noirci par la fumée (en jèis mascarat), un crucifix
orné d'une branche de buis béni le jour des Rameaux (lés
Rams). Les gens des campagnes éprouvaient un profond respect pour tout
ce qui concernait la religion catholique.
De nos jours, le coin du feu a perdu de son importance car les maisons sont chauffées. Cependant, beaucoup apprécient encore d'écouter le feu crépiter dans la cheminée tout en discutant entre amis ou tout simplement en regardant la télévision.
Odette BEDOS
Couleur Lauragais N°29 - février 2001