Reportage
Sur
la piste des marchés au Gras du Lauragais
A la veille des fêtes de fin d'année, Couleur Lauragais
vous propose une étude sur les marchés au Gras du
Lauragais, mais aussi une présentation rapide d'une production
en plein essor : les chapons. Fait nouveau pour l'économie
originale de nos collines : le Lauragais possède d'excellents
fromages, si peu connus. Suivez les circuits que nous avons tracés
et vous ferez des découvertes délicieuses ; nous avons
ajouté quelques monuments à ne pas manquer. Bonne
piste pour les amateurs de foies, de magrets, ou d'art roman. |
Caractères
originaux de la production du Gras
Le
Lauragais est une très grande région productrice de gras,
de volailles, de conserves, de cassoulets mais peu connue sur le plan
national ; la publicité est nettement insuffisante, sauf pour
les cassoulets. Lorsqu'on parle gras, on pense immédiatement
à la Gascogne (Gimont, Samatan, Lectoure) ou au Périgord
(Sarlat) où les syndicats de producteurs font une intense publicité
dans la presse parisienne ; or, en Lauragais nous avons des productions
artisanales de très haute qualité, souvent sans rivales,
encore faut -il les découvrir du côté de Saint Félix,
Gibel, Marquein ou la Pomarède. Une exception : Castelnaudary
est la capitale gastronomique incontestable du Lauragais, avec également
de grosses conserveries et un marché particulièrement
actif et bien connu.
Le rôle
capital du maïs
C'est
la culture du maïs qui explique les productions lauragaises : au
XVIIème siècle, le miraculeux maïs d'origine américaine
arrive sur le marché de Castelnaudary vers 1642 pour l'alimentation
des hommes sous la forme de pain de maïs et de millas. Très
rapidement le maïs est utilisé aux XVIIIème et XIXème
siècles pour l'engraissement des porcs et l'élevage de
canards et d'oies, mais aussi pour les chapons.
Evolution
de la production du Gras
Jusqu'en
1950 chaque ferme (ou borde) élève plusieurs dizaines
de canards et d'oies, la plus grande partie pour la consommation familiale
; une faible part est vendue sur les marchés traditionnels du
Lauragais. A la ferme, les foies sont stockés dans d'énormes
pots en céramique dont on les extrait au fur et à mesure
des besoins. A cette époque, le foie n'était pas un produit
de luxe.
A partir de 1950 les petites et moyennes exploitations disparaissent
et trois types d'élevages pour le gras se structurent :
1) Un type familial avec un exemple précis : l'exploitant possède
50 hectares cultivés en blé dur, titricale, maïs
jaune, maïs blanc. Tous les grains sont réservés
à l'élevage de volailles, chapons et canards. Le canard
est acheté à un jour : un millier, nourri ensuite uniquement
avec du titricale (blé très nourrissant) et du maïs
jaune, dans un vaste enclos où les oiseaux sont en liberté.
L'engraissement dure 21 jours avec du maïs blanc en grains entiers
(et non en bouillies). Un homme arrive à "gorger" 100
oiseaux en une heure. L'élevage est l'activité unique
de ce type d'exploitation.
2) Un élevage
mixte ou complémentaire : sur 150 hectares blé, tournesols
(ressources principales), le fermier ajoute un élevage de canards
(800) qui sont achetés maigres ; l'activité principale
est ici l'engraissement, souvent rapide (12 jours). La production du
gras est une activité intéressante mais secondaire dans
le bilan financier.
3) L'élevage "industriel" : animaux en batterie, croissance
ultra rapide, engraissement 10-12 jours, qui se pratique principalement
dans le Lauragais oriental.
Partout
des "laboratoires" d'abattage sont mis en place sous la contrainte
de règles d'hygiène draconiennes et le contrôle
des services vétérinaires. Des abattoirs industriels se
créent sous forme de coopératives, ainsi à Salles
sur l'Hers et Castelnaudary. Quelques grandes conserveries voient le
jour (Castelnaudary). La dispersion des producteurs est très
grande et la très haute qualité du gras lauragais n'est
pas toujours mise en valeur. De gros efforts sont faits actuellement
pour faire connaître "les foies du Lauragais" ou "
les fromages de la Piège". Les centres commerciaux sont
nombreux (voir la carte). Les plus importants sont Castelnaudary, Belpech,
Revel, Bram, Villefranche.
Chapons
et fromages
Une
production récente mais en plein essor est celle des chapons
: de petits élevages (Montgis-card, Tarabel, Issus) concentrent
leurs ventes sur les marchés de Belpech, Castelnau-dary et Revel
; mais le roi des chapons est le marché de Saint Julia Gras Capou
(début décembre) avec des milliers d'oiseaux.
Pour le
fromage, la Montagne Noire est restée la principale région
d'élevage du Lauragais. Le fait nouveau est l'apparition de petits
producteurs d'une exceptionnelle qualité ; fromages de vaches
(type parmesan) comme "le Cathare de Marquein", et de chèvres
comme "le cathare de Saint Félix". Ces nouveaux producteurs
sont souvent des spécialistes fromagers venus de Suisse.
Les
circuits du Gras
Couleur
Lauragais vous propose quelques circuits (incomplets) qui permettent
au lecteur de découvrir les principaux marchés.
Le circuit du Lauragais Nord nous conduit, depuis Saint Orens ou Castanet,
en direction de l'Est, à Caraman ; ce très ancien village
a eu comme seigneur Riquet, le créateur du canal du Midi. Vers
le Nord-Est, Puylaurens est un marché très dynamique,
particulièrement fréquenté par les toulousains
; de ce castrum, on a une vue imprenable sur les collines du Lauragais.
Son histoire est très agitée : Sicard de Puylaurens était
un cathare puissant qui succomba sous des coups des Croisés de
Simon de Montfort ; au XVIème siècle, Puylaurens est un
des principaux centres du Lauragais pour la religion protestante. A
Saint Félix, une très grosse conserverie et un élevage
de chèvres ; la ville est une bastide avec une très belle
place et sa halle. Revel (le samedi) est à classer parmi les
plus gros marchés : une splendide bastide de 1342, la mieux conservée
du Lauragais avec son beffroi et ses garlandes.
Le circuit du Lauragais central : en partant de Castanet, nous découvrons
de nombreux éleveurs familiaux comme à Aureville, Montgiscard,
Corronsac, Saint Léon, Villenouvelle, Gibel, Marquein. Villefranche
est un centre très fréquenté. Il faut voir son
église gothique avec ses voûtes d'ogives, son dépouillement
; le clocher est un mur à sommet horizontal et tourelles. Castelnaudary
est la capitale gastronomique du Lauragais et le marché du lundi
le plus suivi. De grosses conserveries ont une renommée nationale
; l'amateur d'histoire locale doit se promener sur les bords du Grand
Bassin et les ruelles qui montent au Présidial ; l'église
Saint Michel est d'un très beau gothique ; les hôtels des
XVIIème et XIXème siècles. Enfin Bram, centre très
actif (le mercredi) : voir son port sur le canal et le château
de Lordat.
Le circuit
du Lauragais méridional nous fait démarrer à Auterive
(un gué sur l'Ariège) ; Gibel (les habitants furent soupconnés
d'hérésie et interrogés par l'Inquisition en 1245)
; une étape pour les fromages de Marquein. On peut faire un détour
par Saverdun pour aboutir à Belpech un des plus gros centres
de gras. Echappez-vous quelques minutes pour admirer le portail roman
de l'église (XIIème siècle) et les nombreuses stèles
discoïdales à l'intérieur.
Couleur
Lauragais vous a guidé dans le dédale des producteurs
et des marchés au Gras ; Dirigez-vous un samedi vers Revel ou
un lundi vers Castelnaudary. Vous apprécierez la convivialité
des échanges, la faconde des vendeurs, le pittoresque du marché
sous la halle accentué par l'usage de la langue occitane. Les
marchés sont demeurés le coeur bien vivant du Lauragais
traditionnel.
Jean
ODOL
Couleur
Lauragais N°28 - décembre 2000 / janvier 2001
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