Gens d'ici
Au temps du Pépé Basile, la vie en Lauragais
Jean-Robert MARTY, ancien ingénieur à l'INRA, a écrit un ouvrage édité en 1998 à compte d'auteur : "Au temps du Pépé Basile". Cet ouvrage, Jean-Robert l'a voulu comme un hommage à son père, Basile Marty. Il nous raconte quelques temps forts de ce livre sur la vie d'un habitant du Lauragais dans ce vingtième siècle fort agité.
Les
premières années dans le Lauragais
Basile
Marty, dit "Pépé", naît quasiment avec le siècle
en 1905 dans le petit village audois de Fajac la Relenque, à quelques
kilomètres de la route entre Castelnaudary et Nailloux ; petit village
typique du Lauragais qui ne figurait pas encore sur les anciennes cartes.
A cette époque, le village n'est en effet desservi que par un chemin
de terre qui sera goudronné seulement après la seconde guerre
mondiale.
Dans le sud de la France en général et dans le Lauragais en
particulier, le français était quasiment une langue étrangère.
Dans les campagnes, la population paysanne parlait exclusivement le patois
occitan et les instituteurs devaient le connaître pour enseigner le
français. Le petit Basile est un gamin turbulent qui ne s'intéresse
pas vraiment à l'école et qui fait déjà les 400
coups dans les rues de Villefranche de Lauragais. Beaucoup se souviennent
ainsi de ce jour de foire où Basile et ses copains sèment la
panique dans les rues de la ville en glissant un simple frelon sous la queue
d'une pauvre mule. Celle-ci se cabre, et part à brides abattues en
pleine foire, bousculant tout sur son passage et faisant de nombreux dégâts.
La maréchaussée dressera même un procès-verbal
et une enquête sera menée pour les dommages causés.
Le tournant
de la première grande guerre
La guerre de 14-18 arrive et va considérablement changer la vie de
Basile. En 1914, Basile a neuf ans. Son père est embarqué à
Sète le 14 Août 1914 pour participer à la guerre des Dardanelles,
il ne sera libéré qu'en 1919. Pendant ce temps, Basile, l'aîné,
doit travailler pour nourrir la famille. Il commence un apprentissage de maçon
à Villefranche de Lauragais. Il sera ensuite tour à tour aide-palefrenier,
manoeuvre, terrassier, apprenti-forgeron ou encore fossoyeur.
Durant la guerre, les allemands installent un énorme canon de 34 mètres de long aux portes de Paris, connu sous le nom de Grosse Bertha. D'une portée de 30 kilomètres, ce canon pouvait tirer des obus de plus de cent kilos. Il allait avoir une grande importance pour Basile. Le gouvernement décida en effet d'évacuer les enfants de la capitale dans des familles du sud de la France qui s'étaient portées volontaires pour les accueillir. C'est ainsi qu'une petite fille de six ans, Madeleine Brouilly, issue d'une famille nombreuse et pauvre du 13ème arrondissement, fut reçue par un couple d'instituteurs de Montgaillard Lauragais. La petite Madeleine est adoptée par le couple et deviendra quelques années plus tard la femme de Pépé et la mère de Jean-Robert.
Les difficultés
de vie au quotidien pendant la seconde guerre
La seconde guerre mondiale, ce sont essentiellement des souvenirs de pénurie.
A la campagne, on les ressentait peut être un peu moins rudement qu'à
la ville. Il y avait d'abord les arrangements pour le pain. Il n'y en avait
certes pas autant qu'on pouvait le souhaiter mais les tickets de rationnement
étaient malgré tout moins stricts qu'en ville. Les boulangers
continuaient comme auparavant à fournir le pain en échange du
blé : un sac de blé donnait droit à un nombre précis
de "marques", ces gros pains ronds de cinq livres. Le boulanger
se payait de son travail en prélevant du blé sur chaque sac
livré.
La libération
Le 15 août 1945, les alliés débarquent en Provence. Toulouse
avait constitué un centre actif de la Résistance dans la zone
sud et avait hâte de se libérer. Le 18 août, la grève
générale est déclenchée et le 19 août, les
allemands quittent la ville rose.
Jean-Robert est alors témoin d'une de ces scènes qui marquent
toute une existence. Des rumeurs couraient sur l'abandon par la Gestapo des
habitations réquisitionnées. Dans l'une d'elle, rue Mondran
à Toulouse (actuellement rue des Martyrs de la Libération),
un militaire allemand, hébété, se constitue prisonnier
peu après le départ de ses compatriotes. Une bande de forcenés
l'assaillent et le lynchent, aidés en cela par des témoins du
spectacle qui se mêlent à l'exécution.
Les changements
de l'après-guerre
L'après-guerre marque une période de profondes mutations de
la société que l'on pouvait ressentir au quotidien. Nombreux
sont ainsi les petits métiers qui se sont transformés radicalement.
D'abord à la campagne où charrons, forgerons, celliers, maréchaux
ferrands se font de plus en plus rares. La mécanisation de l'agriculture
entraîna l'évolution de métiers traditionnels vers des
métiers de mécaniciens, plus recherchés. Certains
métiers ont complètement disparu. C'est le cas par exemple des
"Peyarots", ces commerçants ambulants qui achetaient les
vieux vêtements, les plumes et les peaux de lapins. De même, les
"Riviérous" ou "attrape chiens" qui étaient
chargés de capturer les chiens errants, au moyen d'une perche munie
d'un lacet. Il y avait aussi les raccommodeurs de faïences et de porcelaines
ou encore les étameurs qui recouvraient les ustensiles en fer et en
cuivre avec de l'étain fondu. Un petit épicier ambulant, avec
son tri-porteur vert appelé "caïfa", allait de fermes
en métairies à la force de ses mollets. Et bien d'autres encore
Les petits
bonheurs
Mais Jean-Robert a surtout souvenir de ces petits bonheurs au quotidien que
la sortie de la guerre rendait à nouveau possible.
Parmi ces joies simples, Jean-Robert se souvient de virées mémorables
en train dans le Lauragais à partir de Toulouse. Se rendre à
la fête de Caraman était alors une véritable expédition.
On prenait le petit train à la gare qui existait alors près
du pont des Demoiselles, à l'emplacement des Archives actuelles. Ce
train empruntait la vallée de la Marcaissonne et on arrivait à
Caraman après deux heures de trajet, en ayant parcouru à peine
plus de trente kilomètres. Il y avait aussi des parties de pêche
ou de chasse inoubliables. A cette époque, la myxomatose ne faisait
pas encore de ravages et les lapins pullulaient dans les garennes. Celui qui
avait un bon coup de fusil ramenait fréquemment faisans, tourterelles
ou autres gibiers.
Comme toutes les histoires, celle de Basile a connu des hauts et des bas, des bons et des mauvais moments. A la fin de sa vie, Jean-Robert a appris à mieux connaître son père, à mieux découvrir le personnage et c'est ainsi qu'il a décidé d'écrire ce livre sur la vie simple d'un habitant du Lauragais.
Interview : Pascal RASSAT
Bibliographie : "Au temps du pépé Basile" de Jean-Robert MARTY
Couleur Lauragais N°28 - décembre 2000 / janvier 2001