Histoire
Castelnaudary au XVIème siècle
Des ruelles étroites et tortueuses, boueuses, nauséabondes, enserrées dans des remparts en ruine, et se frayant un difficile passage dans l'enchevêtrement des maisons où dominaient les masures en pisé, telle se présentait, au XVlème siècle, Castelnaudary, ville capitale du Lauragais dont Catherine de Médicis était comtesse. Une visite haute en couleurs.
Les registres
des délibérations du conseil de ville, tenus à partir
de 1515 ainsi que les minutiers des notaires nous aident à appréhender
ce qu'était le quotidien de cette cité de quelques 5000 habitants,
en ce siècle où les hommes eurent à subir les trois "fléaux
de Dieu" qu'étaient les guerres, la famine et la peste.
Les
consuls, force de loi
Nous
suivons ainsi les consuls, annuellement élus par une assemblée
de notables, confrontés aux problèmes des jours ordinaires,
réglementant le cycle de fabrication du pain ou s'assurant de la qualité
et du juste prix des viandes débitées dans les boucheries dont
les trois bancs appartenaient à la communauté : les deux de
la "bonne boucherie" où l'on trouvait moutons, veaux de lait
et boeufs gras n'ayant pas travaillé, et celui de la "basse boucherie",
réservé aux vaches et aux brebis. Nous les voyons saisissant
le suif que des marchands s'apprêtaient à vendre à des
forains, au préjudice des habitants qui ne trouvaient plus, nous dit-on,
à acheter que de mauvaises chandelles, ou prenant, en 1547, la décision
de taxer l'huile, le fromage et la morue. L'approvisionnement de la ville
en eau était pour eux une préoccupation constante. Les deux
fontaines de la ville étaient, en effet, très souvent taries,
soit par l'insuffisance du débit des sources, soit parce que des immondices
s'étaient, au fil des mois, accumulés dans l'aqueduc. A l'occasion,
ils se souciaient également des arrivages du poisson ou du commerce
du charbon.
L'organisation de l'enseignement de la latinité dans les écoles,
puis à partir de 1572, dans les collèges, relevait de leur compétence.
Administra-teurs, les consuls étaient aussi investis du pouvoir de
justice : la haute, la moyenne et la basse. Ils l'exerçaient notamment
pour la défense des bonnes moeurs, la répression des actes de
brigandage et l'instruction des crimes de sang.
Les
guerres de religion
Si,
tout au long du XVIème siècle, la guerre étrangère,
née de l'ambition des princes, préoccupa l'assemblée
consulaire et accrut le poids de l'impôt, elle ne perturba pas profondément
le quotidien de la cité, le Lauragais étant resté éloigné
des champs de bataille. Il n'en fut pas de même lors des guerres de
religion. Les affrontements entre huguenots et papistes dévastèrent
le comté, libérant les haines et s'achevant dans un brigandage
que le prétexte confessionnel masquait de plus en plus mal.
Le
fléau de la peste
De l'avènement de François 1er, en 1515, et jusqu'à la
fin du XVIème siècle, Castelnaudary connut trois périodes
marquées par des épisodes pesteux entrecoupés de phases
de répit : les années 1516-1524, 1557-1563 et 1580-1595. L'entassement
des hommes dans des locaux insalubres favorisait la propagation de la maladie.
Face à la peste, les médecins ne proposaient que des remèdes
inutiles, tandis que les charlatans vendaient des compositions qui n'étaient
profitables qu'à eux-mêmes. Les comptes-rendus des séances
du conseil de ville nous font connaître l'évolution des mesures
que prit la cité pour essayer de se prémunir de la maladie contagieuse
: fermeture des portes de la ville, interdiction de recevoir des personnes
et des marchandises venant des lieux infectés, regroupement des malades
et de leur entourage à l'hôpital Saint Roch qu'on venait de construire
et dans des cabanes édifiées à la hâte. Par ailleurs,
les consuls se mettaient en quête d'un chirurgien de peste qui acceptât
au péril de sa vie, moyennant bonne rétribution, de soigner
les pestiférés.
L'activité
marchande de Castelnaudary
Avec les pactes de mariage et les testaments, les minutiers des notaires de
la seconde moitié du siècle s'introduisent dans l'intimité
des habitants. Avec les contrats d'apprentissage, ils apportent de précieux
renseignements sur les métiers alors pratiqués. Les multiples
transactions ayant fait l'objet d'un acte authentique instruisent sur le prix
des immeubles, des produits de la terre et de ceux de l'artisanat. Grâce
à ces actes notariés, nous connaissons le contenu des baux qui
liaient fermiers, métayers et maÎtres valets au propriétaire
du sol, ainsi que les taux usuraires imposés aux travailleurs de la
terre par plus riches qu'eux. Ils nous livrent aussi d'intéressantes
informations sur l'activité marchande, alors que s'achevait l'ère
du commerce du pastel à grande échelle, et sur le mouvement
des prix. Les signatures apposées au bas de ces actes sont révélatrices
de l'alphabétisation des divers groupes sociaux et de son évolution
au cours du siècle. Les dots figurant dans les contrats de mariage
nous indiquent aussi bien la couleur des vêtements du trousseau de la
mariée et les mets des agapes nuptiales que le poids des plumes contenues
dans les "couettes et coussins", ou la valeur des "flassades"
qui recouvraient les lits. Les testaments nous éclairent sur l'expression
de la piété populaire dans cette ville restée très
majoritairement catholique dans un environnement huguenot, tandis que les
legs qui y sont inscrits, sont des indicateurs de la situation de fortune
des familles et des hiérarchies sociales.
Henry
Ricalens
Docteur en histoire
Auteur de l'ouvrage : Castelnaudary au temps de Catherine de Médicis,
Comtesse de Lauragais
Couleur Lauragais N°27 - novembre 2000