Les routes du Lauragais sont jalonnées de moulins à vent. Couleur Lauragais s'est attaché ce moi-ci à comprendre leur fonctionnement. Pierre Mercié vous en livre le secret.
Le Lauragais, petit territoire situé de part et d'autre du seuil de Naurouze, s'étire peu après les portes de Toulouse, jusqu'au delà de la ville de Castelnaudary qui en fut la capitale historique.
Favorisées par un bon terroir, ses collines et ses plaines, balayées par deux vents dominants (l'Autan et le Cers), portent traditionnellement d'importantes cultures de céréales, surtout de blé et de maïs.
Il n'en fallait
pas davantage pour que les crêtes de ce pays se couvrent, voici plusieurs
siècles, d'innombrables moulins à vent dont quelques-uns subsistent
encore de nos jours. Malheureusement, si certains pourraient parfois fonctionner
après une remise en état, la plupart d'entre eux sont en partie
délabrés voire totalement en ruines.
Les origines de l'apparition du moulin à vent dans notre pays sont
à ce jour encore suffisamment obscures pour être soumises à
de nombreuses hypothèses, parfois contradictoires et controversées
suivant les historiens qui se sont penchés sur ce problème.
Par conséquent, je me bornerai à rappeler ici la période
de l'implantation la plus couramment admise qui remonte à la fin du
XIIème siècle.
En ce qui concerne le Lauragais, d'après les textes actuellement connus,
les premiers moulins apparurent sur ces terres vraisemblablement vers le début
du XIIIème, mais à ma connaissance aucun ne subsiste à
ce jour. En effet les deux plus anciennes datations sur lesquelles il est
raisonnable de s'appuyer, remontent vers la fin du XVIème siècle,
et concernent les moulins du Vaux et de Mourvilles-Hautes, tous deux situés
dans le département de la Haute-Garonne.
Mais comment
donc fonctionnait cette curieuse machine qui tirait son énergie du
vent ?
Sa silhouette conique, dressée tout en haut d'une cime et coiffée
d'un curieux chapeau très pointu, ne laisse que bien peu de personnes
insensibles. Grâce à la force exercée par le vent, ses
quatre grandes ailes préalablement entoilées, entraînent
l'arbre moteur et le grand rouet qui sont solidaires et donnent le mouvement
à la grande lanterne. A son tour cet engrenage met en action le petit
rouet et les petites lanternes ; puis, par l'intermédiaire d'un axe
de métal, le gros fer et l'anille, la rotation est communiquée
à la meule supérieure. Cette dernière, mobile dans le
sens de la hauteur, permettait au meunier de régler la mouture des
céréales, en se rapprochant de la meule fixe disposée
au dessous, à l'aide d'un levier vertical, parfois horizontal, situé
à proximité dans la chambre des tournants. Toujours par paires,
les meules sont enveloppées d'un coffre de bois cylindrique ou à
pans, appelé « archure ». Ce dispositif est destiné
principalement à guider les céréales broyées vers
le conduit de sortie nommé « anche », pour ensuite tomber
dans une grande huche rectangulaire, d'où le meunier les recueille
à l'aide d'une pelle avant de les mettre en sac.
L'archure ainsi
que la meule tournante sont percées au centre d'une ouverture circulaire
pour permettre le passage du blé tombé de la trémie et
distribué par l'auget. Une fois engagé entre les deux meules,
le grain de blé est entraîné par le rayonnage et la rotation
du tournant. Il subit alors au cours de son cheminement en spirale un broyage
progressif, jusqu'à donner une mouture parfaitement finie en fin de
parcours, si le réglage effectué par le meunier est correct.
Avant de conclure ce texte, je voudrais citer une amusante petite anecdote
qui illustre bien la renommée dont les meuniers étaient autrefois
affublés. Normalement seuls les coffres « archures » cylindriques
enveloppant les meules étaient autorisés, car les coffres octogonaux
permettaient à de nombreux meuniers de s'approprier la farine qui ne
manquait pas de s'entasser dans chacun des coins. Disons simplement que lorsqu'on
pénétre dans les moulins à vent du Lauragais, on se rend
très vite compte que tous ne sont pas munis de coffres cylindriques
Mais abandonnons ces petites médisances. Au cours de mes visites, j'ai pu constater combien le plus grand nombre de meuniers était des gens honnêtes et intéressants.
Pierre MERCIE
Crédit
photos :
Peinture de Paul Sibra - Collection Martine Trinquelle
Photos des moulins:
Pierre Mercié
Couleur Lauragais N°22 - Mai 2000