"Balade
dans le lauragais méridional :
de Castanet à Fanjeaux"
Sortons des grands axes routiers du Lauragais et prenons les petites
routes (avec la carte Michelin 82). Admirons quelques églises
romanes perdues dans les bois comme celle de Cazalrenoux, découvrons
des châteaux du pastel comme Caignac, Marquein, Fajac la Relenque,
ou des églises gothiques (comme Montgeard) pour terminer
sur l'un des plus grands lieux historiques du Lauragais, à
Fanjeaux où Saint Dominique croise Esclarmonde de Foix dans
les ruelles du castrum. Nous aurions aussi pu appeler cet article
« à la découverte du Lauragais inconnu ».
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Dans
les collines : de Castanet à Nailloux
A Castanet
il faut prendre la RN 113 jusqu'à Montgiscard. Ce gros bourg
de 2000 habitants est dominé par le clocher qui éclate
dans le ciel bleu du Lauragais et que l'on entrevoit de fort loin. Il
s'agit d'un clocher-mur au sommet horizontal entre deux tourelles. Il
a été reconstruit à l'identique (celui du XVIème)
vers les années 1880, oeuvre de l'architecte toulousain bien
connu Nicolas Bachelier. La ville dessine un plan rectangulaire avec
des rues en damier ; pour certains historiens, il s'agirait d'une bastide,
une, parmi toutes celles qui, nombreuses, parsèment le Lauragais.
Les remparts ont disparu tardivement, vers 1820. Au Sud de la ville,
une colline stratégique, avec un long passé catholique
: la chapelle Notre Dame de Roqueville, indiquée sur les cartes
touristiques, comme un lieu de pélerinage très fréquenté.
Des miracles auraient eu lieu aux XIème et XIIème siècles,
et des foules nombreuses, venues souvent de Toulouse se sont pressées
devant la statue de la Vierge, notamment pendant les épidémies
de peste. La chapelle actuelle est récente car elle a été
reconstruite vers 1820. Vers l'Ouest de cette chapelle, un château
du XVIIIème siècle se trouve sur l'emplacement supposé
d'un château plus ancien (autour des XII - XIIIèmes siècles),
demeure seigneuriale de la très haute et puissante famille cathare
des Roqueville. Alazais est Parfaite et brûlée par l'Inquisition
vers 1240 ; ses six garçons sont les frères de Roqueville,
combattants farouches contre les Croisés et les Français
du Roi ; Raymond est également Parfait ; d'autres Roqueville
se réfugient en Lombardie ; Raimonde est brûlée.
Après Montgiscard, continuons jusqu'à Nailloux (1500 âmes).
Le village est composé de trois grandes parties :
- un fort très ancien, autour de l'église,
- une bastide en extension vers l'Est ( le faubourg d'auta),
- un quartier le long de la route de Villefranche qui a formé
une commune un temps indépendante : Viviers (elle appartenait
aux Hospitaliers de Caignac).
L'église
date de la belle époque du pastel (une cloche est datée
de 1498), avec un clocher mur pignon, classique pour le Lauragais. A
3 km, Montgeard, village très touristique avec deux châteaux
: l'un du pastel (classé monument historique), l'autre du XVIIIème
siècle, c'est à dire de la belle époque du blé.
Il s'agit encore d'une bastide de 1317, avec un plan orthogonal classique.
L'église est une des plus belles du Lauragais gothique, immense
par ses dimensions, son volume, son homogénéité
en belles briques rouges, avec un donjon-tour à l'entrée
resté inachevé. A l'intérieur, on découvre
un bénitier en marbre de Pise et une voûte sur croisée
d'ogives avec liernes et tiercerons ; dans les chapelles, des sépultures
des grandes familles nobles du lieu (des marchands de pastel).
De Montgeard
à Fajac la Relenque
Caignac (une Commanderie) est le centre d'exploitation de plusieurs
domaines de l'Ordre de l'Hôpital de Saint Jean de Jérusalem.
Les moines-chevaliers tiraient de gros revenus de leurs terres lauragaises
qui leur permettaient d'entretenir une armée permanente de chevaliers
en Terre Sainte et des garnisons dans les grands châteaux de Palestine
(le krak des Hospitaliers par exemple). Le Commandeur de Caignac possédait
de nombreuses exploitations agricoles situées à Saint
Michel de Lanes, Viviers, Marquein, Lagarde, Gardouch, Aignes, Cintegabelle,
Saverdun. Du château il reste un très bel escalier dans
une tour. L'église du village est classique, avec une architecture
gothique. Depuis Caignac, on atteint facilement Marquein où l'on
découvre des stèles discoïdales sur les murs du cimetière
et un énorme château du pastel (qui ne se visite pas).
Ce château a joué un rôle important en 1799 lors
de l'insurrection royaliste contre la République du Directoire
(août-septembre 1799). Il a été le centre de rassemblement
des insurgés de toute la région voisine, insurgés
qui s'emparèrent ensuite de Salles sur l'Hers. Une partie de
ces insurgés renforceront les troupes de Paulo à Cintegabelle.
Cette importante armée s'empare ensuite de Calmont et Saverdun
avant de se faire écraser au Vernet par les républicains
venus de Pamiers. A Fajac la Relenque, une nouvelle découverte,
bijou architectural, le château de Fajac, splendide construction
du pastel. Très bien conservée, la bâtisse témoigne
de la puissance financière du constructeur. Le pastel a généré
des fortunes colossales parmi les producteurs, mais plus encore parmi
les marchands comme les d'Assézat, les Bernuy (à Ayguesvives
et à Villeneuve la Comptal), les Cheverry (à Saint Michel
de Lanès).
Un court
détour nous conduit à Molandier, une nouvelle bastide.
Construite trop près de Mazères, elle ne s'est pas développée.
Une grande place y a cependant servi de cadre à d'importantes
foires notamment aux moutons. L'église est classique, du gothique
méridional avec un clocher pignon et ses onze cloches. Vers le
Nord Est, nous pénétrons dans la Piège, une micro
région du Lauragais.
La Piège
La Piège est une région qui possède une individualité
très forte. D'abord un peu de toponymie : Piège vient
du latin podium, terme lui même emprunté au grec podion,
signifiant support, piédestal, avant-scène et qui donne
en occitan poch, puech, qui se réduit à pech. On relève
encore (d'après le spécialiste de la Piège, Auguste
Armengaud), puget, pujol, le Pujol, pujou, pujal, puy, pog.
Pech
se prononce en occitan pé (exemple Pechbusque) et signifie colline
et, plus précisément, une colline aux pentes raides. La
Piège a des limites assez précises, Auguste Armengaud
y inclut le territoire de 51 communes soit le canton de Belpech (12
communes), Fanjeaux 12 communes, sans Bram, la Force, Villasavary, Villesiscle,
Salles sur l'Hers (14 communes) et les 5 communes de Castelnaudary Sud,
le Mas Saintes-Puelles, Villeneuve la-Comptal, Mireval Lauragais, Laurabuc
et Fen-deille, et une partie du canton de Mirepoix (8 communes).
La Piège
est une région économiquement médiocre avec un
affleurement en surface de calcaires, de poudingues, de sables, de grès
qui se décomposent en sols squelettiques souffrant terriblement
de la sécheresse estivale. Les forêts, les bois, les landes
et les friches sont très largement répandus avec des cultures
seulement dans le fond des vallées ou vallons. La région
est très faiblement peuplée. Salles sur l'Hers est un
des plus petits cantons de l'Aude. Dans le passé la région
a cependant connu un gros élevage de moutons avec une race spécifique
locale : la lauragaise. Elle a disparu après sa fusion avec la
race de Lacaune. J'ai rencontré, sans doute, le dernier troupeau
de lauragaises en 1990, à Lafage. Détail pittoresque,
un chemin de fer a relié longtemps Castelnau-dary à Belpech
en passant par Salles. Les gares sont toujours là. On l'appelait
le petit train de la Piège, il permettait d'exporter vers Narbonne
les fourrages, l'avoine pour les chevaux du vignoble bas languedocien.
La Piège est demeurée très pittoresque, sauvage,
boisée, avec de petites routes sans voitures, une zone rêvée
pour faire du vélo.
De Belpech
à Fanjeaux
Belpech
est un centre commercial très actif, avec d'énormes silos
à grains, des marchés demeurés très vivants
et, en hiver, des foires au gras qui attirent des foules venues des
départements voisins. L'église, du gothique pour l'essentiel,
doit être visitée impérativement, avec un portail
roman plus ancien (c'est le plus beau et le plus complet des portails
romans du Lauragais). Plaigne possède un clocher mur peigne,
des stèles, un sarcophage gallo-romain. Près de la Viziège,
une Commanderie des Hospitaliers, une autre à Pécharic
et Le Py. Lafage possède, au sud du village, au hameau des Cazazils,
une très belle chapelle avec un deuxième clocher peigne.
Ribouisse est une bastide avortée. A Cazalrenoux, une église
romane très archaïque, avec des murs en gros blocs mal taillés,
sans ouverture, c'est une vraie forteresse. Là-haut, sur sa butte,
apparaît fièrement Fan-jeaux. C'est un bourg dont l'histoire
est particulièrement riche. Fanum Jovis, c'est le temple de Jupiter.
Au XIIème siècle le catharisme s'est très fortement
implanté dans la région et c'est la raison pour laquelle
Saint Dominique s'installe à Fanjeaux dont il est le curé
desservant la paroisse de 1206 à 1214. L'ombre de Saint Dominique
est partout : ses miracles, les villages où il a prêché,
sa maison, le Seignadou, les ruelles qu'il a parcourues, la poutre du
miracle du feu dans l'église. Il faut voir les voûtes de
la chapelle du couvent des Dominicaines, près de la halle. Les
cathares étaient nombreux dans la noblesse locale : 50 fa-milles
étaient hérétiques. Les Maisons communautaires
s'é-taient multipliées. C'est ici, en 1204, que la soeur
du comte de Foix, Esclarmonde, reçut le consolament, en présence
de son frère. Dans la rue des cavaliers (plutôt chevaliers),
le mur qui descend à gauche serait l'ancienne muraille du château
du XIIIème.
Notre balade
se termine à Prouille, au pied de Fanjeaux, au monastère
créé par Saint Dominique, en 1206, pour les femmes hérétiques
qu'il a ramenées à la foi catholique. Les bâtiments
sont récents (fin du XIXème siècle), mais à
l'entrée de l'allée, à droite, on distingue encore
la motte féodale sur laquelle était construit (vers 1200)
un moulin à vent, le premier du Lauragais. Depuis Prouille on
gagne Bram, l'autoroute et retour vers Toulouse.
La balade
que vous propose ce mois-ci Couleur Lauragais vous permettra de découvrir
des sites et des monuments dont la plupart ne figurent pas sur des dépliants
touristiques. D'excellents restaurants jalonnent le circuit proposé
(à Montgeard, Belpech, Fanjeaux, Bram et Castelnaudary avec des
spécialités comme le févoulet de Nailloux). Pour
le cassoulet, chaque chef a sa manière de faire mais il est partout
délicieux. « Nostre cassoulet » demeure bien le fleuron
de la gastronomie lauragaise.
Jean
ODOL
Bibliographie
:
- Jean Odol : « Etudes sur Roqueville » - Nailloux 1992
- Auguste Armengaud :
« Qu'est ce donc que la Piège ? » - Carnets de Garnac
n°13 - 1999.
- Claire Richard : « Le guide de l'Aude » - La Manufacture
- 1990
Couleur
Lauragais N°22 - mai 2000
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